Jean Dupuy

Jean Dupuy (48), un catalyseur de talents au service de la SNCF et du pays

Dossier : TrajectoiresMagazine N°769 Novembre 2021
Par Jean-Marie METZLER (62)

La SNCF doit à Jean Dupuy, décé­dé le 3 juillet 2021, les évo­lu­tions majeures que furent l’adaptation de l’outil indus­triel SNCF à la révo­lu­tion tech­nique, réso­lu­ment au ser­vice de l’homme, et la nais­sance, puis le déve­lop­pe­ment du TGV.

Fils d’un agent d’encadrement à la Manu­fac­ture d’armes de Tulle, Jean Dupuy naît le 23 sep­tembre 1927. Après l’X et le corps des Mines, et un pre­mier poste à Saint-Étienne, il rejoint la SNCF en décembre 1956 au ser­vice maté­riel et trac­tion, et non à l’exploitation répu­tée la « voie royale ». Ses racines cor­ré­ziennes lui ont don­né le pro­fond res­pect du tra­vail bien fait : il passe, dit-on, le CAP de tour­neur par sou­ci d’une com­pré­hen­sion concrète des hommes et des choses.

Sa car­rière sera rapide : ate­lier du maté­riel d’Oullins ; arron­dis­se­ment maté­riel et trac­tion à Metz (expé­rience du mana­ge­ment des conduc­teurs de train) ; ate­lier du maté­riel de Bisch­heim ensuite. À Paris en 1962, chef du dépar­te­ment de l’entretien du maté­riel moteur, en 1965 chef du ser­vice maté­riel et trac­tion de la région Sud-Ouest, en 1967 direc­teur adjoint maté­riel et trac­tion puis direc­teur en 1971.

Un management participatif 

Jean Dupuy achève la recon­fi­gu­ra­tion de la main­te­nance du maté­riel rou­lant. Les pres­crip­tions de main­te­nance sont for­ma­li­sées de manière par­ti­ci­pa­tive, appuyées déli­bé­ré­ment sur l’expérience du ter­rain, l’état réel des organes à main­te­nir. Les diri­geants locaux struc­turent leurs éta­blis­se­ments par dis­ci­pline tech­nique et équipes spé­cia­li­sées. Le per­son­nel est for­mé inten­si­ve­ment aux tech­niques nou­velles ce qui per­met une ascen­sion interne qua­li­fiante qui four­ni­ra au maté­riel une bonne par­tie de ses cadres. 

Jean Dupuy arrête en février 1974 l’architecture du maté­riel TGV, rame indé­for­mable, arti­cu­lée, et convainc les pou­voirs publics de choi­sir la trac­tion élec­trique plu­tôt que les tur­bines gour­mandes en éner­gie fos­sile. En novembre 1974, direc­teur géné­ral adjoint de la SNCF, à ce titre il prend en charge l’ensemble du pro­jet « TGV », le mène magni­fi­que­ment à bien. La ligne Paris-Lyon ouvre en octobre 1981 et connaît un suc­cès fou­droyant. Il suc­cède en décembre 1985 au direc­teur géné­ral, Paul Gentil.

Une période difficile

La réno­va­tion de l’entreprise à laquelle il avait pris une part consi­dé­rable (TGV, pro­duc­ti­vi­té du fret, moder­ni­sa­tion des struc­tures…) va entrer dans une période très dif­fi­cile. Les catas­trophes fer­ro­viaires de 1985 (Flau­jac, Argen­ton-sur-Creuse, Saint-Pierre-du-Vau­vray) causent le départ du pré­sident de la SNCF. Jean Dupuy fait reva­li­der par l’encadrement les apti­tudes des conduc­teurs de train, ce qui amène un dur conflit social, mais abou­tit cepen­dant à un renou­veau de la for­ma­tion des conduc­teurs (intro­duc­tion de simu­la­teurs de conduite…) et à l’amélioration de leurs condi­tions de tra­vail (inso­no­ri­sa­tion des cabines de conduite, moder­ni­sa­tion des lieux de repos…). 

Jean Dupuy engage les réformes deve­nues urgentes : l’équilibre finan­cier avait été per­du en 1978, les évo­lu­tions sociales imposent un mode de mana­ge­ment qu’il voyait lui-même « du 3e type », moins bureau­cra­tique. Une pro­fonde réflexion interne veut moder­ni­ser l’appréciation du per­son­nel et sa rému­né­ra­tion. Sur une reven­di­ca­tion de prime infor­ma­tique, une grève est déclen­chée fin 1986 à la gare de Paris-Lyon et gagne l’ensemble de la SNCF, se cris­tal­li­sant sur le refus de l’avancement « au mérite ». Le conflit s’enlise… Début jan­vier 1987, une vague de froid vient ajou­ter à la para­ly­sie de la France, les pou­voirs publics obligent la SNCF à renon­cer à moder­ni­ser la ges­tion de son per­son­nel. Jean Dupuy décide en consé­quence de prendre sa retraite en octobre 1987. 

Homme de carac­tère, de convic­tion, atta­ché vis­cé­ra­le­ment à la place de l’homme dans le sys­tème de l’entreprise, son action s’inscrit dans la filia­tion de celle de Louis Armand, l’autre grand diri­geant du XXe siècle à avoir mar­qué pro­fon­dé­ment le che­min de fer. 

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