Europorte : le fret ferroviaire, métier de femmes et d’hommes engagés

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°764 Avril 2021
Par Raphaël DOUTREBENTE (E2018)

Euro­porte se posi­tionne aujourd’hui comme un acteur majeur du fret fer­ro­viaire en France mais aus­si en Europe avec une ambi­tion de déve­lop­per un trans­port fer­ro­viaire plus éco res­pon­sable. Le point avec le Pré­sident d’Euro­porte, Raphaël Dou­tre­bente (E2018).

Au cours des dernières années, quelles sont les évolutions qui ont impacté le marché du fret ferroviaire ?

Il y a tout d’abord l’ouverture à la concur­rence. En 2003, Euro­porte a été l’un des pre­miers acteurs sur le mar­ché du fret fer­ro­viaire qui a été ouvert à la concur­rence pour les trans­ports inter­na­tio­naux, avec en 2005, les pre­mières mises en cir­cu­la­tion. Cette ouver­ture béné­fique a encou­ra­gé d’autres acteurs pri­vés à rejoindre la course. Le mar­ché du fret est tou­jours domi­né à 70 % par le groupe SNCF au tra­vers de Fret SNCF et d’autres filiales. Euro­porte repré­sente 12 % de parts de mar­ché et réa­lise 30 % de son chiffre d’affaires à l’international.

Le sec­teur a aus­si été for­te­ment impac­té par la volon­té de pro­mou­voir un trans­port durable et propre. Les réformes actuelles l’encouragent for­te­ment. Cette tran­si­tion ne pour­ra se faire que si l’ensemble des acteurs du trans­port fer­ro­viaire se fédèrent autour de valeurs com­munes. Tou­te­fois, dans cette recherche d’un trans­port plus durable et vert, le recours à des car­bu­rants plus propres repré­sente un coût élevé. 

Dans ce paysage, quels sont le positionnement et le métier d’Europorte ?

Euro­porte est un acteur majeur de la trac­tion fer­ro­viaire en France, en Alle­magne, et en Bel­gique. Grâce à une flotte de 80 loco­mo­tives, Euro­porte assure 100 % des flux du Groupe Lafarge et Exxon, 68 % des flux chi­mie du Groupe Total, 100 % des flux du Groupe Lhoist à des­ti­na­tion de la sidé­rur­gie alle­mande, ain­si que les flux de céréales pour le Groupe Souf­flet et tant d’autres. Notre acti­vi­té s’articule autour de deux métiers complémentaires : 

les Ins­tal­la­tions Ter­mi­nales Embran­chées (ITE) qui sont les acti­vi­tés de trac­tion et de logis­tique fer­ro­viaire à des­ti­na­tion des industriels ; 

la ges­tion des infra­struc­tures fer­ro­viaires que nous effec­tuons pour SNCF réseau sur cer­taines lignes dans l’Est et en Hauts-de-France. 

Il s’agit donc d’un ensemble d’activités cohé­rentes et d’une stra­té­gie réus­sie qui nous ont per­mis de croître de manière sou­te­nue et ren­table depuis 5 ans. Aujourd’hui, Euro­porte génère 123 mil­lions d’euros de chiffre d’affaires et a un Ebit­da de 28 mil­lions d’euros, soit une hausse de 17 % par rap­port à 2019, mal­gré la crise du Covid. Euro­porte et ses filiales repré­sentent plus de 850 sala­riés répar­tis à tra­vers le ter­ri­toire au ser­vice de l’industrie dans le cadre d’un plan de crois­sance verte. Nos clients appré­cient la qua­li­té de notre ser­vice, le res­pect des règles de sécu­ri­té et la dis­po­ni­bi­li­té de nos équipes 24 heures/24 et 7 jours/7. Notre dif­fé­rence est pré­ci­sé­ment l’engagement des équipes auprès des clients. 

Vous avez récemment été nommé Président d’Europorte. Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ?

Mon rôle consiste à coor­don­ner les rela­tions com­mer­ciales, opé­ra­tion­nelles et à gérer les rela­tions avec les acteurs du sec­teur public qui sont au plus près de nos opé­ra­tions. Cela implique éga­le­ment l’accompagnement de nos équipes dans la réso­lu­tion de leurs pro­blé­ma­tiques au quotidien. 

Aujourd’hui, je suis éga­le­ment pré­sident de la Com­mis­sion Fer­ro­viaire de l’AFRA (Asso­cia­tion Fran­çaise du Rail), dont l’objectif est de regrou­per l’ensemble des opé­ra­teurs pri­vés et de coor­don­ner leurs actions dans le cadre du plan de déve­lop­pe­ment du fret fer­ro­viaire mis en place par le gouvernement.

“Chez Europorte, nous considérons que le défi environnemental ne peut être résumé à la simple intention « greenwashing ». Il doit être une réalité au service d’un transport durable.”

Fort du sou­tien et la confiance de Jacques Gou­non et Yann Leriche, j’ai aus­si pris la direc­tion géné­rale de Régio­néo, la nou­velle struc­ture née du par­te­na­riat entre RATP­Dev et Get­link afin de répondre aux appels d’offres en matière de trans­port fer­ro­viaire régio­nal de voyageurs. 

Ma feuille de route consiste donc à assu­rer la crois­sance d’Europorte, à réflé­chir à de nou­veaux leviers de crois­sance et à déve­lop­per ses acti­vi­tés à l’international. Cette crois­sance doit éga­le­ment se faire dans le cadre d’un dia­logue social construc­tif avec l’ensemble des orga­ni­sa­tions syn­di­cales. En effet, Euro­porte a réus­si à mettre en place la 1ère grille de rému­né­ra­tion dans le sec­teur fer­ro­viaire, ce qui contri­bue à don­ner plus de visi­bi­li­té à nos col­la­bo­ra­teurs. Nous cher­chons éga­le­ment à accroître la part des femmes dans nos équipes.

Au cœur des principaux enjeux qui marquent votre secteur, nous retrouvons la question environnementale. Comment l’appréhendez-vous et quelles sont les initiatives que vous déployez dans ce cadre ?

Le fret fer­ro­viaire s’inscrit par­fai­te­ment dans les réformes cli­mat et trans­port au niveau euro­péen. Nous cir­cu­lons en auto­no­mie en France, en Bel­gique et en Alle­magne et nous avons la forte ambi­tion de deve­nir pion­niers des tra­fics élec­triques et des car­bu­rants verts. Aujourd’hui, 80% de nos plans de trans­port (trains) cir­culent sous caté­naire. Il y a un prin­cipe de réa­li­té dans notre métier : si nous optons pour l’électricité comme source d’énergie, celle-ci doit être issue d’une source propre et durable. 

Par ailleurs, puisque plu­sieurs de nos col­la­bo­ra­teurs ont des mis­sions qui néces­sitent des dépla­ce­ments fré­quents, nous avons mis en place un parc auto­mo­bile consti­tué de véhi­cules 100 % élec­triques et hybrides. Au niveau du groupe, nous appli­quons une limite, assez stricte, de rejet de CO2 par véhi­cule. Cela nous per­met donc de nous ins­crire de manière durable dans cette démarche éco res­pon­sable comme l’energie nucléaire.

En effet, chez Euro­porte, nous consi­dé­rons que le défi envi­ron­ne­men­tal ne peut être résu­mé à la simple inten­tion « green­wa­shing ». Il doit être une réa­li­té au ser­vice d’un trans­port durable.

D’autres enjeux concernent notamment la digitalisation de votre secteur ou encore la dimension logistique qui a été fortement impactée par la crise qui se poursuit. Qu’en est-il ?

Euro­porte a lan­cé une chaire de recherche avec l’École poly­tech­nique sur la main­te­nance pré­dic­tive avec le Pro­fes­seur Éric Moulines. 

L’idée consiste à ana­ly­ser les pannes immo­bi­li­santes de nos loco­mo­tives en recher­chant les signes avant-cou­reurs dans des masses de don­nées qui « tombent » toutes les 43 secondes. 

L’enjeu est de déve­lop­per une méthode fine qui repré­sen­te­ra une véri­table inno­va­tion de rup­ture en termes de main­te­nance prédictive.

Quelles sont les perspectives d’Europorte ?

Nous tra­vaillons au déve­lop­pe­ment du pro­jet Régio­néo qui com­bine les exper­tises de ses deux action­naires, acteurs majeurs dans le trans­port de pas­sa­gers et le trans­port fer­ro­viaire. Cela nous per­met­tra de pro­po­ser aux régions des ser­vices fer­ro­viaires revi­si­tés et sur-mesure. L’autre objec­tif d’Europorte est de déve­lop­per « le vrai fret fer­ro­viaire » en pas­sant par le tun­nel sous la Manche. Cela s’inscrit dans une démarche qui trouve tout son sens notam­ment avec le Brexit. 

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