Un NH90, un Tigre et un Cougar lors d’une mission en OPEX. Tous les hélicoptères de l’État français sont motorisés par Safran Helicopter Engines.

Conjuguer services, souveraineté et décarbonation

Dossier : HélicoptèresMagazine N°767 Septembre 2021
Par Franck SAUDO (97)

Notre cama­rade, qui dirige Safran Heli­cop­ter Engines, nous pré­sente son pro­jet d’entreprise et sa stra­té­gie de développement.

Toutes les neuf secondes, quelque part dans le monde, un héli­co­ptère moto­ri­sé par Safran décolle pour accom­plir sa mis­sion. Il peut s’agir d’un sau­ve­tage en mer, du trans­port d’un bles­sé vers un hôpi­tal, d’une dépose d’un com­man­do en ter­rain hos­tile ou plus sim­ple­ment d’un vol de décou­verte au-des­sus du Grand Canyon. Chaque mis­sion en héli­co­ptère a ses spé­ci­fi­ci­tés et ses contraintes. Compte tenu de l’environnement exi­geant de ses clients, la res­pon­sa­bi­li­té de Safran Heli­cop­ter Engines est de four­nir des moteurs sûrs, per­for­mants et fiables dans toutes les situa­tions. La sécu­ri­té et la satis­fac­tion de l’utilisateur sont des exi­gences pour les­quelles il n’est pas pos­sible de tran­si­ger et qui modèlent l’ensemble de son activité.


REPÈRES

Tur­bo­me­ca (deve­nu Safran Heli­cop­ter Engines en 2016) a été fon­dé il y a plus de 80 ans par l’ingénieur polo­nais Joseph Szyd­lows­ki et est éta­bli depuis 1942 au pied des Pyré­nées à Bordes, près de Pau. Dès 1955, le moteur Artouste de Tur­bo­me­ca pro­pulse l’Alouette II, tout pre­mier héli­co­ptère à tur­bine au monde pro­duit en série. Safran est aujourd’hui lea­der mon­dial par le nombre de moteurs d’hélicoptère ven­dus par année, avec plus de 75 000 moteurs pro­duits et plus de 100 mil­lions d’heures de vol cumu­lées. Au même titre que la socié­té sœur Safran Air­craft Engines (ex-Snec­ma), l’entreprise est un acteur de la sou­ve­rai­ne­té natio­nale et euro­péenne, puis­qu’elle est capable de conce­voir, pro­duire et sou­te­nir, de bout en bout, un moteur aéro­nau­tique sur le ter­ri­toire français.


Partenaire de tous les hélicoptéristes

Du posi­tion­ne­ment his­to­rique de l’entreprise résulte la gamme de moteurs d’hélicoptère la plus com­plète du mar­ché. Elle s’articule autour de six familles de moteurs. Par­mi les familles plus récentes figurent l’Arrano (1 100 à 1 300 che­vaux) des­ti­né aux héli­co­ptères légers et moyens, l’Ardiden (1 400 à 2 000 che­vaux) pour les appa­reils de ton­nage moyen et l’Aneto (2 500 à plus de 3 000 che­vaux) des­ti­né aux héli­co­ptères super­moyens et lourds. À cela s’ajoute la gamme en ser­vice avec l’Arrius, l’Arriel, le Maki­la et le RTM322, que nous conti­nuons de faire évo­luer. Cette diver­si­té de modèles consti­tue une offre com­mer­ciale com­plète qui répond aux besoins de la qua­si-tota­li­té des nou­veaux héli­co­ptères lan­cés ces der­nières années. 

80 % de l’activité de l’entreprise est ain­si réa­li­sée à l’export. Au-delà d’un par­te­na­riat vivant et struc­tu­rant avec Air­bus, nous avons noué, au fil des ans, des liens solides avec l’ensemble des grands héli­co­pté­ristes du mar­ché. Safran équipe aujourd’hui les modèles récents d’hélicoptères de Bell aux États-Unis, Leo­nar­do en Ita­lie, HAL en Inde, Rus­sian Heli­cop­ters en Rus­sie, Avic en Chine ou bien encore KAI en Corée du Sud.

Un moteur Arriel en cours de maintenance sur un Ecureuil de la Gendarmerie Nationale. Tous les moteurs d’hélicoptères de l’Etat français font l’objet d’un contrat de soutien appelé MCO (Maintien en Condition Opérationnelle).
Un moteur Arriel en cours de main­te­nance sur un Écu­reuil de la Gen­dar­me­rie natio­nale. Tous les moteurs d’hélicoptères de l’État fran­çais font l’objet d’un contrat de sou­tien appe­lé MCO (main­tien en condi­tion opérationnelle).

Deux crises en cinq ans

Cette diver­si­fi­ca­tion de notre por­te­feuille de clients héli­co­pté­ristes contri­bue à la rési­lience de l’entreprise sur un mar­ché de l’hélicoptère qui a tra­ver­sé plu­sieurs crises. La chute des prix du pétrole impac­tait direc­te­ment l’activité impor­tante des opé­ra­teurs de trans­port pétro­lier en 2016. En 2020, c’est la crise sani­taire mon­diale qui porte un coup au mar­ché des voi­lures tour­nantes, avec une baisse de la demande et des heures de vol. En résulte un mar­ché dont le péri­mètre s’est réduit et sur lequel la concur­rence, exclu­si­ve­ment amé­ri­caine, est exacerbée. 

Dans cette période de tur­bu­lence, Safran Heli­cop­ter Engines s’appuie sur la robus­tesse de son posi­tion­ne­ment de mar­ché pour tenir son cap stra­té­gique « s’adapter pour inves­tir ». Mon objec­tif est d’adapter l’entreprise à la nou­velle donne du mar­ché pour ren­for­cer sa com­pé­ti­ti­vi­té. Inves­tir pour ouvrir à ses clients l’espace de l’aviation décar­bo­née et d’une nou­velle expé­rience des ser­vices ren­due pos­sible par la trans­for­ma­tion digitale.

Le meilleur du meilleur pour nos clients

Si le déve­lop­pe­ment et la pro­duc­tion de moteurs neufs consti­tuent le socle de notre acti­vi­té, les ser­vices de main­te­nance et d’après-vente repré­sentent plus des deux tiers de l’activité. Pion­nier des contrats de ser­vice à l’heure de vol dès la fin des années 70, l’entreprise offre aujourd’hui à ses clients civils comme mili­taires des solu­tions de ser­vices à très haute valeur ajou­tée par le biais de ses douze filiales à tra­vers le monde. Ce défi est exi­geant du fait d’une struc­tu­ra­tion par­ti­cu­lière de notre clien­tèle service. 

Les trois quarts de nos 2 500 clients opé­ra­teurs pos­sèdent moins de cinq héli­co­ptères et 80 % de leurs mis­sions sont à haute valeur socié­tale : trans­port médi­cal d’urgence, pro­tec­tion des popu­la­tions, sau­ve­tage en mer ou en mon­tagne, police, tra­vail aérien, et bien enten­du le mili­taire qui consti­tue 40 % de nos clients. Cette plu­ra­li­té des mis­sions des clients, leur épar­pille­ment géo­gra­phique et le carac­tère bien sou­vent cri­tique de leurs mis­sions exigent du four­nis­seur une proac­ti­vi­té sans faille.

« Nous proposons une gamme complète de services digitaux
comme notre service de maintenance prédictive via le suivi des données de santé du moteur. »

Cet enga­ge­ment d’apporter « le meilleur du meilleur » à nos clients (qui se retrouve dans notre devise d’entreprise « tou­jours plus réac­tifs et enga­gés ») se tra­duit par une struc­tu­ra­tion de notre réseau de sou­tien dont le centre névral­gique est le site de Tar­nos dans le Sud-Ouest. Entiè­re­ment moder­ni­sé l’an der­nier par un inves­tis­se­ment de 50 mil­lions d’euros, ce site est le vais­seau ami­ral de notre réseau mon­dial de sup­port. Au-delà des douze filiales à tra­vers le monde, ce réseau s’appuie éga­le­ment sur des par­te­naires agrées, socié­tés tierces de main­te­nance, sta­tions-ser­vice et dis­tri­bu­teurs de pièces déta­chées, qui com­plètent notre offre de ser­vices de proximité. 

En com­plé­ment de nos contrats à l’heure de vol (Sup­port-By-Hour ou SBH®) qui s’apparentent pour nos clients à des contrats d’assurance, nous pro­po­sons éga­le­ment une gamme com­plète de ser­vices digi­taux comme notre ser­vice de main­te­nance pré­dic­tive via le sui­vi des don­nées de san­té du moteur (Health Moni­to­ring) ou notre gamme de ser­vices web de logis­tique, docu­men­ta­tion tech­nique ou assis­tance vidéo à dis­tance (Expert Link).

L’Arrano, l’un des derniers-nés de Safran Helicopter Engines, motorise le H160 d’Airbus.
L’Arrano, l’un des der­niers-nés de Safran Heli­cop­ter Engines, moto­rise le H160 d’Airbus.

Indispensable maintien de l’activité

La néces­si­té d’être pré­sent aux côtés de nos clients s’est révé­lée encore plus pré­gnante avec la crise Covid-19. Dès les pre­miers jours de la crise sani­taire début 2020, nous avons col­lec­ti­ve­ment fait le choix de don­ner la prio­ri­té à la pro­tec­tion des équipes contre le virus afin de garan­tir la pleine et entière conti­nui­té d’activité au ser­vice de nos clients. Les équipes ont su très rapi­de­ment réin­ven­ter les envi­ron­ne­ments de tra­vail ter­tiaire et de pro­duc­tion au moyen de pro­to­coles de sécu­ri­té sani­taire drastiques. 

Un simple coup d’œil aux jour­naux télé­vi­sés le montre : que ce soit pour la crise sani­taire et le trans­fert de patients entre hôpi­taux, l’aide aux popu­la­tions durant les intem­pé­ries, la lutte contre le ter­ro­risme qui dans le même temps se pour­suit au Sahel, l’hélicoptère contri­bue à la réa­li­sa­tion de mis­sions essen­tielles. La culture du client est deve­nue la culture de l’entreprise et elle est recon­nue inter­na­tio­na­le­ment. En juillet 2020, au cœur de la crise Covid-19, le maga­zine amé­ri­cain Ver­ti­cal, réfé­rence de la presse spé­cia­li­sée, attri­buait à notre socié­té la pre­mière place dans son enquête de satis­fac­tion clients, dans le domaine de la moto­ri­sa­tion d’hélicoptères et des ser­vices asso­ciés. Beau témoi­gnage de recon­nais­sance de l’engagement des équipes !

Être acteur de souveraineté nationale et européenne

L’État fran­çais est par ailleurs notre pre­mier client, avec plus de 1 600 moteurs moto­ri­sant envi­ron 550 héli­co­ptères au ser­vice de l’aviation légère de l’armée de terre, l’armée de l’air, la Marine natio­nale, la sécu­ri­té civile, la Gen­dar­me­rie natio­nale, les douanes et la DGA Essais en vol. Tous nos moteurs sont repré­sen­tés dans les flottes fran­çaises : le Maki­la (Cou­gar, Cara­cal), le RTM322 (NH90), le MTR390 (Tigre) ou bien encore l’Arriel (H145 et Écu­reuil de la gen­dar­me­rie et la sécu­ri­té civile). Et demain c’est l’Arrano qui équi­pe­ra le H160M Gué­pard, qui renou­vel­le­ra une par­tie du parc français. 

L’ensemble de ces 1 600 moteurs font l’objet de contrats de sou­tien appe­lés MCO (main­tien en condi­tion opé­ra­tion­nelle). Le pre­mier contrat de ce type, signé en 2001 et renou­ve­lé tous les dix ans, assure un haut niveau de per­for­mance et de dis­po­ni­bi­li­té à l’État fran­çais, dans une enve­loppe bud­gé­taire maî­tri­sée. En liai­son étroite avec la direc­tion de la main­te­nance aéro­nau­tique (DMAé) et la direc­tion géné­rale de l’armement (DGA), nous assu­rons depuis douze ans un taux de ser­vice de 100 % pour les 1 600 moteurs d’hélicoptères des forces fran­çaises, en métro­pole, outre-mer ou en opé­ra­tions exté­rieures. Le concept de MCO est un modèle en termes de per­for­mance et de coût. Nous avons expor­té ce modèle à d’autres clients éta­tiques comme la Grande-Bre­tagne, l’Allemagne, les États-Unis, le Bré­sil ou Singapour.

Décarboner l’hélicoptère

L’impératif de réduc­tion de l’empreinte envi­ron­ne­men­tale de nos moteurs et l’effort de baisse de consom­ma­tion en car­bu­rant sont pré­sents depuis long­temps. Ain­si, entre l’Artouste de l’Alouette II, cer­ti­fié en 1955, et l’Arrano du H160 d’Airbus, qui entre­ra en ser­vice cette année, la consom­ma­tion en car­bu­rant a été réduite de moi­tié avec, dans le même temps, le triple de puis­sance, et tout cela à iso-encom­bre­ment. Pour autant, le défi envi­ron­ne­men­tal actuel impose de se posi­tion­ner en rupture. 

Avec l’ensemble des socié­tés de Safran, nous sous­cri­vons avec déter­mi­na­tion à l’ambition d’une avia­tion neutre en car­bone d’ici 2050. L’hélicoptère a certes une part mino­ri­taire dans les émis­sions du trans­port aérien : il repré­sente 2 % des émis­sions de l’ensemble de la filière, soit moins de 0,02 % des émis­sions de CO2 à l’échelle glo­bale. Mais l’hélicoptère doit faire sa part en direc­tion d’un monde décar­bo­né et ins­crire son exis­tence dans la durée. À ce titre, en tant que moto­riste, nous sommes direc­te­ment concer­nés et enga­gés dans la décar­bo­na­tion de rupture. 

La dyna­mique qui a abou­ti au der­nier-né de nos moteurs cer­ti­fiés, l’Arrano, va conti­nuer dans les pro­chaines années et nous visons de 15 % à 20 % de baisse de consom­ma­tion sup­plé­men­taire d’ici 2030, ce qui va réduire les émis­sions et per­mettre éga­le­ment d’abaisser les coûts d’opération du moteur. Cette effi­ca­ci­té éner­gé­tique en rup­ture se com­bi­ne­ra avec des solu­tions inno­vantes comme l’hybridation, qui consiste à élec­tri­fier le sys­tème pro­pul­sif. En com­plé­ment à l’hybridation, l’introduction de car­bu­rants alter­na­tifs à bilan car­bone favo­rable, comme les bio­car­bu­rants ou les car­bu­rants de syn­thèse, vien­dra pro­gres­si­ve­ment rem­pla­cer le kéro­sène d’origine fos­sile. C’est ce qui a été pré­sen­té dans l’article de Phi­lippe Lagarde

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