Véhicule autonome Sysnav

SYSNAV : à la croisée de la technologie et de l’innovation

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°776 Juin 2022
Par Aurélien NARDINI
Par Florian POMES (X16)

Entre­prise tech­no­lo­gique de pointe, SYSNAV conçoit et pro­pose des sys­tèmes des­ti­nés notam­ment à des appli­ca­tions de géo­lo­ca­li­sa­tion avan­cées. Auré­lien Nar­di­ni, res­pon­sable pro­jet sur la par­tie aéro­por­tuaire, et Flo­rian Pomes (X16), chef de pro­jet sur la par­tie véhi­cule auto­nome, nous pré­sentent cette socié­té inno­vante et reviennent pour nous sur les pro­jets qu’ils mènent. Entretien.

Quel est le positionnement de SYSNAV ? 

Auré­lien Nar­di­ni : SYSNAV est un acteur spé­cia­li­sé dis­po­sant d’une tech­no­lo­gie de rup­ture dans les solu­tions de navi­ga­tion des­ti­nées au cal­cul de géo­lo­ca­li­sa­tion de pié­tons et de véhi­cules et les sys­tèmes de cap­ta­tion de mou­ve­ment. Au niveau de la géo­lo­ca­li­sa­tion, nous sommes posi­tion­nés sur des briques de tech­no­lo­gies magné­to-iner­tielles. SYSNAV a dépo­sé plus de vingt bre­vets sur ces tech­no­lo­gies magné­to-iner­tielles. Sur le mar­ché de la détec­tion de mou­ve­ment, de nom­breux sys­tèmes dans des avions, des voi­tures… uti­lisent des cen­trales iner­tielles, qui sont des dis­po­si­tifs per­met­tant de cal­cu­ler et de recons­ti­tuer un dépla­ce­ment à par­tir de mesures d’accélération et de la vitesse de rota­tion. À par­tir de là, l’innovation déve­lop­pée par SYSNAV repose sur des MEMS (micro elec­tro­me­cha­ni­cal sys­tems), qui sont des micro­sys­tèmes élec­tro­mé­ca­niques qui peuvent être inté­grés dans dif­fé­rents sys­tèmes. Ces sys­tèmes sont plus com­pé­ti­tifs en termes de coût que les tech­no­lo­gies iner­tielles clas­siques et ils consomment très peu d’énergie ce qui les rend uti­li­sables sur des appli­ca­tions embar­quées sur pié­ton ou véhicule. 

Vos technologies sont utilisées par Aéroport de Paris (ADP) pour permettre d’éviter les collisions sur les pistes. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce cas d’usages concrets ?

A.N. : En effet ! Il y a quatre ans, ADP a lan­cé un appel d’offres pour se doter des solu­tions et tech­no­lo­gies les plus per­ti­nentes afin de géo­lo­ca­li­ser les véhi­cules sur les pistes aus­si bien pour leur pla­te­forme d’Orly que de Rois­sy. Il y a ici pour ADP un double enjeu de sécu­ri­té d’une part afin d’éviter un risque de col­li­sion entre voi­tures et aéro­nefs sur les pistes et les aires de manœuvre et d’autre part d’optimisation des opé­ra­tions avec la faci­li­ta­tion du tra­vail des contrôleurs. 

Le sys­tème de géo­lo­ca­li­sa­tion uti­li­sé jusqu’ici était impré­cis ou indis­po­nible dans cer­taines zones (sous les ter­mi­naux…) ce qui com­plexi­fiait consi­dé­ra­ble­ment la loca­li­sa­tion des véhi­cules. Grâce à notre tech­no­lo­gie, nous arri­vons à obte­nir des infor­ma­tions de loca­li­sa­tion pré­cises et fiables. À par­tir de là et grâce aux pro­cé­dures mises en place par ADP, le contrô­leur n’a plus besoin de véri­fier la posi­tion d’un véhi­cule don­né avant d’accorder une clea­rance pour lui per­mettre d’évoluer ce qui apporte un véri­table gain sur le plan opé­ra­tion­nel. Concrè­te­ment, nous ren­dons la loca­li­sa­tion fiable en appor­tant une couche com­plé­men­taire aux infor­ma­tions four­nies par le GPS. 

Quelle est la valeur ajoutée de vos technologies dans ce cas précis ? 

A.N : Sur un plan tech­nique, elles per­mettent de savoir à tout moment où se trouve un véhi­cule avec une garan­tie de pré­ci­sion et de maî­trise de l’incertitude. Plus fiable, notre solu­tion apporte aus­si un cer­tain confort dans son uti­li­sa­tion. Avec un GPS, même à l’arrêt, la posi­tion d’un véhi­cule va conti­nuer à bou­ger. Avec notre solu­tion, sur la carte, le véhi­cule est véri­ta­ble­ment à l’arrêt et lorsqu’il passe sous un tun­nel ou dans une zone où le GPS n’est pas en mesure de remon­ter des infor­ma­tions fiables, nous sommes en mesure de suivre sa loca­li­sa­tion et sa tra­jec­toire. 

Pour la tour de contrôle, cela per­met aux contrô­leurs de repor­ter leur atten­tion sur le tra­fic des avions. Aujourd’hui dans tous les aéro­ports du monde sauf à Charles de Gaulle et Orly, quand un véhi­cule veut tra­ver­ser une piste, il doit s’arrêter pour appe­ler la tour de contrôle afin qu’elle lui confirme ou pas son autorisation. 

La tech­no­lo­gie per­met d’automatiser ce pro­ces­sus pour per­mettre à des conduc­teurs de tra­ver­ser ou non une piste en consul­tant sim­ple­ment les don­nées. Pour toutes les par­ties pre­nantes, c’est la pos­si­bi­li­té de gagner du temps, mais aus­si d’optimiser la per­for­mance opé­ra­tion­nelle et l’’efficacité.

Actuel­le­ment, notre solu­tion équipe 320 véhi­cules en aug­men­ta­tion vers 420. Nous avons un très bon retour d’expérience sur plus de 28 000 heures de conduite pour plus de 450 000 km parcourus. 

Sur le moyen terme, l’idée est de géné­ra­li­ser cette tech­no­lo­gie consis­tant à aug­men­ter le GPS pour la ges­tion des véhi­cules au sol pour qu’elle devienne le stan­dard de réfé­rence au niveau euro­péen en per­met­tant aux aéro­ports majeurs d’en béné­fi­cier. Il n’était pas envi­sa­geable jusqu’ici de béné­fi­cier d’une telle tech­no­lo­gie pour des appli­ca­tions aér­por­tuaires à cause du coût, la rup­ture tech­no­lo­gie appor­tée par Sys­nav change la donne.

Vos technologies sont aussi pertinentes dans le secteur du véhicule autonome. Pourquoi ? 

Flo­rian Pomes : Pour sim­pli­fier, le véhi­cule auto­nome a besoin de deux tech­no­lo­gies clés : la pre­mière consiste à évi­ter le risque de col­li­sion avec les autres usa­gers de la route et la deuxième consiste à se loca­li­ser au milieu de la voie uti­li­sée avec un pré­ci­sion meilleure que la demi-dif­fé­rence entre la lar­geur d’un véhi­cule et la lar­geur d’une route.

La fonc­tion de ges­tion des éloi­gne­ments relève d’enjeux de per­cep­tion des autres usa­gers de la route et de déci­sion quant à la tra­jec­toire à adop­ter. Nous n’intervenons pas sur ce sujet.

La fonc­tion de loca­li­sa­tion relève d’un strict enjeu de posi­tion­ne­ment par rap­port à la route sur laquelle on évo­lue. Sur ce sujet, dès les pre­miers niveaux d’automatisation des véhi­cules (L2+), il faut une dis­po­ni­bi­li­té éle­vée pour le confort de l’utilisateur qui ne doit pas reprendre la main en per­ma­nence et, dès le niveau L3, il est impé­ra­tif d’apporter un garan­tie de safe­ty : très sim­ple­ment, il faut que la pro­ba­bi­li­té de faire une erreur de loca­li­sa­tion non-maî­tri­sée qui conduise à pou­voir rou­ler hors de la voie relève d’un cas impro­bable (qui contri­bue au cal­cul du taux d’accident accep­table pour un véhi­cule autonome).

La brique tech­no­lo­gique appor­tée par Sys­nav va per­mettre de construire des tra­jec­toires 3D en temps réel qui vont pou­voir être conso­li­dées avec des moyens com­plé­men­taires comme les camé­ras dans la confi­gu­ra­tion basique mais éga­le­ment avec le GPS, les camé­ras, les radars… dans des confi­gu­ra­tions plus évoluées .

Cette com­bi­nai­son des dif­fé­rentes solu­tions et tech­no­lo­gies est la seule qui amène une garan­tie suf­fi­sante alors qu’un GPS cen­ti­mé­trique peut ne pas fonc­tion­ner cor­rec­te­ment dans un tun­nel ou une zone urbaine dense, ou qu’une camé­ra peut être aveu­glée… La tech­no­lo­gie magné­to-iner­tielle de Sys­nav garan­tit donc cette dis­po­ni­bi­li­té de l’information indé­pen­dam­ment des condi­tions extérieures. 

Qu’en est-il en termes de valeur ajoutée ? 

F.P : Nos solu­tions per­mettent de répondre au besoin de loca­li­sa­tion très pré­cis des véhi­cules auto­nomes en assu­rant le res­pect des contraintes de dis­po­ni­bi­li­té et d’intégrité de la don­née de loca­li­sa­tion. La tech­no­lo­gie Sys­nav va per­mettre par exemple lorsque les autres infor­ma­tions ne sont plus dis­po­nibles (camé­ra, GPS cen­ti­mè­trique…) de conser­ver pen­dant 400m envi­ron (soit 15 s à 90 km/h) une pré­ci­sion de loca­li­sa­tion meilleure que 30 cm avec une garan­tie de fia­bi­li­té qui répond aux contraintes régle­men­taires. Cette infor­ma­tion va per­mettre dans un pre­mier temps de gérer des zones dans les­quelles les camé­ras ne voient pas les lignes blanches et donc où le véhi­cule serait per­du, puis si la zone est très éten­du de pré­ve­nir l’automobiliste (par un chan­ge­ment de cou­leur de l’indicateur de qua­li­té de la conduite auto­nome) qu’il peut être ame­né à reprendre la main avant enfin de per­mettre de réa­li­ser une manœuvre de risque mini­mum pour mettre en sécu­ri­té le véhi­cule (se garer au bord de la route ou sur la voie la plus à droite).

Sans la fonc­tion appor­tée par Sys­nav, ce temps de 15s n’existe pas : dès que l’information est per­due, le conduc­teur doit immé­dia­te­ment reprendre la main sans délai de pré­ve­nance. C’est ce qui se passe aujourd’hui et que cer­tains ont pro­ba­ble­ment consta­té dans leur véhi­cule équi­pé d’une camé­ra pour le sui­vi de ligne avec une fonc­tion d’assistance à la conduite type L2.

Au-delà de la dimen­sion géo­lo­ca­li­sa­tion pure, il y a ain­si un très fort enjeu de sécu­ri­té et de maî­trise de la posi­tion du véhi­cule, pou­voir aver­tir le conduc­teur plu­sieurs secondes avant de devoir reprendre la main sur le véhi­cule est indis­pen­sable pour pou­voir aller au-delà du niveau 2. Cou­plée à d’autres solu­tions et outils, la tech­no­lo­gie de Sys­nav vient affi­ner et fia­bi­li­ser la loca­li­sa­tion des véhi­cules notam­ment dans des zones où les autres solu­tions apportent des réponses moins précises. 

Comment un acteur comme SYSNAV se positionne par rapport à la robotique mobile ? 

A.N : Quelle que soit la fonc­tion du robot doté d’une cer­taine auto­no­mie, on retrouve tou­jours une brique tech­no­lo­gique liée à sa mobi­li­té : gui­dage (la tra­jec­toire du robot et com­ment la par­cou­rir), navi­ga­tion (le posi­tion­ne­ment du robot), contrôle (la mise en mou­ve­ment du robot). 

Là aus­si, la com­bi­nai­son des tech­no­lo­gies magné­to-iner­tielles avec les sys­tèmes et cap­teurs tra­di­tion­nel­le­ment uti­li­sés en robo­tique (camé­ra, GPS, radar…) per­met de garan­tir la dis­po­ni­bi­li­té et la pré­ci­sion de la loca­li­sa­tion pour sécu­ri­ser le recours robo­tique mobile notam­ment dans des envi­ron­ne­ments indus­triels, et ce sans rajou­ter des élé­ments d’infrastructures qui rendent sou­vent le modèle éco­no­mique de ces pla­te­formes auto­nomes dif­fi­ci­le­ment viable. Aujourd’hui, une de nos ambi­tions est de cali­brer et d’industrialiser nos pro­duits dans ce domaine pour les déployer à une plus grande échelle sur des pro­jets de taille significative. 

Qu’en est-il de vos principaux enjeux ? 

F.P : Pour les appli­ca­tions liées au véhi­cule auto­no­mie, nous sommes posi­tion­nés sur un mar­ché qui est évi­dem­ment très concur­ren­tiel mais sur un seg­ment très par­ti­cu­lier lié à une navi­ga­tion pré­cise et intègre qui consti­tue une niche que nous par­ta­geons avec quelques acteurs de très haute tech­no­lo­gie. Nous misons sur notre exper­tise de plus de 20 ans dans la navi­ga­tion, nos tech­no­lo­gies pro­té­gées, notre capa­ci­té d’innovation et notre savoir-faire en matière de solu­tions de loca­li­sa­tion pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment sur ce mar­ché. Aujourd’hui, il s’agit pour nous de confir­mer notre avance tech­no­lo­gique sur ces sujets, de pro­duire de manière plus stan­dar­di­sée nos sys­tèmes et de pro­po­ser des solu­tions pour équi­per des véhi­cules de demain. 

Pour rele­ver ces défis, nous avons éga­le­ment besoin de ren­for­cer nos équipes. Nous recher­chons notam­ment des pro­fils d’ingénieurs pas­sion­nés en mathé­ma­tiques appli­quées, en infor­ma­tique, en IA, en data science prêt à s’investir à la fron­tière de la recherche et de l’industrie.

SYSNAV connaît une très belle crois­sance ces der­nières années. Nous sommes pas­sés du sta­tut de bureau d’études à un acteur qui conçoit, déve­loppe et com­mer­cia­lise ses pro­duits avec plu­sieurs mil­liers de sys­tèmes ven­dus par an. Aujourd’hui, nous vou­lons ren­for­cer cet axe dans le domaine de l’automatisation des véhi­cules afin de pou­voir déve­lop­per un por­te­feuille de pro­duits et de solu­tions sur éta­gère tout en conser­vant au cœur de notre ADN notre capa­ci­té d’innovation et de R&D qui sont l’essence même de SYSNAV et qui per­mettent de créer des rup­tures tech­no­lo­giques sur les mar­chés que nous adressons.


En bref

  • Créa­tion en 2008
  • Envi­ron 70 collaborateurs 
  • Un chiffre d’affaires de 13 mil­lions d’euros en 2021
  • Trois pro­grammes Véhi­cule, Médi­cal et Piéton

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