Les étudiants passent la première épreuve écrite du concours 2016 Crédit photographique : © École polytechnique - J.Barande

1972–2022 : analyse de l’évolution du nombre de femmes à Polytechnique

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Marie BRESSON (X95)

La pro­por­tion de femmes au cycle ingé­nieur est pas­sée de 2,2 % à près de 20 % depuis l’ouverture du concours aux femmes. Les voies BCPST et uni­ver­si­taire se révèlent être les filières d’accès à ce cur­sus les plus fémi­ni­sées, davan­tage que les classes pré­pas MP. Les autres cycles de l’École sont plus fémi­ni­sés. Les choix d’études à l’X révèlent ensuite que les femmes ont une appé­tence par­ti­cu­lière pour la bio­lo­gie, la chi­mie et l’économie.

Lorsque l’X a ouvert son concours aux jeunes femmes en 1972, l’École était encore sur la mon­tagne Sainte-Gene­viève, les pro­mo­tions comp­taient 300 élèves dont une dizaine d’inter­nationaux, la sco­la­ri­té durait trois ans dont une année de ser­vice mili­taire. Aujourd’hui, l’X est au cœur d’un vaste cam­pus sur le pla­teau de Saclay, où elle a été rejointe par d’autres écoles ; le ser­vice mili­taire a fait place à une période de for­ma­tion humaine et mili­taire ; la sco­la­ri­té dure quatre ans, les pro­mo­tions comptent 535 élèves dont une cen­taine d’internationaux ; et il y a sept voies pour inté­grer le cycle ingé­nieur. De nou­veaux cur­sus ont été créés à l’École (Bache­lor, MSc&T) qui est aus­si membre fon­da­teur de l’Institut poly­tech­nique de Paris (IP Paris). Dans ce contexte très dif­fé­rent, où en sommes-nous de la fémi­ni­sa­tion à l’X ? En sept tableaux, cet article vous pré­sente quelques points clés sur le sujet.

Quelles conclusions tirer de ces observations ? 

Les jeunes femmes réus­sissent aus­si bien le concours que les hommes. Deux voies prin­ci­pales s’ouvrent donc à l’X si elle sou­haite aug­men­ter le pour­cen­tage de jeunes femmes au cycle ingé­nieur : aug­men­ter le nombre de can­di­dates et faire évo­luer les canaux d’accès.

Aug­men­ter le nombre de can­di­dates néces­site un tra­vail impor­tant de com­mu­ni­ca­tion et ce très en amont du concours et même de la ter­mi­nale, notam­ment pour contrer les effets de la réforme du bac. Il faut mettre en avant la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té de l’X, le fait que les études à l’X ouvrent à une grande varié­té de métiers, que l’on peut tout faire après l’X. Il est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant de mettre en valeur la pos­si­bi­li­té de faire des sciences de la vie à l’X, ce qui est lié à la créa­tion d’un centre inter­dis­ci­pli­naire en life sciences, et la par­ti­ci­pa­tion de l’École au clus­ter avec Gus­tave-Rous­sy pour tra­vailler sur le can­cer. L’X tra­vaille à cette com­mu­ni­ca­tion à tra­vers les actions de son pôle diver­si­té réus­site : opé­ra­tion Monge, jour­née filles et maths, webi­naires à des­ti­na­tion des lycéennes, ren­contres d’ingénieures ins­pi­rantes, camp de sciences pour les filles. (Au cours de l’opération Monge, les élèves de pre­mière année du cycle ingé­nieur se déplacent dans des lycées de toute la France pour y pré­sen­ter aux lycéens et lycéennes les filières scien­ti­fiques d’excellence.)

S’adapter aux défis actuels plutôt qu’adapter les voies d’accès au concours

L’autre pos­si­bi­li­té est de faire évo­luer les canaux d’accès. À noter que les élèves comme les anciennes semblent très atta­chées au fait que l’on ne fasse pas évo­luer les canaux d’accès spé­cia­le­ment pour avoir plus de filles. Elles expriment l’idée qu’il faut rai­son­ner pour s’adapter au monde d’aujourd’hui, par exemple pour for­mer des ingé­nieurs pré­pa­rés aux forts défis en data et en san­té, et, si cela attire plus de jeunes femmes, tant mieux. Mais pas l’inverse !

Je reste pour ma part convain­cue que faire l’X est une chance abso­lu­ment for­mi­dable pour une jeune femme et que les jeunes femmes ne le savent pas assez, ni leurs parents, ni leurs pro­fes­seurs. Conti­nuons à le leur dire ! 


Le pourcentage de jeunes femmes au cycle ingénieur de l'École polytechnique oscille entre 17 % et 22 % sur les cinq dernières années

Le pourcentage de jeunes femmes au cycle ingénieur de l’École polytechnique oscille entre 17 % et 22 % sur les cinq dernières années

À l’ouverture du concours aux femmes en 1972, ces der­nières furent 7 à inté­grer, sur une pro­mo­tion de 316 élèves, soit 2,2 % des effec­tifs. Elles repré­sen­taient res­pec­ti­ve­ment 3,7 % et 3,6 % dans les pro­mo­tions X73 et X74, 11 % dans la pro­mo­tion X95. Les jeunes femmes repré­sen­taient 17,8 % des effec­tifs en 2011 et 16,9 % en 2021 (élèves fran­çais), avec des oscil­la­tions entre les deux et un cumul à 21,9 % en 2018, mais pas de franche ten­dance à la hausse ni à la baisse. En moyenne, sur dix ans, le pour­cen­tage de jeunes femmes au cycle ingé­nieur a été de 17,1 %.


Nombre de femmes sur le cam­pus de l’É­cole poly­tech­nique selon les cursus
Nombre d’é­tu­diants Nombre de femmes Pour­cen­tage de femmes Com­men­taires
Bache­lor 344 127 37 %
Cycle ingé­nieur 2192 388 18 % (17,7 % arron­di à 18 %)

1A + 2A + 3A + 4A

Mas­ter 444 125 28 %

Étu­diants IP Paris dont l’X est l’é­ta­blis­se­ment péda­go­gique ; hors X du cycle ingénieur

MSc&T

289

109

38 %

Hors élèves X ingé­nieurs ins­crits en MSc&T pour leur 4A

Doc­to­rat 527 161 31 %

Doc­to­rants IP Paris dont l’X est l’é­ta­blis­se­ment référent

Total 3796 910 24 %

Le campus de l’X est toutefois de plus en plus féminisé

L’École poly­tech­nique dans son ensemble compte aujourd’hui 24 % de femmes par­mi ses étu­diants. Les Bache­lor et MScT sont par­ti­cu­liè­re­ment fémi­ni­sés, avec 37 % et 38 % de femmes res­pec­ti­ve­ment. À noter que le tableau tient compte des quatre pro­mo­tions de poly­tech­ni­ciens, alors que seules deux pro­mo­tions sont pré­sentes en même temps sur le cam­pus (la pre­mière pro­mo­tion étant en for­ma­tion humaine et mili­taire – 1A, la der­nière étant en qua­trième année à l’extérieur – 4A). Sur les étu­diants phy­si­que­ment pré­sents sur le cam­pus, il y a donc en fait 26 % de femmes.


Nombre de femmes à l’É­cole poly­tech­nique selon la voie d’entrée
Nombre d’é­tu­diants X21 français dont Femmes Pour­cen­tage de femmes
MPI (maths – phy­sique – Informatique) 105 9 9 %
MPSI (maths – phy­sique – sciences de l’ingénieur) 80 8 10 %
PC (phy­sique – chimie) 132 31 23 %
PSI (phy­sique – sciences de l’ingénieur)

57

9

16 %

PT (phy­sique – technologie) 11 0 0 %
BCPST (bio­lo­gie – chi­mie – phy­sique – sciences de la Terre) 13 8 62 %
TSI (tech­no­lo­gie – sciences de l’ingénieur) 1 0 0 %
UNIV (uni­ver­si­taire) 32 8 25 %

Au cycle ingénieur, le pourcentage de jeunes femmes est très variable selon la voie d’entrée

La voie BCPST (bio­lo­gie-chi­mie-phy­sique-sciences de la Terre, qui cor­res­pond à un mélange des anciennes « maths sup bio » et des pré­pas véto) est extrê­me­ment fémi­ni­sée, alors que la voie PT (physique–technologie) ne l’est pas du tout. La voie uni­ver­si­taire est fémi­ni­sée à 25 %. Par­mi les admis de la voie MP (maths-phy­sique) qui est la voie offrant le plus de places au concours, 10 % sont des femmes
en 2021. En 2023, une nou­velle voie d’accès va être ouverte au concours : la voie MPI, maths-phy­sique-infor­ma­tique. Cette voie cor­res­pond à un nou­veau type de maths sup qui a été créé pour faire suite à la réforme du bac et à la créa­tion de la spé­cia­li­té NSI (numé­rique et sciences de l’information). Cette voie est pour le moment très peu féminisée.


Pour­cen­tage de femmes à l’É­cole poly­tech­nique selon l’origine
Pro­mo­tion Pour­cen­tage de femmes par­mi les élèves français Pour­cen­tage de femmes par­mi les élèves internationaux
X18 21,9 % 11,5 %
X19 18,1 % 13,1 %
X20 17,9 % 13,5 %
X21

16,9 %

16,3 %

Au cycle ingénieur, les femmes sont en proportion moins nombreuses chez les élèves internationaux que chez les élèves français

Sur les quatre der­nières années, les femmes repré­sentent entre 11,5 et 16,3 % des effec­tifs chez les élèves inter­na­tio­naux ; entre 16,9 % et 21,9 % chez les élèves français.


Proportion de femmes à l'inscription en Maths spé en 2017

En amont du concours, les filles passent moins en classe étoilée que les garçons

Quelle que soit la sec­tion, les filles passent net­te­ment moins en classe étoi­lée que les gar­çons, comme le montre le dia­gramme. Rap­pe­lons que les classes étoi­lées sont celles qui pré­parent le mieux au concours de l’X, car elles couvrent un pro­gramme un peu plus large que celui des classes non étoi­lées. On peut tou­te­fois s’inscrire au concours et le réus­sir sans avoir été en classe étoi­lée, mais c’est beau­coup plus rare.


Répartition par sexe des élèves selon les doublettes les plus choisies en terminale générale en 2020
Répar­ti­tion par sexe des élèves selon les dou­blettes les plus choi­sies en ter­mi­nale géné­rale en 2020 (Source : Note d’Information, n° 20.38. © DEPP)

La réforme du bac ne va pas dans le sens d’une plus grande féminisation dans les études d’ingénieur

Là où, en ter­mi­nale S, il y avait 47 % de filles en 2019, elles ne repré­sen­taient plus que 35 % envi­ron des élèves ayant choi­si la dou­blette maths-phy­sique pour le bac 2021. Le vivier de jeunes filles sus­cep­tibles de s’orienter vers les études d’ingénieurs dimi­nue donc.


Pour­cen­tage de femmes à admises à l’É­cole polytechnique
Année concours Pour­cen­tage de femmes X CPGE et filières uni­ver­si­taires fran­çaises inscrites Pour­cen­tage de femmes X CPGE et filières uni­ver­si­taires fran­çaises admissibles Pour­cen­tage de femmes X CPGE et filières uni­ver­si­taires fran­çaises admises
2020 21,7 % 19,3 % 18,7 %
2021 20,8 % 17,7 % 17,6 %

Les femmes réussissent aussi bien le concours que les hommes

Toutes filières confon­dues, mal­gré une petite déper­di­tion à l’écrit, les femmes semblent réus­sir aus­si bien le concours que les hommes. Ain­si, elles repré­sen­taient 20,8 % des ins­crites en 2021, 17,7 % des admis­sibles et 17,6 % des admises.


Pour­cen­tage de femmes dans les dif­fé­rents cours de deuxième année
Pour­cen­tage de femmes
Bio­lo­gie 30,8 %
Chi­mie 26,8 %
Éco­no­mie 19,0 %
Méca­nique

18,7 %

Info 15,7 %
Maths app

14,2 %

Maths 10,4 %
Phy­sique

13,3 %

Une fois à l’X, les jeunes femmes sont proportionnellement plus attirées par la biologie, la chimie, l’économie, et moins par les maths et la physique

Le tableau repré­sente le pour­cen­tage de femmes dans les dif­fé­rents cours de deuxième année. Pour com­pa­rai­son, à Oxford la pro­por­tion de femmes admises sur les trois années 2018–2020 est de 13,6 % en maths et infor­ma­tique, 17 % en infor­ma­tique, 20,1 % en phy­sique, 26,9 % en ingé­nie­rie, 27,2 % en mathé­ma­tiques, 39,2 % en chi­mie, 59,0 % en bio­chi­mie, 74,3 % en sciences biomédicales.

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