« Les assureurs doivent être moteurs pour impulser des changements à la hauteur des enjeux actuels »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Florence TONDU-MÉLIQUE

Assu­reur incon­tour­nable à une échelle mon­diale et notam­ment en France, le Groupe Zurich est for­te­ment enga­gé sur l’ensemble des pro­blé­ma­tiques et enjeux qui redes­sinent les contours du sec­teur assu­ran­tiel. Flo­rence Ton­du-Mélique, pré­si­dente-direc­trice géné­rale de Zurich France, nous en dit plus.

Quel est votre positionnement sur le marché de l’assurance en France et dans le monde ?

Le Groupe Zurich est un des cinq pre­miers assu­reurs mon­diaux. Avec près de 60 000 col­la­bo­ra­teurs dans 176 pays, il pro­pose une large gamme de pro­duits et de ser­vices en ges­tion et pré­ven­tion des risques. Pla­çant la prise en compte de la com­plexi­fi­ca­tion de ceux-ci au cœur de sa stra­té­gie, le Groupe accom­pagne les grandes muta­tions éco­no­miques et socié­tales en cours. 

En France depuis 1877, Zurich est aujourd’hui l’un des lea­ders du mar­ché en assu­rance com­mer­ciale. À ce titre, il assure l’ensemble du CAC 40 et un grand nombre d’ETI et de PME fran­çaises dans leur déve­lop­pe­ment en France et à l’international.

Pré­sent sur des branches telles que le dom­mage, la res­pon­sa­bi­li­té (civile, pro­fes­sion­nelle, envi­ron­ne­men­tale, des diri­geants), la construc­tion, les risques tech­niques et de spé­cia­li­té (cyber, M&A, ins­ti­tu­tions finan­cières), Zurich apporte éga­le­ment son exper­tise en assu­rance-cré­dit, cau­tion et risques politiques. 

Déten­teur de 13 mil­liards d’euros de bons du Tré­sor et de titres d’entreprises fran­çaises, le groupe Zurich est un inves­tis­seur de pre­mier plan en France, pays stra­té­gique pour le Groupe en termes de des­ti­na­tion de capi­taux, et en tant que pla­te­forme d’innovation sur le mar­ché des particuliers.

Ce marché a connu de nombreuses évolutions au cours des dernières années. Selon vous, quelles sont les évolutions les plus structurantes ? 

Le sec­teur de l’assurance évo­lue au rythme des modes de vie et des grandes muta­tions du monde. 

À l’image de nos socié­tés, les éco­no­mies sont de plus en plus mon­dia­li­sées, les tech­no­lo­gies et orga­ni­sa­tions inter­con­nec­tées et par consé­quent, les risques de plus en plus glo­baux et systémiques. 

Le propre de ces grands risques est de tou­cher tout le monde en même temps. Ils ne peuvent être can­ton­nés et impactent des pans entiers des éco­no­mies avec des réac­tions en chaîne. Qu’ils soient envi­ron­ne­men­taux, géo­po­li­tiques ou liés à la cyber­sé­cu­ri­té, les grands risques rebattent les cartes tant par leur com­plexi­té que par leur occurrence. 

La pan­dé­mie en est une démons­tra­tion sévère. Les logiques assu­ran­tielles de diver­si­fi­ca­tion des por­te­feuilles ne fonc­tionnent plus lorsqu’un même évé­ne­ment pro­duit un effet d’accumulation à l’échelle pla­né­taire. C’est une rup­ture pro­fonde pour nos métiers qui nous oblige à revi­si­ter nos modèles. 

Le risque cyber est illus­tra­tif de ces évo­lu­tions. La recru­des­cence et la puis­sance des cybe­rat­taques est sans nul doute l’un des phé­no­mènes qui impac­te­ra le plus l’assurance dans les années à venir. Ces attaques sont d’autant plus pré­oc­cu­pantes qu’elles ciblent de plus en plus des sec­teurs indus­triels et des infra­struc­tures stra­té­giques. En 2021, la sphère du risque cyber repré­sen­te­rait la troi­sième éco­no­mie mon­diale avec une valeur esti­mée à 6 000 mil­liards de dol­lars, juste der­rière les États-Unis et la Chine.

En tra­vaillant en amont sur la pré­ven­tion et la rési­lience des acteurs éco­no­miques, les assu­reurs ont un rôle à jouer dans la sécu­ri­sa­tion du cybe­res­pace. La tech­no­lo­gie, en par­ti­cu­lier l’intelligence arti­fi­cielle, offre des avan­cées en matière d’analyse des pro­tec­tions et des fai­blesses des sys­tèmes d’information pour faire face à des acti­vi­tés malveillantes.

Au-delà, il est essen­tiel de pen­ser à des approches glo­bales, de façon col­la­bo­ra­tive avec les pou­voirs publics au niveau natio­nal et euro­péen, pour une har­mo­ni­sa­tion des mesures et un meilleur par­tage des don­nées liées aux incidents.

Au cœur de ces diverses mutations, on retrouve le numérique qui est un double enjeu : capitaliser sur le numérique pour se transformer et prendre également en compte les risques générés par la digitalisation. Comment appréhendez-vous ces dimensions ? 

Le numé­rique a méta­mor­pho­sé l’essence de nos métiers, qu’il s’agisse de la blo­ck­chain pour la sécu­ri­sa­tion des tran­sac­tions ou du big data au ser­vice d’une meilleure connais­sance de nos clients. L’année 2020 a agi en cata­ly­seur de cette trans­for­ma­tion digi­tale, tant dans la rela­tion avec nos assu­rés, entre­prises et par­ti­cu­liers, que dans l’évolution vers un modèle d’entreprise hybride.

Nous consta­tons une accé­lé­ra­tion des ten­dances de consom­ma­tion vers des solu­tions acces­sibles, flexibles et sur-mesure. Une tran­si­tion que nous avons plei­ne­ment embras­sée chez Zurich France, avec notre offre Klinc, qui per­met d’assurer les objets connec­tés ou de mobi­li­té, à la demande, avec une expé­rience client 100 % digitalisée.

“À terme, le groupe Zurich n’assurera plus et n’investira plus dans les sociétés tirant plus de 30 % de leurs revenus ou activités des énergies fossiles.”

Le sec­teur dans son ensemble connaît une phase de dis­rup­tion avec une explo­sion des assur­tech dont les levées ont dépas­sé 7 mil­liards de dol­lars sur le seul pre­mier semestre 2021, soit plus que sur tout 2020, déjà année record. Au sein de cet éco­sys­tème, la France occupe une place de choix der­rière les États-Unis et la Grande-Bretagne. 

Pour nous adap­ter et anti­ci­per ces grandes trans­for­ma­tions, nous tra­vaillons dans une rela­tion de cocréa­tion avec des entre­prises inno­vantes. Le groupe Zurich orga­nise un cham­pion­nat mon­dial de l’innovation, qui a atti­ré dans sa der­nière édi­tion 1 400 start-up de 68 pays pro­po­sant des solu­tions visant à rele­ver les défis des géné­ra­tions futures liés au cli­mat, à la san­té et aux technologies. 

En parallèle, comment accompagnez-vous la transformation énergétique ? Quel rôle le monde de l’assurance va-t-il jouer dans ce cadre ?

Le der­nier rap­port du GIEC fait état d’une aug­men­ta­tion de la tem­pé­ra­ture pla­né­taire de +1,5°C, dix ans plus tôt qu’attendu avec des consé­quences alar­mantes. Rien qu’en France, les catas­trophes natu­relles qui repré­sen­taient 1 mil­liard d’euros par an dans les années 1980, puis 2 mil­liards la décen­nie sui­vante et 3 mil­liards à par­tir de 2000, se chiffrent désor­mais à 4 mil­liards chaque année. 

Le réchauf­fe­ment cli­ma­tique bou­le­verse nos modèles de déve­lop­pe­ment par l’intégration du coût des exter­na­li­tés néga­tives. À terme, les éco­no­mies et les entre­prises les plus res­pon­sables seront aus­si les plus com­pé­ti­tives. Au-delà de la ques­tion éthique, le risque RSE impac­te­ra aus­si bien l’actif que le pas­sif des bilans. 

Aux côtés des pou­voirs publics, les assu­reurs, et plus lar­ge­ment la com­mu­nau­té finan­cière, doivent être moteurs pour impul­ser des chan­ge­ments à la hau­teur des enjeux actuels. 

Les inves­tis­se­ments d’aujourd’hui créent les équi­libres et les dés­équi­libres dont nous devrons, demain, assu­rer les consé­quences. En tant que sous­crip­teurs de risque et inves­tis­seurs de long terme, nous sommes en mesure d’influencer les com­por­te­ments des acteurs éco­no­miques à tra­vers nos poli­tiques. Zurich y par­ti­cipe acti­ve­ment et se classe pre­mière socié­té d’assurance dans le DJ Sus­tai­na­bi­li­ty Index. Notre enga­ge­ment est fort et concret : à terme, Zurich n’assurera plus et n’investira plus dans les socié­tés tirant plus de 30 % de leurs reve­nus ou acti­vi­tés des éner­gies fossiles.

Pour relever l’ensemble de ces défis, quelles sont les compétences nécessaires ? 

Dans la nou­velle éco­no­mie carac­té­ri­sée par l’immédiateté et l’impermanence, la per­for­mance de l’entreprise dépend avant tout de l’intelligence col­lec­tive, c’est-à-dire celle de l’ensemble des col­la­bo­ra­teurs, qu’elle se doit de faire grandir.

En tant que diri­geants, notre rôle est de favo­ri­ser et d’organiser la richesse des talents, de leur per­mettre de réa­li­ser leur poten­tiel et de faire de l’entreprise un corps apprenant. 

Les mathé­ma­tiques et les sciences consti­tuent l’un des rares creu­sets de mixi­té sociale, où l’héritage cultu­rel est moins déter­mi­nant pour accé­der à l’excellence.

Valo­ri­ser ces filières per­met dès lors, non seule­ment de mettre en lumière des talents cachés, mais aus­si de dis­po­ser de com­pé­tences futures dans un monde de plus en plus numérique. 

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