Infrastructures numériques

InfraNum : une décennie au service des infrastructures numériques

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°776 Juin 2022
Par Philippe LE GRAND

Créé en décembre 2012, Infra­Num va fêter cette année son 10e anni­ver­saire. Phi­lippe Le Grand, son pré­sident, nous pré­sente cette fédé­ra­tion qui regroupe dif­fé­rents acteurs indus­triels de toute taille opé­rant dans le domaine des infra­struc­tures numé­riques et nous en dit plus sur les sujets qui mobi­lisent InfraNum.

Quelques mots pour nous présenter InfraNum.

Infra­Num est une fédé­ra­tion qui regroupe plus de 220 indus­triels des infra­struc­tures numé­riques : des opé­ra­teurs aux bureaux d’études en pas­sant par les inté­gra­teurs, les équi­pe­men­tiers, les câbliers, les maîtres d’œuvre… Toute la filière est repré­sen­tée au sein de notre fédération.

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, nous sommes une asso­cia­tion loi 1901 dont l’objet est de contri­buer au déve­lop­pe­ment de notre indus­trie en France et à l’étranger.

La fédé­ra­tion connaît une crois­sance constante. La somme du chiffre d’affaires de nos adhé­rents repré­sente plu­sieurs dizaines de mil­liards d’euros. Ils emploient plu­sieurs cen­taines de mil­liers de per­sonnes sur des métiers dif­fé­rents. Le Plan France Très Haut Débit qui est notre plus gros chan­tier mobi­lise plus de 40 000 équi­va­lents temps plein. 

Quelles sont vos principales missions ? 

Notre mis­sion est de pro­mou­voir la filière des infra­struc­tures numé­riques, de défendre les inté­rêts de nos membres, de coor­don­ner les actions pour déve­lop­per un tis­su indus­triel de qua­li­té et de contri­buer à l’émergence de nou­veaux pro­jets et chan­tiers en favo­ri­sant le dia­logue avec toutes les par­ties pre­nantes du sec­teur : pou­voirs publics au sein de l’État et col­lec­ti­vi­tés locales, mais aus­si tous les autres acteurs qui gra­vitent autour de cette éco­no­mie. Concrè­te­ment, nous avons un devoir de repré­sen­ta­tion, d’organisation et de déve­lop­pe­ment de notre industrie. 

En une décen­nie, Infra­Num s’est impo­sée comme la fédé­ra­tion de réfé­rence auprès de l’ensemble de l’écosystème des infra­struc­tures numé­riques en France. Fort de notre ADN très prag­ma­tique, nous menons des tra­vaux et des pro­jets très opé­ra­tion­nels. C’est une des prin­ci­pales carac­té­ris­tiques de notre fédé­ra­tion. Nous évo­luons de manière à avoir tou­jours la capa­ci­té de ser­vir notre filière qui, au cours des der­nières années, a véri­ta­ble­ment démon­tré ses capa­ci­tés, ses com­pé­tences et son savoir-faire ce qui lui per­met d’être recon­nue en France, mais aus­si dans le monde. 

His­to­ri­que­ment, Infra­Num est née sous la volon­té de déve­lop­per les infra­struc­tures en fibre optique et cela plus par­ti­cu­liè­re­ment dans le cadre du Plan France Très haut Débit. Aujourd’hui, nous déve­lop­pons aus­si de nou­velles acti­vi­tés au béné­fice de nos membres et cher­chons à déve­lop­per éga­le­ment de nou­veaux mar­chés. Nous nous inté­res­sons à de nom­breux chan­tiers d’avenir dont les prin­ci­paux sont : 

  • L’export : la plu­part de nos entre­prises brille à l’international. Un tiers de nos adhé­rents exporte déjà et est pré­sent à l’étranger ;
  • La smart city ou les ter­ri­toires durables et connec­tés : c’est un sujet qui mobi­lise de nom­breux adhé­rents d’InfraNum. C’est, en effet, un vec­teur très inté­res­sant de déve­lop­pe­ment qui gagne en visi­bi­li­té et en impor­tance alors que nous enten­dons de plus en plus par­ler d’aménagement numé­rique du territoire ; 
  • Les infra­struc­tures mobiles et plus par­ti­cu­liè­re­ment celles rela­tives au déploie­ment de la 5G ;
  • La numé­ri­sa­tion du mar­ché des entre­prises en France : si nous dis­po­sons en Europe des meilleures infra­struc­tures numé­riques, nous accu­sons un impor­tant retard en matière de numé­ri­sa­tion des entre­prises. Une étude euro­péenne (ndlr : l’indice DESI) publiée en décembre der­nier a, d’ailleurs, clas­sé la France 18e.

La création d’InfraNum était donc liée au Plan France Très Haut Débit dont un des objectifs est le déploiement du THD sur l’ensemble du territoire en 2022. Qu’en est-il ? Quel est le bilan de ce plan ? 

Il est évident que c’est un grand suc­cès. Nous allons dépas­ser l’objectif de 80 % de foyers rac­cor­dables fixé par le Gou­ver­ne­ment pour la fin de l’année 2022. Cela fait de la France le cham­pion euro­péen en la matière. Tou­te­fois, le plus dur reste à venir. Nous avons, en effet, beau­coup de dif­fi­cul­tés à aller cher­cher les der­niers pour­cen­tages de Fran­çais à rac­cor­der qui sont géné­ra­le­ment loca­li­sés dans des zones plus rurales et com­plexes pour atteindre 100 % des foyers rac­cor­dables à hori­zon 2025. Nous avons encore trois ans pour tenir cet engagement !

Il est aus­si impor­tant de men­tion­ner que ce plan est une par­ti­cu­la­ri­té fran­çaise. La France a, en effet, confié aux col­lec­ti­vi­tés locales la res­pon­sa­bi­li­té de déployer la fibre optique dans les zones rurales, les « réseaux d’initiative publique ». Cette capa­ci­té à mettre autour d’une même table toutes les par­ties pre­nantes de ce sujet (les col­lec­ti­vi­tés locales, les indus­triels, les acteurs de la filière) dans un cadre fixé par l’État avec un finan­ce­ment public à la clé. Si la France peut être longue à s’organiser, à trou­ver la bonne moda­li­té, une fois le bon modus ope­ran­di trou­vé, les avan­cées et les suc­cès arrivent rapi­de­ment. C’est un très beau suc­cès col­lec­tif avant tout !

Qu’en est-il du déploiement de la 5G ? A quel niveau intervenez-vous ? 

Comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, c’est un chan­tier d’avenir. Aujourd’hui, nous sommes au début de ce déploie­ment. Il s’accompagne d’obligations qui ont été impo­sées aux opé­ra­teurs en échange des fré­quences. À titre de com­pa­rai­son, il a fal­lu près de 11 ans à la 4G pour atteindre le taux de cou­ver­ture actuelle. En cinq ans, 65 % de la popu­la­tion était cou­verte et à l’heure actuelle, les par­ties pre­nantes de ce déploie­ment sont encore mobi­li­sées par le déploie­ment des der­niers pour­cen­tages. Dans ce cadre, Infra­Num sou­haite contri­buer à la mutua­li­sa­tion des infra­struc­tures d’accueil pour faci­li­ter le tra­vail des opé­ra­teurs dans les ter­ri­toires. Plus qu’une évo­lu­tion, la 5G est une révo­lu­tion à condi­tion de pou­voir en tirer tous les béné­fices, que cela soit pour le grand public ou pour les indus­triels qui déve­loppent aujourd’hui des cas d’usage autour de la 5G.

InfraNum est une des parties prenantes du contrat stratégique de filière des infrastructures numériques. Sur quels sujets êtes-vous plus particulièrement mobilisés ? 

En décembre 2020, cette ini­tia­tive a été por­tée par le pré­sident de la Répu­blique, Emma­nuel Macron, alors ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numé­rique. L’idée a été de mettre en place ce contrat stra­té­gique de filière pour les infra­struc­tures numé­riques comme il peut en exis­ter dans d’autres sec­teurs. Deux ans plus tard, s’en est sui­vi un ensemble d’action et la mise en place de ce contrat de filière qui regroupe des fédé­ra­tions, des acteurs de la filière et au sein duquel Infra­Num joue un rôle et occupe une place très impor­tante. Plus concrè­te­ment, quatre chan­tiers ont été iden­ti­fiés : l’export, l’emploi, les ter­ri­toires connec­tés et durables et la 5G. 

Avec l’accélération de la numérisation, quels sont les enjeux qui persistent notamment pour les territoires ? 

Le pre­mier enjeu, que j’ai déjà men­tion­né pré­cé­dem­ment, est rela­tif à la numé­ri­sa­tion des entre­prises fran­çaises. C’est un sujet stra­té­gique, car il impacte la com­pé­ti­ti­vi­té de nos entre­prises. Nous devons aus­si tra­vailler sur la numé­ri­sa­tion de nos admi­nis­tra­tions et plus par­ti­cu­liè­re­ment des démarches admi­nis­tra­tives. Si de larges avan­cées ont été faites sur les ques­tions de la fis­ca­li­té et de l’impôt, d’autres sujets doivent éga­le­ment être numé­ri­sés. Le sec­teur de la san­té doit aus­si accé­lé­rer sa numé­ri­sa­tion. C’est notam­ment le cas du dos­sier médi­cal par­ta­gé, qui a dépas­sé le stade de pro­jet, et doit encore être plei­ne­ment déployé. Enfin, il est aus­si impor­tant de vaincre les frac­tures numé­riques. Elles ne concernent pas que les équi­pe­ments, mais aus­si les usages. Cela passe par le déploie­ment de média­teurs du numé­rique, de la prise en compte de celui-ci plus en amont dans les for­ma­tions et les cur­sus scolaires… 

Dans le cadre de la présidentielle, InfraNum a émis 30 propositions pour une France connectée et durable. Pouvez-vous nous en dire et revenir sur les propositions phares ? 

Nous avons effec­ti­ve­ment reçu les repré­sen­tants des can­di­dats afin qu’ils puissent nous pré­sen­ter leurs pro­grammes et pour échan­ger avec eux sur nos attentes. Dans ce cadre, nous avons émis plu­sieurs pro­po­si­tions d’ordre finan­cier, éco­no­mique et orga­ni­sa­tion­nel pour que le numé­rique soit mieux appré­hen­dé au niveau de l’État, mais aus­si des pro­po­si­tions plus prag­ma­tiques pour faci­li­ter et accom­pa­gner le déploie­ment de nos réseaux.

Par exemple, avec France Digi­tale, nous par­ta­geons l’idée que l’État devrait se doter d’un minis­tère du numé­rique de plein exer­cice et avec des pou­voirs éten­dus. Au-delà, nous pen­sons qu’il est impor­tant de mieux abon­der finan­ciè­re­ment les der­niers rac­cor­de­ments qui sont les plus com­plexes et les plus chers. Un autre exemple plus sym­bo­lique que je sou­hai­te­rais citer est rela­tif à l’appel à pro­jets sur les ter­ri­toires connec­tés et durables visant à inci­ter les col­lec­ti­vi­tés à s’engager dans cette voie. C’est une ini­tia­tive que nous saluons, mais dont le bud­get n’est pas suf­fi­sant. Dès la pre­mière vague, les demandes ont dépas­sé le bud­get de ce der­nier alors que d’autres vagues sont pré­vues. Sur ces sujets stra­té­giques, l’État doit agir en qua­li­té de sti­mu­la­teur du mar­ché. Il est impor­tant que les pre­miers pro­jets exem­plaires puissent voir leur jour afin d’insuffler une dyna­mique ver­tueuse et entraî­ner dans leur sillon d’autres projets. 

Et pour conclure, quels sont les autres sujets qui vous mobilisent ? 

Nous tra­vaillons à la rési­lience de nos infra­struc­tures. Les inci­dents récur­rents et les pro­blé­ma­tiques sécu­ri­taires nous poussent à deve­nir plus actifs sur ce sujet. Nous pen­sons qu’il est temps de lan­cer un plan de rési­lience, de redon­dance et d’effacement des réseaux afin notam­ment que les infra­struc­tures aériennes soient enter­rées. La rési­lience de nos infra­struc­tures repré­sente, en effet, un grand chan­tier stra­té­gique pour notre filière. Enfin, il est aus­si essen­tiel de se pen­cher sur l’économie des réseaux. Aujourd’hui, 90 % de la valeur créée sur les réseaux est aspi­rée par une mino­ri­té d’acteurs, les GAFAM, qui, d’ailleurs, ne paient aucune contre­par­tie finan­cière pour l’utilisation des réseaux. Il faut solu­tion­ner ce rap­port de force défa­vo­rable et réflé­chir à un sys­tème de contri­bu­tion finan­cière pour que cha­cun par­ti­cipe aux inves­tis­se­ments colos­saux réa­li­sés en Europe sur la fibre et la 5G. Ce rééqui­li­brage est aujourd’hui une nécessité. 

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