Jean-Charles Samy (82) l’homme des contraires

Jean-Charles Samy (82) l’homme des contraires

Dossier : TrajectoiresMagazine N°768 Octobre 2021
Par Antoine ROSTAND (82)

Dans sa vie Jean-Charles Samy a tou­jours su marier les contraires, être un grand ser­vi­teur du pays tout en res­tant indif­fé­rent à la gloire et aux hon­neurs, se battre contre son can­cer du pan­créas qui l’a empor­té le 9 avril der­nier, tout en accep­tant le des­tin qui l’avait frappé.

Il fau­drait pou­voir unir les contraires, l’amour de la vertu
avec l’indifférence pour l’opinion publique, le goût du travail
avec l’indifférence pour la gloire, et le soin de sa santé
avec l’indifférence pour la vie. 

Nico­las de Chamfort

Jean Charles, tu étais un des plus jeunes de notre pro­mo­tion 82. Né à Lyon en 1963, d’une mère issue d’une famille d’instituteurs laïcs et de mathé­ma­ti­ciens et d’un père auto­di­dacte brillant, tu as étu­dié au lycée du Parc où tes capa­ci­tés en mathé­ma­tiques ont mar­qué tes cama­rades de classe pré­pa­ra­toire. Sur le pla­tâl, tu fus l’un des rares pos­tu­lant aux grands corps à fré­quen­ter les binets des cancres, cave Kès et Dis­kal Moderne notam­ment, tout en tra­vaillant suf­fi­sam­ment pour inté­grer le corps des Ponts. Tu as réus­si à marier le besoin de cama­ra­de­rie et de fête, propre à notre âge à cette époque, avec l’envie d’apprendre. Tu es pro­ba­ble­ment le seul de notre pro­mo­tion à avoir réus­si ce grand écart.

Après les Ponts, c’est la direc­tion géné­rale du Tré­sor, notam­ment au comi­té inter­mi­nis­té­riel de restruc­tu­ra­tion indus­trielle. À la suite de cette expé­rience, tu aurais pu comme beau­coup cher­cher la gloire, les hon­neurs et la richesse en rejoi­gnant l’industrie finan­cière mon­diale qui était à l’époque avide de poly­tech­ni­ciens et de mathé­ma­ti­ciens. Une pre­mière expé­rience de Ven­ture Capi­ta­liste t’ouvrait grandes les portes. Tu as pré­fé­ré conti­nuer à ser­vir ton pays, dans les grandes entre­prises publiques, d’abord Tha­lès puis Alstom.

Une deuxième famille

En 2010 tu rejoins EDF qui va deve­nir ta deuxième famille. Tu as com­men­cé avec la pro­duc­tion nucléaire, notam­ment en struc­tu­rant le pro­gramme dit du grand caré­nage de la direc­tion de la pro­duc­tion nucléaire. Un chan­tier essen­tiel qui nous assure une éner­gie bas car­bone pour de nou­velles longues années. Une grande contri­bu­tion à la per­for­mance cli­ma­tique du pays, contri­bu­tion qui bien sûr ne t’apporta aucune gloire, le nucléaire étant deve­nu poli­ti­que­ment incor­rect à ce moment-là de l’histoire. Cer­tains pré­fé­raient le char­bon, ce qui t’énervait au plus haut point.

Dans leur dis­cours à la messe d’adieu, tes col­lègues d’EDF ont insis­té sur ta capa­ci­té à sim­pli­fier, à expli­quer, avec tact et humour, les choses les plus com­plexes qui existent. Tu fais par­tie des hommes indis­pen­sables à la bonne marche de notre éco­no­mie. Dans la devise de l’école, tu as choi­si les deux pre­miers objec­tifs, la Patrie et les Sciences. La Gloire, tu la laisses aux autres, à ceux qui ont besoin de l’armée de l’ombre. En pre­nant l’analogie de la Covid, tu étais à l’hôpital, pas à la télévision.

Au service de tous

De mon côté, je t’ai connu comme cama­rade, comme ami et pas pro­fes­sion­nel­le­ment. Et l’impression que tu déga­geais tou­jours, c’était celle d’une intel­li­gence supé­rieure, une intel­li­gence lumi­neuse. Tu com­pre­nais tout… mais ne t’en van­tais jamais. Ton intel­li­gence, ta com­pré­hen­sion du monde, tu t’en ser­vais pour créer autour de toi une atmo­sphère de bon­té et de bien­veillance. Tu nous regar­dais nous agi­ter avec un peu de malice, mais sur­tout avec une immense bon­té comme un père le fait avec un jeune enfant qui découvre le monde.

Tu es l’archétype de ce que sait pro­duire l’école : une per­sonne extra­or­di­naire au ser­vice de tous, qui accom­plit son devoir dans la bien­veillance. Tu fais par­tie de tous ceux qui font bou­ger le monde sans en reven­di­quer la gloire. Mer­ci pour cet exemple, qu’il nous ins­pire tous.

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