Terralpha transport de la donnée très grande vitesse

Terralpha ou le transport très grande vitesse de la donnée

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°776 Juin 2022
Par Gabriel CHENEVOY
Par Hervé LEGAY

Conti­nui­té ter­ri­to­riale, per­for­mance et sou­ve­rai­ne­té sont au cœur de l’ADN de Ter­ral­pha, la filiale de SNCF Réseau qui pro­pose des ser­vices de trans­port de don­nées à ultra haut débit. Gabriel Che­ne­voy, son direc­teur géné­ral, et Her­vé Legay, son direc­teur com­mer­cial et mar­ke­ting, nous la pré­sentent et nous en disent plus sur son posi­tion­ne­ment dans ce contexte de forte accé­lé­ra­tion du déploie­ment de la fibre optique sur le ter­ri­toire national.

Quel est le contexte autour de la création de Terralpha ?

La genèse de Ter­ral­pha remonte en 2017 et plus par­ti­cu­liè­re­ment à l’arrivée de Hen­ri Pidault aux fonc­tions de chief per­for­mance offi­cer au sein de la SNCF. A l’époque, il avait très jus­te­ment remar­qué, avec Mat­thieu Cha­ba­nel Direc­teur Géné­ral Délé­gué SNCF Réseau, qu’une par­tie de nos fibres optiques était posée le long des voies fer­rées. Vite est venue l’idée de valo­ri­ser ces actifs. En effet, la SNCF a démar­ré très tôt la migra­tion de ses câbles en cuivre vers la fibre optique prin­ci­pa­le­ment pour des rai­sons éco­no­miques. Dans cette démarche, la SNCF a ain­si consti­tué un réseau de com­mu­ni­ca­tion point à point de 20 000 km de fibres dis­po­nible sur 35 000 km garan­tis­sant ain­si un maillage du ter­ri­toire au ser­vice de ses besoins de cir­cu­la­tion fer­ro­viaire et de contrôle commande. 

En 2018, nous nous sommes pen­chés sur les études de fai­sa­bi­li­té, de mar­ke­ting stra­té­gique ain­si que sur les ana­lyses juri­diques pour voir si l’ensemble des condi­tions étaient réunies pour pour­suivre le déve­lop­pe­ment plus en amont. Ce tra­vail s’est pour­sui­vi en 2019 et 2020, en pleine pan­dé­mie, et a per­mis de faire émer­ger le pro­jet puis la struc­ture avec la créa­tion d’un pre­mier pilote au siège de la SNCF en Seine-Saint-Denis où 13 bâti­ments ont été reliés à l’internet grâce à nos ser­vices. Ce pilote a vali­dé à la fois les moda­li­tés de mise en œuvre, les hypo­thèses d’exploitation et le bien-fon­dé de la démarche. Au pre­mier semestre 2021, Ter­ral­pha a vu le jour pour por­ter le déve­lop­pe­ment de ce projet. 

Quels sont les missions et les objectifs de Terralpha ?

Notre prin­ci­pale mis­sion est d’apporter l’ultra haut débit aux portes des ter­ri­toires. Aujourd’hui, la SNCF est dans les pre­miers pro­prié­taires fon­cier en France. Dans le monde du numé­rique, cette dis­po­ni­bi­li­té de ter­rain à proxi­mi­té de grands centres éco­no­miques, l’existence d’un réseau de fibre optique et la proxi­mi­té d’infrastructures élec­triques ouvrent des pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment consi­dé­rables et peuvent notam­ment contri­buer à l’essor du egde com­pu­ting, dont nous enten­dons de plus en plus parler. 

Pour la SNCF, Ter­ral­pha est aus­si la pos­si­bi­li­té de valo­ri­ser son patri­moine exis­tant dans un contexte où le trans­port de la don­née est stra­té­gique. Par l’étendue de notre réseau et de notre infra­struc­ture, nous sommes en mesure d’offrir une conti­nui­té ter­ri­to­riale opti­male et sans cou­ture de Brest à Nice et de Tou­louse à Stras­bourg. Nous met­tons à la dis­po­si­tion des acteurs et opé­ra­teurs du numé­rique une infra­struc­ture qui va leur per­mettre d’accélérer le déve­lop­pe­ment de leurs solu­tions. Nous dis­po­sons, d’ailleurs, de solu­tions prêtes à l’emploi et nous pou­vons, par exemple, rece­voir des micro data­cen­ters sur notre fon­cier pour rap­pro­cher les capa­ci­tés de cal­cul, de sto­ckage et de trans­mis­sion au plus près des lieux de géné­ra­tion de la don­née et de leurs usages. 

En paral­lèle, parce que les fibres optiques sont posées le long des voies, nous pou­vons trans­por­ter la don­née à très grande vitesse en pro­po­sant une des meilleures latences du mar­ché. Sur de grands axes comme Paris-Mar­seille, Paris-Bor­deaux, Paris-Tou­louse, nous rédui­sons la latence de 10 à 40 %. Dans cer­taines zones, nous allons même pro­po­ser des latences qui n’existaient pas et qui rendent pos­sible des appli­ca­tions nou­velles, comme le trans­fert et la répli­ca­tion de don­nées ou de connexion au cloud. 

Ensuite, au tra­vers de Ter­ral­pha, les col­lec­ti­vi­tés locales, les entre­prises et les ser­vices publics ont accès à un ser­vice de confiance construit sur une infra­struc­ture souveraine. 

Nous tenons à sou­li­gner que Ter­ral­pha s’engage à avoir un impact socié­tal posi­tif : déve­lop­per l’accès des ter­ri­toires au numé­rique haut débit en rédui­sant au maxi­mum l’empreinte écologique.

En effet, outre la réduc­tion signi­fi­ca­tive du génie civil avec uti­li­sa­tion de l’existant, notre stra­té­gie RSE s’articule dans la mise en place de mesure d’impact, pour être capables d’évaluer pré­ci­sé­ment la consom­ma­tion d’énergie géné­rée par nos dif­fé­rents points de pré­sence et de concen­trer nos efforts pour réduire notre consom­ma­tion. Aus­si, nous assu­rons la cir­cu­la­ri­té des équi­pe­ments pour pro­lon­ger leur cycle de vie en fai­sant appel au bro­ke­rage qui dis­tinguent les équi­pe­ments qui peuvent être réuti­li­sés et ceux qui sont obso­lètes et qui doivent être recy­clés. Nos équipes y voient une véri­table oppor­tu­ni­té de sen­si­bi­li­ser les par­ties pre­nantes et de choi­sir des four­nis­seurs res­pon­sables. C’est un réel atout de dif­fé­ren­cia­tion dans un sec­teur où les pré­oc­cu­pa­tions envi­ron­ne­men­tales peuvent paraître encore marginales.

Comment cela se traduit plus concrètement ?

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, nous déve­lop­pons d’abord les 15 plus grandes villes fran­çaises puis visons pro­gres­si­ve­ment une cen­taine de villes sup­plé­men­taires d’ici fin 2023. De manière sché­ma­tique, nous serons pré­sents dans la gare de chaque pré­fec­ture de France. À par­tir de ces gares, il y aura un point d’accès à nos ser­vices, mais aus­si l’accès à notre réseau qui relie point par point toutes les villes où nous serons implan­tés avec des débits très éle­vés allant de 10 giga­bits seconde à 100 giga­bits seconde, voire plus. 

Dans une logique de déve­lop­pe­ment du edge com­pu­ting et des micro data­cen­ters asso­ciés, nous avons la capa­ci­té de qua­li­fier des ter­rains, de les pré­pa­rer et de les via­bi­li­ser en vue d’accueillir ces infra­struc­tures. Pour les col­lec­ti­vi­tés locales, ces edge data­cen­ters sont une alter­na­tive per­ti­nente pour relo­ca­li­ser les don­nées de leurs conci­toyens et se pré­mu­nir contre l’impact de lois extra­ter­ri­to­riales qui peuvent régir des four­nis­seurs inter­na­tio­naux non sou­ve­rains. D’ailleurs, les opé­ra­teurs télé­com (data­cen­ters, cloud…) avec qui nous tra­vaillons beau­coup, mais aus­si les grandes entre­prises sont très sen­sibles aux notions de per­for­mance et de souveraineté. 

Quelles sont les prochaines étapes pour Terralpha ?

Actuel­le­ment, nous sommes mobi­li­sés sur le déploie­ment de notre réseau avec l’ambition forte de fina­li­ser l’implantation de notre réseau dans 100 villes fran­çaises d’ici la fin 2023. Au-delà, nous avons aus­si voca­tion à étendre nos réseaux dans les pays euro­péens limi­trophes notam­ment la Bel­gique, le Luxem­bourg, la Suisse, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, car nos rails ne s’arrêtent pas aux fron­tières natio­nales ! D’ailleurs, les opé­ra­teurs fer­ro­viaires euro­péens déploient éga­le­ment leurs réseaux de fibre optique. Il y a, en effet, du sens à déve­lop­per ces réseaux dans une logique de per­for­mance et de sou­ve­rai­ne­té européenne. 

En paral­lèle, aujourd’hui, arrivent à Mar­seille plus de 10 câbles sous-marins en pro­ve­nance du Moyen-Orient, de l’Inde et de l’Afrique ce qui fait de cette ville le 9e hub euro­péen. Mar­seille est en quelque sorte le point d’atterrissage de cette « mar­chan­dise vir­tuelle » qu’est la don­née. Notre volon­té est aus­si de contri­buer au trans­port de ces datas vers tout le conti­nent et notam­ment vers l’Europe du Nord. 

L’arrivée du câble Ami­tié à Bor­deaux, un des rares câbles à joindre les États-Unis et l’Europe sans pas­ser par l’Irlande ou le Royaume-Uni, au moment même où Ter­ral­pha réduit la latence vers Paris avec un tra­jet dif­fé­ren­ciant, per­met de ren­for­cer la redon­dance et la rési­lience des réseaux en ces temps géo­po­li­tiques troublés.

Enfin, nous devons aus­si tra­vailler sur notre visi­bi­li­té afin de deve­nir un acteur recon­nu du pay­sage numé­rique euro­péen, de nouer des par­te­na­riats et de créer des syner­gies pour déployer ain­si toute la capa­ci­té de nos offres. 

Le mot de la fin ?

C’est pas­sion­nant d’assister à l’émergence d’un nou­veau métier au sein de la SNCF qui his­to­ri­que­ment assure le trans­port de fret, des per­sonnes et main­te­nant des don­nées ! La mobi­li­sa­tion des éner­gies et des com­pé­tences de cette belle mai­son per­met de dépla­cer des mon­tagnes, tout en res­tant très agile. 

Poster un commentaire