Scaleway, Une alternative européenne et souveraine sur le marché du cloud

Dossier : Cloud, Data & IAMagazine N°773 Mars 2022
Par Yann LECHELLE

Explo­sion du cloud, sou­ve­rai­ne­té, dépen­dance tech­no­lo­gique… sont autant d’enjeux qui mobi­lisent les acteurs du cloud, c’est-à-dire ceux qui pro­posent l’informatique en nuage. Par­mi eux, on retrouve Sca­le­way, une entre­prise fran­çaise qui ambi­tionne de se posi­tion­ner comme une alter­na­tive fran­çaise et euro­péenne face à l’hégémonie amé­ri­caine sur ce mar­ché. Le point avec Yann Lechelle, Direc­teur Géné­ral de Sca­le­way.

Actif sur le marché depuis plus de vingt ans, quelles sont les principales évolutions que vous avez remarquées ? 

Le mar­ché du cloud a pris son envol il y a un peu plus d’une ving­taine d’années avec une offre, dont le prin­cipe consiste à dépla­cer les machines et les capa­ci­tés de cal­cul chez les exploi­tants, au sein de leurs data ware­houses et entre­pôts. Ce dépla­ce­ment des machines avec la sous-trai­tance de l’achat et la main­te­nance a aus­si mar­qué une évo­lu­tion du busi­ness model avec le pas­sage à la loca­tion de res­sources plu­tôt que l’acquisition. 

Puis, depuis une dizaine d’années, nous avons bas­cu­lé sur un modèle de loca­tion de frac­tions de res­sources avec le cloud qui devient une pro­po­si­tion de valeur lar­ge­ment pilo­tée par le logi­ciel. Nous avons aus­si assis­té à un pas­sage vers l’exponentiel avec un très fort posi­tion­ne­ment des acteurs domi­nants cali­for­niens qui ont réus­si à conver­tir mas­si­ve­ment à une échelle régio­nale l’informatique, qui était elle-même en pleine muta­tion. La genèse de cette trans­for­ma­tion remonte aux années 70 avec les pré­mices de l’internet, qui n’est véri­ta­ble­ment deve­nu une com­mo­di­té, un pro­duit consom­mable par le grand public que depuis le début des années 2000. Inter­net a, par ailleurs, for­te­ment contri­bué à ce déve­lop­pe­ment expo­nen­tiel et à la migra­tion vers le cloud.

“Le marché du cloud a pris son envol il y a un peu plus d’une vingtaine d’années avec une offre, dont le principe consiste à déplacer les machines et les capacités de calcul chez les exploitants, au sein de leurs data warehouses et entrepôts.”

Aujourd’hui, et plus par­ti­cu­liè­re­ment dans ce contexte de pan­dé­mie et de guerre com­mer­ciale qui va s’intensifier entre les États-Unis et la Chine, les États, dont la France, se posent la ques­tion de leur sou­ve­rai­ne­té à ce niveau. Le cloud s’est impo­sé comme un sujet pré­pon­dé­rant dans nos vies et la dépen­dance à ces pla­te­formes est un enjeu cri­tique pour les États, les régions, mais aus­si les fédé­ra­tions comme l’Europe. L’adoption du Cloud Act par les États-Unis (une des nom­breuses lois extra­ter­ri­to­riales qui consti­tuent l’arsenal de l’hégémon) a contri­bué à remettre sur le devant de la scène le débat rela­tif à la sou­ve­rai­ne­té tech­no­lo­gique et géo­po­li­tique des pays et des États. Il est, doré­na­vant, évident que la France et l’Europe doivent pou­voir s’appuyer sur des acteurs comme Sca­le­way pour avoir accès à un ensemble d’alternatives natio­nales et régionales. 

À partir de là, comment avez-vous fait évoluer votre positionnement ? 

Sca­le­way a vu le jour il y a vingt-et-un ans. À l’époque, en mode start-up, nous avons été incu­bés au sein de l’acteur de télé­com­mu­ni­ca­tions Iliad (four­nis­seur du ser­vice Free en France). Tou­te­fois, nous ne sommes pas un opé­ra­teur de télé­com­mu­ni­ca­tions (mar­ché régu­lé au niveau natio­nal), mais de cloud (mar­ché non-régu­lé d’envergure internationale). 

Filiale à part entière d’Iliad, nous avons connu prin­ci­pa­le­ment trois grandes phases dans notre déve­lop­pe­ment. Nous avons démar­ré notre acti­vi­té avec la créa­tion de data cen­ters à une offre de loca­tion des­ti­née à des entre­prises qui ont délo­ca­li­sé leurs ser­veurs chez nous. Est venue ensuite une acti­vi­té de loca­tion de ser­veurs dédiés à dis­tance pour nos clients entre­prises qui conser­vaient en interne la ges­tion de ces équi­pe­ments à distance. 

La der­nière phase coïn­cide avec une trans­for­ma­tion majeure ini­tiée par Ama­zon, qui a déve­lop­pé une ver­sion du cloud (Ama­zon Web Ser­vices ou AWS), non plus basée sur des ser­veurs dédiés, mais sur des logi­ciels capables de frac­tion­ner les ser­veurs, de les vir­tua­li­ser et de les exploi­ter de manière « élas­tique » en fonc­tion du besoin. En effet, le e‑commerçant a été le pion­nier de l’exploitation interne des res­sources, et AWS est le fruit de cette évolution. 

Sca­le­way pro­pose éga­le­ment ce mode de fonc­tion­ne­ment depuis sept ans main­te­nant. Plus récem­ment, il y a trois ans, nous avons déve­lop­pé notre propre socle com­mo­di­taire. Aujourd’hui, il nous semble évident que cela repré­sente la seule manière logique de consom­mer du cloud en frac­tion­nant les usages et en adap­tant dyna­mi­que­ment la quan­ti­té de cal­cul et de sto­ckage en fonc­tion de la demande des clients.

Aujourd’hui, quelles sont les principales problématiques et attentes des entreprises françaises en matière de cloud ?

Le mar­ché du cloud est com­plexe à appré­hen­der, car il est pola­ri­sé vers les éco­sys­tèmes de déve­lop­pe­ment des socié­tés cali­for­niennes. Ces acteurs incon­tour­nables aus­si appe­lés pla­te­formes sont bien évi­dem­ment AWS d’Amazon, Azure de Micro­soft et GCP (Google Cloud Plat­form) de Google. Ils pèsent à eux trois plu­sieurs mil­liers de mil­liards de dol­lars, et hébergent plus de 80 % de nos don­nées euro­péennes. Ils réus­sissent à cap­ter la qua­si-tota­li­té des bud­gets et ils béné­fi­cient de la fidé­li­té des déve­lop­peurs. Il est évident que nous sommes face à un oli­go­pole cali­for­nien. Le chal­lenge en termes de sou­ve­rai­ne­té est d’avoir la luci­di­té néces­saire au niveau du conscient col­lec­tif pour aller cher­cher des alter­na­tives autres que ces acteurs afin de répondre à des besoins sou­ve­rains et régio­naux, à un coût com­pé­ti­tif et d’une manière plus écologique.

“Sur le marché français, nous travaillons sur notre visibilité et notre reconnaissance en tant qu’alternative innovante et parfaitement souveraine puisque nous maîtrisons la totalité des couches du data center aux services logiciels managés.”

Tou­te­fois, il est impor­tant de noter qu’il y a une prise de conscience à l’échelle fran­çaise. Le 17 mai der­nier le gou­ver­ne­ment a annon­cé sa stra­té­gie natio­nale pour le cloud qui invite le sec­teur public (à l’exception du cercle 1 qui couvre notam­ment les sujets rela­tifs aux impôts et à la défense) et les agents infor­ma­ti­ciens à déve­lop­per tous leurs nou­veaux pro­jets dans le cloud, c’est-à-dire chez des acteurs pri­vés. Cette démarche va per­mettre de réduire la dépen­dance aux infra­struc­tures internes, sauf pour les sujets cri­tiques, et de contri­buer au déve­lop­pe­ment des acteurs pri­vés sou­ve­rains, comme Scaleway. 

Justement, quelle est votre proposition de valeur dans ce cadre ? 

Sca­le­way s’est mobi­li­sée au cours des der­nières années pour rat­tra­per son retard au niveau de son socle de pro­duits “com­mo­di­taires” par rap­port aux acteurs domi­nants. Aujourd’hui, nous dis­po­sons d’un cata­logue d’une cin­quan­taine de pro­duits qui nous per­met de répondre avec per­ti­nence à 80 % des cas d’usages et d’apporter glo­ba­le­ment les mêmes fonc­tion­na­li­tés à une échelle régio­nale que les acteurs amé­ri­cains. Avec nos data cen­ters en France, nous cou­vrons par­fai­te­ment les besoins natio­naux et, sur l’Europe, nous pour­sui­vons notre déploie­ment avec des data cen­ters à Amster­dam et à Var­so­vie. Au-delà de cette capa­ci­té à appor­ter une solu­tion régio­nale ample­ment suf­fi­sante pour la plu­part des cas d’usages, nous nous dif­fé­ren­cions sur ce mar­ché par une très forte conscience sociale et éco­lo­gique. En France, qui est une nation nucléaire, Sca­le­way est lar­ge­ment neutre en car­bone voire car­bone zéro. Notre pré­sence sur le mar­ché contri­bue aus­si à main­te­nir une dyna­mique de com­pé­ti­tion, notam­ment au niveau des prix. 

En tant que challenger sur le marché du cloud, quelles sont vos ambitions, notamment en France ?

Sur le mar­ché fran­çais, nous tra­vaillons sur notre visi­bi­li­té et notre recon­nais­sance en tant qu’alternative inno­vante et par­fai­te­ment sou­ve­raine puisque nous maî­tri­sons la tota­li­té des couches du data cen­ter aux ser­vices logi­ciels mana­gés. Mais au niveau mon­dial, la France reste un mar­ché rela­ti­ve­ment modeste. Aujourd’hui, nos ambi­tions sont inter­na­tio­nales avec une domi­nante euro­péenne. Les acteurs amé­ri­cains dominent leur mar­ché local et euro­péen avec plus de 95 % de parts de mar­ché IaaS et PaaS. Aujourd’hui, les acteurs euro­péens doivent être ambi­tieux et répondre à 30 % de la demande locale, mais viser éga­le­ment encore plus loin en essayant de ser­vir éga­le­ment 30 % de la demande amé­ri­caine et asiatique. 

Ce sont les objec­tifs que nous nous sommes fixés et nous nous don­nons les moyens d’y par­ve­nir avec un nou­veau plan stra­té­gique à la hau­teur de nos ambitions. 

Aujourd’hui, nous sommes plus de 450 col­la­bo­ra­teurs avec un chiffre d’affaires en 2021 qui avoi­sine 100 mil­lions d’euros sur un mar­ché qui repré­sente plus de 200 mil­liards d’euros, alors que 80 % de l’IT mon­dial n’est pas encore dans le cloud ! 

Nous dou­blons donc nos inves­tis­se­ments pour entrer dans une phase d’hyper crois­sance pour répondre aux besoins actuels et futurs des clients. Et pour tenir ces objec­tifs, nous accé­lé­rons notre poli­tique de recru­te­ment avec la volon­té d’avoir 1 000 col­la­bo­ra­teurs d’ici 2023. 

Poster un commentaire