LexiFi Mathématiques et ingénierie financières

Mathématiques et ingénierie financières : un savoir-faire français

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°774 Avril 2022
Par Jean-Marc EBER

Ren­contre avec Jean-Marc Eber, fon­da­teur et PDG de Lexi­Fi. Dans cet article, il nous en dit davan­tage sur la genèse de cette entre­prise fran­çaise qui aujourd’hui pro­pose la solu­tion logi­cielle la plus com­plète du mar­ché pour les pro­duits d’investissement structurés.

Quelle a été la genèse de LexiFi ?

Pen­dant une dizaine d’années, j’ai tra­vaillé dans la salle de mar­ché d’une grande banque d’investissement fran­çaise, la Socié­té Géné­rale, qui était à l’époque un des lea­ders mon­diaux dans les contrats finan­ciers dits déri­vés. Lexi­Fi est le fruit d’un constat : j’ai pu obser­ver que les banques d’investissement n’avaient pas une approche réel­le­ment indus­trielle pour maî­tri­ser les pro­blèmes ren­con­trés et abor­der ce mar­ché sophis­ti­qué. Les banques d’investissement n’investissaient en effet pas assez dans les infra­struc­tures infor­ma­tiques modernes et je voyais que de nom­breux pro­ces­sus res­taient essen­tiel­le­ment manuels ou semi-manuels. Cela engen­drait autant des coûts impor­tants qu’un risque opé­ra­tion­nel réel (perte suite à une erreur humaine). Lexi­Fi est donc née pour appor­ter une réponse logi­cielle à ces deux pro­blé­ma­tiques : l’industrialisation du monde des contrats déri­vés afin de conte­nir les coûts et la réduc­tion dras­tique des risques opérationnels.

Concrètement, quel est votre cœur de métier et que proposez-vous aux acteurs de la finance ?

Un contrat finan­cier est défi­ni par la manière dont s’organisent les paie­ments en devise ou les livrai­sons phy­siques entre par­ties pre­nantes, en fonc­tion de déci­sions contrac­tuelles prises par les par­ties au cours du temps et de gran­deurs obser­vables objec­ti­ve­ment (cours d’une action, par exemple).

Un tel contrat peut être simple (une obli­ga­tion à taux fixe, par exemple) ou bien plus com­plexe, si les flux dépendent de nom­breuses obser­va­tions au cours du temps, par exemple. Lexi­Fi pro­pose une métho­do­lo­gie de des­crip­tion for­melle uni­fiée qui s’applique à tous ces types de contrats.

Il y a 20 ans, l’industrie finan­cière n’avait accès à aucune sorte de norme pour décrire les contrats finan­ciers. Aujourd’hui, Lexi­Fi pro­pose au mar­ché un stan­dard de des­crip­tion des contrats finan­ciers uti­li­sable aus­si bien par les ins­ti­tu­tions finan­cières que d’autres entre­prises de tech­no­lo­gie financière.

Concrè­te­ment, nous avons déve­lop­pé une sorte de lan­gage infor­ma­tique spé­ci­fique au domaine des contrats finan­ciers, lisible aus­si bien par un être humain que par un ordi­na­teur, qui per­met de décrire les contrats finan­ciers de manière com­plète, exhaus­tive et extrê­me­ment précise !

Il devient alors pos­sible d’implémenter de manière géné­rique toutes les pro­cé­dures usuelles, en pre­nant comme entrée uni­que­ment cette des­crip­tion de contrat formalisée.

Ain­si, notre approche géné­rique per­met l’unification, le par­tage aisé de l’information, et, in fine, la dimi­nu­tion du risque opé­ra­tion­nel. Notre cœur de métier est de pou­voir pro­fi­ter plei­ne­ment de cette géné­ri­ci­té sans perte d’efficacité. Cette approche nous per­met de créer des solu­tions logi­cielles qui sont aujourd’hui adop­tées par tous types d’institutions finan­cières à tra­vers le monde. Notre tech­no­lo­gie spé­ci­fique per­met un trai­te­ment immé­diat com­plet de tous les pro­duits déri­vés et la concep­tion d’outils rapides, flexibles, et précis.

Au-delà de la pertinence et de la performance de vos solutions, LexiFi contribue au rayonnement du savoir-faire français en termes d’ingénierie financière et de logiciels. Qu’en est-il ?

La France a évi­dem­ment de mul­tiples atouts. La qua­li­té de nos ingé­nieurs et de nos mathé­ma­ti­ciens en fait cer­tai­ne­ment par­tie. N’oublions pas l’excellente école fran­çaise de pro­ba­bi­li­tés qui place la France au niveau inter­na­tio­nal par­mi les acteurs majeurs de cette dis­ci­pline des mathé­ma­tiques rela­ti­ve­ment récente et énor­mé­ment uti­li­sée en finance. 

C’est d’ailleurs cette pas­sion ancienne pour la théo­rie des pro­ba­bi­li­tés qui a géné­ré dans les 30 der­nières années d’excellentes for­ma­tions en finance théo­rique, répu­tées dans le monde entier.

Le rayon­ne­ment fran­çais ? Aujourd’hui encore, on me parle sou­vent à l’étranger du TGV ou du Concorde avant d’évoquer l’art de vivre fran­çais ! Ne tom­bons donc pas dans les cli­chés usuels : le luxe, le par­fum, la haute cou­ture, et la cui­sine ne sont pas les seuls sec­teurs à repré­sen­ter notre pays.

Sachons mettre en avant notre très belle répu­ta­tion industrielle.

Rien n’irait sans la recherche fon­da­men­tale, qui nous irrigue : nous met­tons en œuvre chez Lexi­Fi des tech­no­lo­gies récentes issues de tra­vaux fon­da­men­taux réa­li­sés dans des labo­ra­toires en France, comme le lan­gage OCaml, résul­tat de tra­vaux de recherches réa­li­sés par l’Inria.

Lexi­Fi est le seul édi­teur de logi­ciel de la place finan­cière à pro­po­ser un stan­dard uni­fié de des­crip­tion des contrats finan­ciers déri­vés, aujourd’hui uti­li­sé par près d’une cin­quan­taine d’institutions finan­cières dans le monde. Lexi­Fi se réjouit ain­si de contri­buer à la démons­tra­tion du savoir-faire fran­çais en termes d’ingénierie finan­cière et de réa­li­sa­tion de logiciels.

Pourquoi la formation et les compétences de nos ingénieurs en mathématiques notamment font la différence sur ce marché ?

Nous main­te­nons en France une culture de l’abstraction qui est assez pro­non­cée par rap­port à d’autres pays. Cet avan­tage, cou­plé à un niveau en mathé­ma­tiques rela­ti­ve­ment éle­vé, per­met à nos ingé­nieurs de se démar­quer sur le mar­ché inter­na­tio­nal. Par ailleurs, l’écrasante majo­ri­té des ingé­nieurs issus des grandes écoles passent par les classes pré­pa­ra­toires. Et, tout le monde en convient, dans les classes pré­pa­ra­toires, on apprend à tra­vailler avec assi­dui­té. Nom­breux sont enfin les ingé­nieurs qui com­plètent leur for­ma­tion par un troi­sième cycle uni­ver­si­taire, ce qui est appréciable.

Sur ce marché, quelles sont vos ambitions et vos perspectives ?

Notre mar­ché est mon­dial puisque nos clients exis­tants ou poten­tiels se trouvent sur tous les conti­nents (nous n’offrons par exemple pas de ver­sion fran­çaise de notre logi­ciel – il n’existe pour l’instant qu’en anglais). Même si nous dis­po­sons his­to­ri­que­ment d’un solide mar­ché domes­tique, plus de 95 % de notre CA récur­rent se fait à l’exportation, dont envi­ron la moi­tié en Europe, un peu plus de 40 % sur le conti­nent amé­ri­cain et le reste en Asie. Il y a un fort poten­tiel de crois­sance en Asie, et nous nous employons donc acti­ve­ment à y faire croître notre clientèle !

Nous avons deux types de pro­duits qui s’adressent à des clien­tèles différentes :

  • un logi­ciel pour les uti­li­sa­teurs finaux (banques pri­vées, banques d’investissements, assu­reurs, courtiers…) ;
  • un com­po­sant logi­ciel qui est licen­cié et inté­gré par les autres édi­teurs de logi­ciels, four­nis­seurs de pla­te­formes, et ins­ti­tu­tions finan­cières avec des infra­struc­tures tech­no­lo­giques avan­cées pour enri­chir leur propre offre. 

Notre ambi­tion décla­rée est de deve­nir lea­der mon­dial en tech­no­lo­gie de ges­tion des pro­duits d’investissement déri­vés com­plexes et struc­tu­rés. Au-delà de notre offre com­mer­ciale, Lexi­Fi pré­voit dans un futur proche de mettre à dis­po­si­tion gra­tui­te­ment son stan­dard de des­crip­tion des contrats finan­ciers aux acteurs de la place, afin de per­mettre la nais­sance d’un éco­sys­tème béné­fique à tous les acteurs du marché.

Quels sont les profils et les talents que vous recherchez pour renforcer vos équipes ? En quoi la formation de l’École polytechnique est-elle intéressante sur cette typologie de poste ?

Nous recher­chons plu­tôt des ingé­nieurs avec un niveau aca­dé­mique assez éle­vé, qui sont ouverts sur l’innovation, et vou­lant par­ti­ci­per acti­ve­ment à l’aventure Lexi­Fi qui est faite d’améliorations suc­ces­sives, dans le res­pect et l’amour du détail. 

Le can­di­dat idéal sera agile sur l’acquisition de nou­velles com­pé­tences et avec une expé­rience dans le monde de l’informatique ou celui des mathé­ma­tiques finan­cières. Géné­ra­le­ment, nous retrou­vons cette poly­va­lence chez la plu­part des ingé­nieurs fran­çais issus de grandes écoles, et en par­ti­cu­lier l’École poly­tech­nique, encore plus si la for­ma­tion est com­plé­tée par un troi­sième cycle uni­ver­si­taire. Évi­dem­ment, des can­di­dats inter­na­tio­naux aux for­ma­tions sou­vent dif­fé­rentes du sys­tème fran­çais ont tout à fait leurs places chez Lexi­Fi. Nous insis­tons enfin sur notre sou­hait d’accroître nota­ble­ment le nombre de nos recru­te­ments fémi­nins, même si nous man­quons à ce jour de candidates !

Que diriez-vous aux jeunes qui souhaitent entreprendre ?

Si votre situa­tion per­son­nelle est stable et ordon­née, n’hésitez pas !

La France offre en effet un envi­ron­ne­ment favo­rable aux entre­pre­neurs en quête d’opportunités. Notre tra­di­tion très ancienne de foi dans le pro­grès tech­nique qui remonte au 18e siècle a créé de mul­tiples sec­teurs d’excellence et forme un éco­sys­tème favo­rable pour construire et donc créer de la valeur et faire ain­si gran­dir son entreprise. 

La qua­li­té du sys­tème d’éducation fran­çais ne vaut pas uni­que­ment pour les domaines d’ingénierie. Le « savoir-fran­çais » s’étend à des sec­teurs mul­tiples (luxe, éner­gie, mode, desi­gn, tou­risme, agroa­li­men­taire, méde­cine, etc.). Les aides publiques, ain­si que la men­ta­li­té et légis­la­tion favo­rable à l’entrepreneuriat, viennent se rajou­ter à l’équation pour me rendre opti­miste. Je salue la rési­lience des entre­pre­neurs fran­çais, notam­ment face à la crise sani­taire, et me réjouis de l’apparition d’une nou­velle géné­ra­tion d’entrepreneuses ambi­tieuses afin de conver­ger vers une pari­té néces­saire et souhaitable. 

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