Devenir « mutuelle à mission »

Dossier : Raison d'être des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Stéphane LECOCQ (86)

Après le témoi­gnage de deux entre­prises pri­vées et d’une entre­prise publique, voi­ci celui d’une entre­prise du sec­teur mutua­liste. Comme quoi le sta­tut d’entreprise à mis­sion trouve tout son sens quel que soit le sec­teur concerné.

La Mutuelle géné­rale de la police (MGP) défend avec force les valeurs de la mutua­li­té (soli­da­ri­té, liber­té, éga­li­té, démo­cra­tie et res­pon­sa­bi­li­té). Elle répond aux besoins en matière de pro­tec­tion sociale des per­sonnes, notam­ment de tous les fonc­tion­naires qui concourent à la sécu­ri­té des per­sonnes et des biens. Cette pro­tec­tion au quo­ti­dien s’exerce dans de nom­breux domaines (rem­bour­se­ment de frais médi­caux, pro­tec­tion du reve­nu, pré­voyance, accom­pa­gne­ment social, etc.), la mutuelle étant pré­sente à chaque période de la vie de ses adhé­rents. Elle déve­loppe une action d’intérêt col­lec­tif en favo­ri­sant l’accès aux soins et l’amélioration de la pro­tec­tion de ses membres par­ti­ci­pants et de leurs ayants droit. La MGP accom­pagne ses membres par­ti­ci­pants et leurs ayants droit dans une socié­té en muta­tion, source d’inquiétudes et de chan­ge­ments bru­taux, dans laquelle les forces de sécu­ri­té sont de plus en plus mises à l’épreuve. La MGP est « la mutuelle qui pro­tège ceux qui protègent ».


REPÈRES

La Mutuelle géné­rale de la police, dite MGP, per­sonne morale de droit pri­vé à but non lucra­tif, s’appuyant sur une gou­ver­nance démo­cra­tique, fait par­tie de l’économie sociale et soli­daire. Elle exerce les acti­vi­tés rele­vant des branches d’assurance acci­dent, mala­die, vie-décès et capi­ta­li­sa­tion. His­to­ri­que­ment créée par des poli­ciers pour des poli­ciers, la MGP est le fruit de regrou­pe­ments suc­ces­sifs de mutuelles locales, dépar­te­men­tales, régio­nales ou natio­nales. La MGP pro­pose prin­ci­pa­le­ment des garan­ties san­té, arrêt de tra­vail, décès aux fonc­tion­naires rele­vant de mis­sions de sécu­ri­té (agents du minis­tère de l’Intérieur, de l’administration péni­ten­tiaire, des douanes…), elle pro­tège 200 000 per­sonnes, pour un CA de 170 M€ et avec un effec­tif de 470 per­sonnes. La MGP demeure un orga­nisme où règne un très fort sen­ti­ment d’appartenance à une caté­go­rie socio­pro­fes­sion­nelle spé­ci­fique ayant des besoins particuliers. 


Notre cheminement vers la mission, un pari stratégique

Le mou­ve­ment qui a conduit la MGP à adop­ter la qua­li­té de mutuelle à mis­sion com­mence début 2017. À cette date en effet le conseil d’administration se réunit pour faire le point sur le rôle et le posi­tion­ne­ment de la Mutuelle en vue de rédi­ger un nou­veau plan stra­té­gique et une évi­dence appa­raît net­te­ment : la Mutuelle est certes d’importance moyenne dans un monde où la course à la taille semble être le seul hori­zon, mais elle jouit par ailleurs d’une légi­ti­mi­té incom­pa­rable par­mi les agents du minis­tère de l’Intérieur, qu’elle a tou­jours fidè­le­ment ser­vis. Le pari stra­té­gique qui est pris alors est de réaf­fir­mer le carac­tère affi­ni­taire de la MGP pour tou­jours mieux ser­vir les besoins si par­ti­cu­liers des forces de sécu­ri­té et donc de ne pas diluer sa per­ti­nence en pour­sui­vant, par le biais d’une ouver­ture à de nou­veaux ter­ri­toires, la recherche d’hypothétiques gains d’échelle. Le plan stra­té­gique qui sera construit autour de cette ambi­tion devait por­ter un nom rap­pe­lant l’engagement indé­fec­tible de l’entreprise vis-à-vis du monde duquel elle est issue, et le choix se révé­le­ra pré­mo­ni­toire puisqu’il débou­che­ra sur… Pacte 2020 ! Mieux encore, la conclu­sion du plan prend la forme d’un court texte qui résume l’essentiel de ce qu’est la Mutuelle et de ce qu’elle entend appor­ter à ses adhé­rents. Nous avons choi­si de le nom­mer Voca­tion, nous aurions tout aus­si bien pu rete­nir Rai­son d’être…

Quand le pro­jet de loi Pacte voit le jour, notre atten­tion est alors natu­rel­le­ment mise en éveil. Et, lorsque la loi Pacte ouvre la pos­si­bi­li­té pour les entre­prises de se fixer une rai­son d’être et crée la qua­li­té d’entreprise à mis­sion, nous nous sen­tons en ter­ri­toire fami­lier… Coïn­ci­dence encore, c’était le moment où le conseil d’administration, fort du suc­cès de Pacte 2020 qui arri­vait à échéance, s’attelait à défi­nir une nou­velle étape pour la mutuelle, tou­jours affi­ni­taire mais avec la volon­té de consi­dé­rer l’adhérent dans son envi­ron­ne­ment : envi­ron­ne­ment pro­fes­sion­nel bien sûr, fami­lial, socié­tal aus­si, et enfin dans le sens envi­ron­ne­men­tal éga­le­ment. Le nou­veau plan stra­té­gique, H24, devait donc natu­rel­le­ment enga­ger la Mutuelle vers le sta­tut d’entreprise à mis­sion. Sta­tut adop­té avec enthou­siasme lors de son assem­blée géné­rale de sep­tembre 2020, la MGP deve­nant ain­si la pre­mière « mutuelle à mission ».

Une mutuelle à mission, pourquoi ? 

L’adoption de la qua­li­té d’entreprise à mis­sion est donc, on l’a vu, appa­rue comme natu­relle pour la MGP, car son acti­vi­té his­to­rique (pro­té­ger contre les consé­quences maté­rielles d’une dégra­da­tion de l’état de san­té) et ses choix stra­té­giques (se concen­trer sur un public bien iden­ti­fié pour élar­gir sa prise en charge en amont du risque, vers la pré­ven­tion contre les risques sani­taires et socié­taux) l’y ame­naient logi­que­ment. Un second fac­teur devait néan­moins être pris en consi­dé­ra­tion : le sta­tut mutua­liste de la MGP. Une entre­prise sans but lucra­tif, his­to­ri­que­ment orien­tée vers la pré­ser­va­tion du bien-être d’une popu­la­tion et gou­ver­née par des repré­sen­tants issus de celle-ci, n’offre-t-elle pas déjà toutes les garan­ties pour exer­cer une acti­vi­té sin­cè­re­ment res­pec­tueuse à la fois de ses clients et de leurs condi­tions de vie ? En théo­rie, pro­ba­ble­ment. Mais force est de consta­ter que, dans les faits, le modèle mutua­liste a plu­tôt cédé du ter­rain ces der­nières années ; les rai­sons de ce recul sont mul­tiples : un client qui devient davan­tage consom­ma­teur qu’adhérent, une recherche d’économies à tra­vers des rap­pro­che­ments qui rap­prochent en effet les struc­tures mais les éloignent des adhé­rents, une régle­men­ta­tion qui pousse à stan­dar­di­ser le fonc­tion­ne­ment et, recon­nais­sons-le, des diri­geants qui importent dans le monde mutua­liste des réflexes acquis dans d’autres envi­ron­ne­ments… Il nous est donc appa­ru que, pour une mutuelle, l’adoption de la qua­li­té d’entreprise à mis­sion, concept nova­teur et pro­fond, était une manière de réaf­fir­mer la per­ti­nence de son modèle natif, tout en l’enrichissant par une prise en compte des pré­oc­cu­pa­tions envi­ron­ne­men­tales (si la prise en compte de l’influence de l’environnement sur la san­té des adhé­rents pou­vait en effet être déjà pré­sente dans la démarche mutua­liste, la consi­dé­ra­tion de l’impact du fonc­tion­ne­ment de l’entreprise sur l’environnement est, elle, une novation). 

Une compétitivité renforcée

Par­tant du constat que la MGP béné­fi­cie d’une recon­nais­sance et d’une légi­ti­mi­té incon­tes­tées par­mi les agents du minis­tère de l’Intérieur et plus lar­ge­ment des forces de sécu­ri­té, nous avons pris dès le départ le par­ti de consi­dé­rer l’obtention de la qua­li­té d’entreprise à mis­sion comme un moyen de faire plus et mieux, pas comme un outil de valo­ri­sa­tion en soi ; même si nous sommes fiers de nous pré­sen­ter comme la pre­mière mutuelle san­té por­tant la qua­li­té de mutuelle à mis­sion, l’essentiel pour nous était de réaf­fir­mer, au sein de la mutuelle, notre apport à la com­mu­nau­té de nos adhé­rents. Notre rai­son d’être est ain­si une sorte de point de ral­lie­ment entre les col­la­bo­ra­teurs et les élus repré­sen­tant les adhé­rents : Favo­ri­ser la séré­ni­té de toutes celles et tous ceux qui concourent à la sécu­ri­té des per­sonnes et des biens, ain­si que de leur entou­rage, en étant la mutuelle qui s’engage avec force dans une démarche de pro­tec­tion durable et de pro­grès, et inter­vient quo­ti­dien­ne­ment à leurs côtés, avec des solu­tions spé­ci­fiques, adap­tées à l’évolution du monde auquel ils appar­tiennent. À l’issue de notre pre­mière année de fonc­tion­ne­ment, deux constats se dégagent.

“ Les objectifs sociétaux et environnementaux rendent à l’entreprise son vrai sens.”

Pre­mier constat : nous vivons notre mis­sion, et nous la vivons bien ! Bien enten­du, nous nous retrou­vons régu­liè­re­ment face à des situa­tions que nous ne pou­vons plus appré­hen­der comme nous le fai­sions jusque-là, ce qui peut induire cer­taines ten­sions entre la mis­sion et les objec­tifs clas­siques d’une entre­prise dans un monde de vive concur­rence. La clé pour ces situa­tions est la sin­cé­ri­té : nos choix sont tou­jours pesés et expli­ci­tés en pre­nant en compte les para­mètres habi­tuels et avec la mis­sion comme bous­sole. Second constat : la mis­sion libère et guide l’action. S’imposer des objec­tifs socié­taux et envi­ron­ne­men­taux qui vont s’ajouter aux impé­ra­tifs tra­di­tion­nels de com­pé­ti­ti­vi­té peut paraître contrai­gnant mais, dans la mesure où ces objec­tifs sont libre­ment choi­sis et plei­ne­ment cohé­rents avec la rai­son d’être de l’entreprise, ils per­mettent au contraire de rendre à l’entreprise son vrai sens, sa vraie uti­li­té. Et si, comme nous le pen­sons, l’adhérent recon­naît cette valeur ajou­tée, la com­pé­ti­ti­vi­té s’en trouve fina­le­ment renforcée ! 

Une contribution porteuse de sens

Concrè­te­ment, nous com­men­çons à obser­ver quelques pre­mières évo­lu­tions tan­gibles. Ain­si, les tra­vaux de concep­tion et de rédac­tion de la rai­son d’être et de la mis­sion, puis doré­na­vant leur mise en œuvre au quo­ti­dien, ont redon­né aux diri­geants, élus comme opé­ra­tion­nels, la proxi­mi­té avec les besoins de la com­mu­nau­té des adhé­rents. Un retour au ter­rain bien­ve­nu, à l’ère d’une régle­men­ta­tion Sol­va­bi­li­té II qui a certes per­mis de ratio­na­li­ser quelques pra­tiques, mais au prix d’une cer­taine capa­ci­té d’abstraction… Ain­si encore, un nou­veau type de débat s’instaure avec les col­la­bo­ra­teurs de la mutuelle : quand il s’agit de trai­ter de sujets socié­taux ou envi­ron­ne­men­taux, l’expertise du métier de l’assurance ne confère aucune auto­ri­té a prio­ri. Les sala­riés, convain­cus de la per­ti­nence de la mis­sion, peuvent alors prendre les diri­geants au mot, sou­met­tant ceux-ci à une ten­sion inha­bi­tuelle ; là encore, la sin­cé­ri­té est essen­tielle. À cette condi­tion, l’entreprise trouve dans ce nou­veau débat des pistes de pro­grès, et les col­la­bo­ra­teurs une capa­ci­té de contri­bu­tion por­teuse de sens. Nous ne sommes qu’au début du che­min, mais je crois pou­voir affir­mer que la MGP, grâce à son impli­ca­tion dans toute la démarche qui a mené à l’obtention de la qua­li­té de mutuelle à mis­sion, s’est don­né de nou­veaux moyens d’agir.

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