Recherche à l'X

La recherche à l’X, une dynamique de succès auprès des élèves

Dossier : Nouvelles du platâlMagazine N°768 Octobre 2021
Par Robert RANQUET (72)

Deux ans après la créa­tion de l’Institut Poly­tech­nique de Paris, où en est la recherche à l’X ? Nous fai­sons le point avec Benoît Deveaud (71), directeur
de la recherche à l’École.

Benoît Deveaud, l’appétence des jeunes X pour la recherche est-elle toujours intacte ?

Abso­lu­ment, et les choses ont bien chan­gé depuis ma pro­mo, où je pas­sais pour un cin­glé quand je disais que je vou­lais faire de la recherche. Aujourd’hui, pas­ser par la recherche est deve­nu un réflexe cou­rant : envi­ron 35 % des X enchaînent sur un doc­to­rat pour com­plé­ter leur for­ma­tion. Il faut dire que, notam­ment à l’étranger, un doc­to­rat est un atout impor­tant pour être recon­nu et accé­der aux meilleures fonc­tions. Cela dit, il reste un gros tra­vail à faire pour mieux mettre les jeunes en contact avec le Centre de recherche, comme du reste avec le Centre d’innovation Dra­hi : les étu­diants se montrent très volon­taires pour aller vers l’un et l’autre, mais les oppor­tu­ni­tés et les sol­li­ci­ta­tions sont foi­son­nantes, et il est donc impor­tant d’aller, plus proac­ti­ve­ment encore, à la ren­contre des jeunes pour leur pro­po­ser des par­cours recherche et inno­va­tion attrac­tifs. Les voca­tions ne manquent pas : ain­si, en 2020 nous avons pro­po­sé aux jeunes de concou­rir au prix de la Fon­da­tion Jean-Jacques et Feli­cia Lopez-Lore­ta, qui encou­rage chaque année des étu­diants de quatre hautes Écoles publiques euro­péennes à mener un pro­jet de recherche aca­dé­mique inno­vant. Mal­gré une annonce rela­ti­ve­ment tar­dive, nous avons reçu 41 pro­jets ! J’ai pas­sé un été fan­tas­tique à lire tous ces pro­jets : il y avait un foi­son­ne­ment d’idées abso­lu­ment extra­or­di­naire qui démon­trait le dyna­misme de nos élèves.

Voici deux ans qu’a été créé l’Institut Polytechnique de Paris. Quel a été l’impact sur la recherche à l’X ?

Dès le début de la mis­sion de pré­fi­gu­ra­tion « NewU­ni » (cf. l’article https://www.lajauneetlarouge.com/le-centre-de-recherche-un-pilier-de-lecole-polytechnique-et-de-newuni/), la recherche a été pla­cée au centre du pro­jet de l’IP Paris. Le Centre de recherche est bien un centre IP Paris, où les cinq écoles fon­da­trices autour de l’X déve­loppent une stra­té­gie com­mune, par­ta­gée par les cotu­telles de nos labo­ra­toires et en par­ti­cu­lier nos ONR (orga­nisme natio­nal de recherche) par­te­naires. Éric Labaye estime que, pour qu’IP Paris devienne une ins­ti­tu­tion qui compte au niveau mon­dial, com­pa­rable à l’EPFL qui est notre bench­mark fré­quent et actuel­le­ment dotée d’un bud­get d’un mil­liard d’euros, dont 700 mil­lions appor­tés par l’État, il faut dou­bler le bud­get d’IP Paris, et en par­ti­cu­lier la part consa­crée à la recherche. Par­mi une longue liste de mesures pour par­ve­nir à l’augmentation sou­hai­tée, il faut notam­ment déve­lop­per les par­te­na­riats avec le monde indus­triel. Nous avons donc repen­sé notre stra­té­gie, qui repo­sait jusqu’ici beau­coup, de façon clas­sique, sur la créa­tion de chaires d’enseignement-recherche via le mécé­nat. Nous en avions créé un grand nombre, mais peut-être au détri­ment de la cohé­rence scien­ti­fique et finan­cière d’ensemble, avec un pay­sage quelque peu épar­pillé. Nous avons choi­si de repen­ser le dis­po­si­tif en créant des centres inter­dis­ci­pli­naires, posi­tion­nés de manière à les cen­trer sur les axes stra­té­giques d’IP Paris et à maxi­mi­ser le mon­tant finan­cier dis­po­nible, avec des dota­tions visées de plu­sieurs mil­lions d’euros par an pour cha­cun de ces centres.

Le Centre de recherche s’est for­mé au départ à péri­mètre des labo­ra­toires inchan­gé, chaque labo­ra­toire étant en géné­ral une struc­ture mixte asso­ciant l’X à d’autres ins­ti­tu­tions : CNRS, Inria, CEA… Nous allons main­te­nant vers une fédé­ra­tion par dépar­te­ment autour de dix domaines prio­ri­taires cor­res­pon­dant aux dis­ci­plines d’importance pour IP Paris.

Quelles ont été les premières réalisations ?

Nous avons au départ créé deux centres inter­dis­ci­pli­naires. Le pre­mier a été E4C (Ener­gy for Cli­mate), doté aujourd’hui de 4 mil­lions d’euros par an, qui se déve­loppe avec le par­te­na­riat de Tota­lE­ner­gies, EDF, Accen­ture et pro­chai­ne­ment BNP Pari­bas. Les cher­cheurs fédé­rés par ce centre tra­vaillent sur des thèmes comme la pro­duc­tion décar­bo­née d’énergie, la décar­bo­na­tion et la séques­tra­tion du CO2, l’efficacité éner­gé­tique, ou la ges­tion et la rési­lience des réseaux intel­li­gents. Le centre a finan­cé sept thèses en 2020 et pro­duit huit publi­ca­tions, et a en outre par­ti­ci­pé à la publi­ca­tion du pre­mier rap­port MedECC (GIEC méditerranéen).

Le deuxième est Hi ! Paris, cen­tré sur l’intelligence arti­fi­cielle, fon­dé en coopé­ra­tion avec HEC. Ce centre se donne pour voca­tion de tra­vailler sur l’analyse des don­nées et l’intelligence arti­fi­cielle appli­quées à la science, aux affaires et aux enjeux de socié­té. Le centre a reçu près de trente demandes de fel­low­ship, mis en place le finan­ce­ment de quinze thèses et s’est enga­gé dans cinq pro­jets col­la­bo­ra­tifs avec l’X, HEC et l’Ensae. Il s’est fait remar­quer par l’organisation en 2021 d’un « Hi!ckathon », sur le thème « L’IA au ser­vice de l’efficacité éner­gé­tique », avec le sou­tien de Tota­lE­ner­gies, Cap­ge­mi­ni, Kering, Rexel et L’Oréal. Il a aus­si orga­ni­sé une uni­ver­si­té d’été qui a réuni plus de 100 par­ti­ci­pants sur trois jours, mal­gré la Covid.

D’autres projets en cours ?

Oui, nous tra­vaillons actuel­le­ment à la créa­tion d’un centre sur la défense et la sécu­ri­té, qui sera finan­cé par l’Agence de l’innovation de défense à hau­teur de 10 mil­lions par an, que nous allons abon­der à hau­teur de 10 autres mil­lions par le par­te­na­riat d’entreprises et appels à pro­jets de diverses natures. Ce centre, qui implique aus­si l’Ensta, Télé­com Paris et Télé­com Sud­Pa­ris, tra­vaille­ra sur les mathé­ma­tiques appli­quées, l’informatique et l’intelligence arti­fi­cielle, les maté­riaux et tech­no­lo­gies quan­tiques, les tech­no­lo­gies spa­tiales, la phy­sique des plas­mas et des lasers, la cyber­sé­cu­ri­té et la robo­tique, et enfin l’économie et la géopolitique.

Et nous tra­vaillons enfin à la créa­tion d’un centre sur le génie bio­mé­di­cal, qui devra fédé­rer des acti­vi­tés aujourd’hui bien pré­sentes au sein de l’IP Paris, mais peu visibles car trop épar­pillées entre des labo­ra­toires comme le LadHyX, le LMSN, le LPP, etc.

Le Centre de recherche est donc en pleine expansion ?

Oui, et cela ne va pas sans poser quelques défis, notam­ment finan­ciers. En effet, IP Paris vise à aug­men­ter de 30 mil­lions par an le finan­ce­ment obte­nu par le par­te­na­riat d’entreprises, et autant par les appels à pro­jets. Cela fait au total envi­ron 60 mil­lions par an à trou­ver. Mais cela peut aus­si induire à terme un pos­sible dés­équi­libre entre les finan­ce­ments ins­ti­tu­tion­nels et les par­te­na­riats indus­triels, si le finan­ce­ment de l’État ne devait pas suf­fi­sam­ment accom­pa­gner ce mou­ve­ment. Nous en avons aler­té notre tutelle, qui se montre atten­tive à nos arguments.

Poster un commentaire