Bénédicte Colnet

Bénédicte Colnet (2014), créer son propre chemin

Dossier : TrajectoiresMagazine N°766 Juin 2021
Par Pierre LASZLO

Vive et enjouée, la parole facile, Béné­dicte Col­net s’exprime avec aisance. Elle choi­sit le ter­rain du dia­logue et le balise à l’avance. Sa vive intel­li­gence et sa grande culture font qu’on trouve plai­sir à lui cau­ser. Mais prime son enthou­siasme à vivre ses choix, à la fois altruistes, citoyens et ration­nels. C’est une bûcheuse, aux amples jour­nées de tra­vail. Elle est très organisée.

Elle eut une enfance nan­céienne, éprise des Vosges. Aînée d’une famille de trois enfants, aux parents tous deux uni­ver­si­taires, elle tient de son père le goût et le besoin du rai­son­ne­ment scien­ti­fique. Ses parents avaient ban­ni la télé­vi­sion, dès lors elle put gran­dir loin des écrans. Cela me rap­pelle une remarque de Jean-Marie Dome­nach, alors à la tête du dépar­te­ment HSS de l’École : le meilleur cri­tère pré­dic­tif d’un futur pas­sage par Poly­tech­nique est le petit nombre d’heures pas­sées devant la télé­vi­sion.  

Trouver sa voie

D’ores et déjà, son par­cours montre des bifur­ca­tions, témoi­gnant d’un carac­tère lucide et volon­taire. En ter­mi­nale à Vil­lers-lès-Nan­cy, atti­rée qu’elle est par la phi­lo­so­phie, à l’exemple du couple Simone de Beau­voir-Sartre – dont elle adore la lec­ture des textes auto­bio­gra­phiques de la pre­mière – elle se dirige vers une hypo­khâgne-khâgne. Béné­dicte Col­net admire en lit­té­ra­ture Robert Merle : nar­ra­teur habile à s’ancrer dans l’Histoire, ima­gi­na­tif et veillant à une totale lisi­bi­li­té, insou­ciant du goût du jour, il s’est col­le­té avec ce qui pour lui est le propre de l’homme, son rap­port à la mort. 

Mais l’emporte une année de pré­pa en éco­no­mie au Lycée Hen­ri-Poin­ca­ré à Nan­cy ; qui la convainc d’aller plu­tôt vers les sciences expé­ri­men­tales : d’où elle oblique vers une pré­pa en phy­sique-chi­mie, dans le même éta­blis­se­ment, qui lui fait inté­grer l’X.

En sport, elle s’inscrit au Raid. Mais, lors de l’instruction à La Cour­tine, elle se brise les liga­ments croi­sés du genou : après l’opération, c’est une réédu­ca­tion et un stage mili­taire aux Inva­lides ; de retour sur le pla­teau, elle pas­se­ra donc une grande par­tie des séances de sport au sein de la sec­tion nata­tion. Et cette altruiste opte pour le sou­tien sco­laire aux lycéens les mer­cre­dis après-midi. A pos­te­rio­ri, elle regrette l’absence d’un binet consa­cré à la philosophie. 

Quand la chimie mène au biomédical

À l’École, Béné­dicte Col­net fait de la chi­mie – un mémoire sur la chi­mie fran­çaise de l’après-Seconde Guerre mon­diale y com­pris. Après l’X, admise dans le corps des Mines, elle opte pour une nou­velle bifur­ca­tion : s’écartant de la voie usuelle, pré­pa­rant à des fonc­tions diri­geantes dans la haute admi­nis­tra­tion, publique ou pri­vée, elle pri­vi­lé­gie la science et s’inscrit en doc­to­rat, en sta­tis­tique, à l’Inria. Son enthou­siasme pour la recherche lui vient d’un stage de trois mois en géo­chi­mie dans un labo­ra­toire de Total, au Qatar. Serait-ce le début d’un renou­veau, puisque dans le der­nier groupe d’X Mines (2020), plu­sieurs optent pour une thèse de doctorat ? 

Sa propre thèse (2020−2023) est diri­gée par Julie Josse, Erwan Scor­net et Gaël Varo­quaux, de l’équipe Parie­tal à l’Inria. Elle porte sur les sta­tis­tiques et l’inférence cau­sale. Il s’agit de trou­ver le meilleur par­ti des don­nées expé­ri­men­tales et dites obser­va­tion­nelles, appli­quées au sec­teur bio­mé­di­cal. Elle exploite ain­si la Trau­ma­base, un registre médi­cal fran­çais axé sur les bles­sés traumatiques. 

Améliorer la planète

Elle vécut à San Fran­cis­co sa der­nière année de for­ma­tion aux Mines, par un stage chez Pen­du­lum, atta­chante start-up, tout à la fois usine de fabri­ca­tion et labo­ra­toire d’études, lan­çant en par­ti­cu­lier un trai­te­ment par des micro­biontes du dia­bète de type 2 ou de l’irritation chro­nique du colon. Chez Pen­du­lum, Béné­dicte Col­net s’y consa­cra à l’analyse de nou­velles don­nées cli­niques (1÷3) et à la des­crip­tion sta­tis­tique des micro­biontes (2÷3).

Elle est repré­sen­ta­tive en cela de ces ingé­nieurs poly­tech­ni­ciens qui se donnent, au vingt-et-unième siècle une sorte d’idéologie saint-simo­nienne, atta­chés qu’ils sont à sinon sau­ver la pla­nète, du moins à l’améliorer, œuvrant pour un déve­lop­pe­ment durable. 

Ce qui, à l’en croire, défi­nit l’avenir pro­fes­sion­nel qu’elle se construit est « l’audace scien­ti­fique et tech­nique ». Cette jeune femme alerte et allègre le pré­pare avec convic­tion, assu­rée qu’elle est d’avoir trou­vé sa voie. On peut lui faire confiance pour l’ouvrir et y atti­rer bien d’autres chercheurs.

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