Un trophée récompensant le déploiement à grande échelle de l’innovation de PREDICT sur l’usine d’ORANO à La Hague.

PREDICT : Bien plus que des technologies prédictives, des outils d’aide à la décision

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°776 Juin 2022
Par Jean-Baptiste LÉGER
Par Matthieu JAMMES (X04)
Par François PERFEZOU (X05)

Jean-Bap­tiste Léger (doc­teur de l’Université de Lor­raine 1999 – CNRS UMR 7039) est cofon­da­teur et direc­teur géné­ral de PREDICT. Aux côtés de Fran­çois Per­fe­zou (X05), direc­teur des opé­ra­tions, et Mat­thieu Jammes (X04), direc­teur des acti­vi­tés défense, aéro­nau­tique et spa­tial, il nous pré­sente les spé­ci­fi­ci­tés du posi­tion­ne­ment de son entre­prise dans le domaine des tech­no­lo­gies prédictives.

Quelle est l’activité de PREDICT ?

Jean-Bap­tiste Léger : Notre métier est l’anticipation des dys­fonc­tion­ne­ments des ins­tal­la­tions indus­trielles. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, il s’agit de la capa­ci­té à anti­ci­per et à pré­dire des baisses de per­for­mance, des défauts de qua­li­té, des pannes de machines. Le but de nos pré­dic­tions est d’apporter à nos clients de la ren­ta­bi­li­té et de l’efficience.

PREDICT est le fruit d’une inno­va­tion tech­no­lo­gique issue de la recherche fran­çaise il y a déjà plus de 20 ans. Aujourd’hui, notre solu­tion est déployée à grande échelle et avec suc­cès au niveau de diverses indus­tries et notam­ment dans le domaine de la défense, de l’aéronautique, du naval, du nucléaire, des mines, de l’industrie lourde et du manu­fac­tu­ring… Si nous nous appuyons sur les mêmes tech­no­lo­gies et métho­do­lo­gies, nous capi­ta­li­sons tou­te­fois aus­si sur une connais­sance fine de chaque sec­teur où nous inter­ve­nons pour appor­ter un accom­pa­gne­ment le plus effi­cient pos­sible à nos clients. En effet, nous consi­dé­rons que nous ne pou­vons pas faire des pré­dic­tions per­ti­nentes si nous ne maî­tri­sons pas par­fai­te­ment les contextes d’usages et de fonc­tion­ne­ments des ins­tal­la­tions de nos clients. 

Le passage à l’échelle et le déploiement industriel des technologies prédictives sont depuis quelques années une réalité. C’est notamment le cas dans le domaine de l’industrie nucléaire et de la mine où vous opérez. Qu’en est-il ? 

Fran­çois Per­fe­zou : Nous tra­vaillons avec un acteur du domaine nucléaire et du cycle du com­bus­tible depuis le milieu des années 2000. Dès le début de notre col­la­bo­ra­tion, nous avons réus­si à éta­blir une rela­tion basée sur une grande confiance. Grâce aux spé­ci­fi­ci­tés de notre métho­do­lo­gie, nous avons été en mesure d’émettre des pré­dic­tions très per­ti­nentes. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, nous avons été ame­nés à tra­vailler sur un équi­pe­ment en cours de mise en ser­vice, pour lequel les don­nées his­to­riques et d’exploitation étaient très res­treintes, voire inexis­tantes, et avons tout de même réus­si à anti­ci­per un dys­fonc­tion­ne­ment cri­tique. 

Depuis, nous avons pour­sui­vi le déploie­ment de nos tech­no­lo­gies pré­dic­tives au pro­fit de ce client avec qui nous col­la­bo­rons depuis plus de 15 ans. Au fil des années, nos champs d’applications et notre péri­mètre d’action ont consi­dé­ra­ble­ment évo­lué. Au-delà de l’anticipation des dys­fonc­tion­ne­ments, nos tech­no­lo­gies sont aus­si uti­li­sées pour opti­mi­ser le pilo­tage de la pro­duc­tion ; pour iden­ti­fier des dérives dans les pro­cé­dés afin de main­te­nir un niveau de qua­li­té conforme aux objec­tifs ain­si qu’un niveau de sécu­ri­té conforme aux règle­men­ta­tions. La valeur ajou­tée de nos tech­no­lo­gies pré­dic­tives dépasse lar­ge­ment le cadre de la main­te­nance ou de l’optimisation des pièces de rechange, mais contri­bue éga­le­ment à la pro­duc­ti­vi­té et la per­for­mance des industriels. 

Aujourd’hui, notre client a inté­gré nos métho­do­lo­gies et nos tech­no­lo­gies dans sa propre orga­ni­sa­tion sans avoir eu à faire d’investissement signi­fi­ca­tif, mais uni­que­ment en met­tant en place un plan de for­ma­tion adé­quat, car nos tech­no­lo­gies sont uti­li­sées sur le ter­rain par les opé­ra­teurs. Ces der­niers dis­posent d’un véri­table outil d’aide à la déci­sion qui leur per­met bien évi­dem­ment d’éviter que des pro­blèmes ne sur­viennent, mais aus­si de com­prendre le contexte autour de chaque situa­tion grâce à l’accès à une infor­ma­tion com­pré­hen­sible et per­ti­nente. Nous sui­vons ain­si plus de 2 500 équi­pe­ments dans une dizaine d’ateliers de pro­duc­tion en matière de per­for­mance, de qua­li­té et de sûre­té pour ce client his­to­rique de PREDICT. 

J‑B.L : Pour un acteur du monde de la mine, nous avons d’abord équi­pé trois équi­pe­ments cri­tiques (un broyeur, un filtre à manche et un élé­va­teur), avant d’équiper tout le reste de son unité.

Nous adres­sons un grand parc de machines diver­si­fiées dans le monde entier et notam­ment en Australie. 

Le recours aux tech­no­lo­gies pré­dic­tives dans ce sec­teur offre la pos­si­bi­li­té aux socié­tés minières de déca­ler les arrêts annuels de main­te­nance. Grâce à nos outils, elles peuvent déter­mi­ner pour chaque site si elles peuvent pour­suivre l’activité pen­dant quelques semaines ou mois sup­plé­men­taires avant l’arrêt tech­nique com­plet. En moyenne, sur une année, nos clients ont pu gagner jusqu’à deux mois de pro­duc­tion en plus, soit une année com­plète tous les six ans. Ce déca­lage per­met non seule­ment une conti­nui­té de la pro­duc­tion sans inter­ven­tion tech­nique, mais aus­si d’avoir un plan de main­te­nance moins impor­tant qu’initialement pré­vu. Aujourd’hui, notre enjeu est de dupli­quer ce modèle qui a fait ses preuves dans le monde minier dans d’autres sec­teurs industriels. 

Quel peut être l’apport de ces technologies dans le domaine spatial ?

Mat­thieu Jammes : Nous tra­vaillons avec de grands acteurs du spa­tial qui fabriquent entre autres des lan­ceurs. Ce sec­teur et cette acti­vi­té se démarquent des autres indus­tries, car ils ont des contraintes et des spé­ci­fi­ci­tés très fortes notam­ment en termes de qua­li­té. En effet, nous sommes sur des pro­duits et des sous-ensembles très oné­reux à fabri­quer et qui sont pro­duits à une échelle rela­ti­ve­ment res­treinte en com­pa­rai­son à d’autres indus­tries comme l’automobile par exemple. Il faut donc conce­voir, déve­lop­per et fabri­quer le pro­duit cor­rec­te­ment au bon niveau de qua­li­té dès la pre­mière fois et à un coût maî­tri­sé, alors que la fabri­ca­tion d’un lan­ceur s’appuie sur des pro­ces­sus de pro­duc­tion nou­veaux et uniques.

Notre métho­do­lo­gie prend tout son sens sur cette typo­lo­gie de pro­jet et d’enjeux. Nous avons ain­si mené un impor­tant tra­vail d’analyse et de com­pré­hen­sion du sys­tème phy­sique afin de pou­voir contour­ner l’absence ou la rare­té des don­nées d’exploitation (fonc­tion­ne­ment, panne, défaut…). Cette capa­ci­té d’analyse est un des prin­ci­paux vec­teurs de dif­fé­ren­cia­tion de PREDICT et nous a per­mis d’obtenir de très bons résul­tats, c’est-à-dire la pro­duc­tion des pièces conformes, sans aucun défaut, et ceci dès la pre­mière pro­duite. Depuis, nous avons pu mettre en place les algo­rithmes et les indi­ca­teurs néces­saires pour pou­voir pré­ve­nir les éven­tuelles dérives de fabrication. 

En parallèle, des nouveaux usages des prédictions sont aussi en cours de développement notamment pour pouvoir anticiper des surémissions carbonées dans le secteur maritime. Quelques mots sur cette dimension. 

J‑B.L : L’International Mari­time Orga­ni­sa­tion a défi­ni des objec­tifs de réduc­tion des émis­sions de car­bone ambi­tieux à hori­zon 2025, 2030 et 2035. PREDICT a pour ambi­tion de contri­buer à leur atteinte dans le domaine du trans­port mari­time en uti­li­sant les tech­no­lo­gies pré­dic­tives et leur béné­fice en termes de per­for­mance et d’efficience. L’idée est ain­si de pou­voir anti­ci­per et détec­ter ces sur­émis­sions le plus tôt pos­sible pour mettre en place les actions néces­saires afin de limi­ter leur impact envi­ron­ne­men­tal. Plus par­ti­cu­liè­re­ment, les navires sont équi­pés de scrub­bers qui per­mettent de conte­nir ces émis­sions anor­males. En capi­ta­li­sant sur nos tech­no­lo­gies, nous pou­vons pré­ve­nir leurs dys­fonc­tion­ne­ments et leurs dégra­da­tions afin de garan­tir un fonc­tion­ne­ment conti­nu et évi­ter des émis­sions car­bo­nées qui pour­raient pas­ser inaper­çues. Sur les trois pro­chaines années, nous sou­hai­tons équi­per 500 navires.

Et alors que ce secteur a vocation à se développer de plus en plus, quels sont vos axes de développement et vos enjeux dans cette démarche ? 

J‑B.L : Notre objec­tif est de pour­suivre notre déve­lop­pe­ment et notre déploie­ment dans les sec­teurs où nous avons déve­lop­pé une expé­rience avé­rée comme le sec­teur minier ou du nucléaire. Nous vou­lons éga­le­ment déployer nos solu­tions au pro­fit du monde de l’aéronautique civil et mili­taire (avions, héli­co­ptères, drones). Dans ce cadre, notre enjeu est de conti­nuer à pro­po­ser des solu­tions qui répondent à des pro­blé­ma­tiques opé­ra­tion­nelles ancrées dans la réa­li­té du ter­rain de nos clients, mais qui opti­misent aus­si leur prise de déci­sion en met­tant à leur dis­po­si­tion des infor­ma­tions qu’ils peuvent faci­le­ment com­prendre et inter­pré­ter. Alors que l’IA prend de plus en plus de place dans le domaine de la pré­dic­tion, notre enjeu est aus­si de tra­vailler sur son expli­ca­bi­li­té tou­jours dans cette optique d’optimisation de la prise de déci­sion par les uti­li­sa­teurs. En effet, nos tech­no­lo­gies doivent pou­voir être acces­sibles aux col­la­bo­ra­teurs de nos clients qui vont être ame­nés à les uti­li­ser au quo­ti­dien. Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, elles doivent aus­si être déployables à grande échelle et sans effort, avec une prise en main simple, rapide et effi­cace qui per­met d’avoir des résul­tats immédiatement. 


Predict en bref

  • Créa­tion il y a 23 ans
  • Un chiffre d’affaires de 3 mil­lions d’euros
  • 25 col­la­bo­ra­teurs dont une majo­ri­té d’ingénieurs
  • Une crois­sance annuelle de 25 %

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