Hubert Lévy-Lambert par Laurent Simon

Hubert Lévy-Lambert (X53), brillant et tenace

Dossier : TrajectoiresMagazine N°776 Juin 2022
Par Pierre LASZLO

Lorsqu’on entre dans le bel appar­te­ment clair de Cathe­rine et Hubert Lévy-Lam­bert, vous y accueille une frise avec les por­traits de leurs sept petits-enfants. Sens de la famille : il est très fier d’avoir « contri­bué à la concep­tion de trois enfants, intel­li­gents, heu­reux et équi­li­brés ». Hubert Lévy-Lam­bert a non seule­ment le sens de la famille, mais celui de la com­mu­nau­té aus­si : tant la judéi­té alsa­cienne et lor­raine, d’où il pro­vient, que la col­lec­ti­vi­té poly­tech­ni­cienne, que nombre de ses ini­tia­tives ont renforcée.

Quand la valeur doit attendre une année

Lui-même eut de valeu­reux parents : « Mon père Roger, né à Paris en 1891, diplô­mé de Cen­trale (1912), bles­sé à la guerre de 14, che­va­lier de la Légion d’honneur en 40, mort pour la France en 1944 ; et ma mère, Odette, née à Paris en 1900, veuve de guerre à 44 ans avec six enfants âgés de 2 à 17 ans, morte en 2008 à 108 ans, une femme vaillante. »

Ses signes dis­tinc­tifs ? L’intelligence. La gaie­té. Un enthou­siasme juvé­nile : ce qui n’est pas pour sur­prendre, il avait 18 ans lorsqu’il inté­gra l’École, à la fois major et petit nange (le plus jeune) et 52, car trop jeune pour se pré­sen­ter en 32 !

Para en Afrique, économiste à la ville

Pour son ser­vice mili­taire, après avoir pas­sé un bre­vet de para à Pau (par pru­dence ?), il est navi­ga­teur dans l’armée de l’air avec plus de 600 heures de vol à tra­vers l’Afrique, prin­ci­pa­le­ment en DC3 (Dako­ta). Est-ce ain­si que naît sa voca­tion saha­rienne ? De 1958 à 1962, il est char­gé de mis­sion à l’Organisation com­mune des régions saha­riennes. Il y étu­die les pro­jets de mise en valeur des res­sources natu­relles, en uti­li­sant les acquis des cours de Mau­rice Allais (X31), futur prix Nobel, à l’École des mines. Il en tire un goût pour l’économie qu’il va pra­ti­quer à la Direc­tion de la pré­vi­sion, ensei­gner au CEPE et à l’Ensae et trans­crire dans des livres grand public comme La véri­té des prix ou La Ratio­na­li­sa­tion des choix bud­gé­taires.

Hubert Lévy-Lam­bert a conser­vé sa fraî­cheur face à l’existence. Qui ne va pas sans matu­ri­té, elle aus­si, tôt acquise. Ain­si, de la dis­cor­dance entre le temps long de la haute fonc­tion publique et le temps court des poli­tiques. D’où la dif­fi­cul­té à gérer notre pays. D’où aus­si le pan­tou­flage de bien des X, dont H2L – son diminutif.

Cet ancien ban­quier (Socié­té Géné­rale) s’inquiète de ce que l’endettement de notre pays aug­mente à pré­sent d’un mil­liard d’euros par jour. Ce libé­ral croit davan­tage à la méca­nique du mar­ché qu’à des déci­sions publiques, plus sou­vent dic­tées par la déma­go­gie que par la ratio­na­li­té. Il fon­da X Sur­saut en 2005 pour contrer le déclin de l’économie et, par­tant, de la gran­deur de la France.

L’histoire et la mémoire

Autre signe dis­tinc­tif, son inté­rêt pour l’Histoire et pour ses lieux de mémoire, comme Pierre Nora les nom­ma. Il est à l’o­ri­gine de la construc­tion du monu­ment aux morts de l’École à Palai­seau, inau­gu­ré en octobre 2014 par Kader Arif, alors secré­taire d’État aux anciens com­bat­tants. Ce monu­ment réper­to­rie pour la pre­mière fois les 2 000 X morts pour la France depuis la créa­tion de l’École, de l’expédition d’Égypte à la guerre d’Algérie. Hubert Lévy-Lam­bert est de même res­pon­sable de la créa­tion d’une sta­tue d’Arago, due à Wim Del­voye et inau­gu­rée en 2017 dans le jar­din de l’Observatoire à l’occasion des 350 ans de l’AX et de l’Observatoire, pour rem­pla­cer celle fon­due par les Alle­mands en 1943.

Infa­ti­gable, il entame ensuite, à l’instigation de Jacques Biot (X71), la créa­tion du musée de l’X, le Mus’X, inau­gu­ré en 2017. En 2018, il lance le pro­jet de musée du monde séfa­rade, le Mus­sef, auquel vient de suc­cé­der un pro­jet d’institut moins ambi­tieux, l’Inssef.

C’est, de plus, un mora­liste. De 1962 à 1966 il fut rap­por­teur de la Com­mis­sion de l’eau du Com­mis­sa­riat au Plan pour les pro­blèmes éco­no­miques et finan­ciers. Il par­ti­ci­pa à l’élaboration de la loi sur l’eau de 1964 qui a créé les agences de bas­sin, orga­nismes inno­vants sans équi­valent à l’étranger, au finan­ce­ment fon­dé sur le prin­cipe « pol­lueur payeur ».

En 1991, il fonde et dirige le groupe Paref (Paris Real­ty Fund). SIIC cotée sur Euro­next, qu’il a ven­due en 2018 au groupe chi­nois Fosun, pro­prié­taire du Club Méditerranée.

En 1996, avec Jacques Lesourne (X48), il fon­da le groupe X Démo­gra­phie : tou­jours son sens de la famille !

Candidat volontiers jouteur

L’obstination est un autre de ses signes dis­tinc­tifs : ain­si de sa can­di­da­ture, sept fois de suite, au conseil de l’AX, jusqu’à obte­nir l’année der­nière, pour la pre­mière fois dans l’histoire de l’AX, l’élection d’un can­di­dat non coop­té, qu’il salue­ra lors de l’AG du 21 juin 2021, jour de la fête de la musique, par la cita­tion de « Son­nez, son­nez tou­jours, clai­rons de la pen­sée », poème de Vic­tor Hugo consa­cré à la prise de Jéri­cho par les Hébreux : À la sep­tième fois, les murailles tom­bèrent… Sous le nom de dallax.blog, il avait écrit quelques papiers un peu méchants contre l’AX. Beau joueur, Mar­wan Lahoud (X83) ne lui en vou­dra pas et lui remet­tra la Légion d’honneur en grande pompe à l’X en octobre dernier.

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