Jean Gunther

Jean Gunther (53), un ardent défenseur de la science au service du progrès

Dossier : TrajectoiresMagazine N°763 Mars 2021
Par Charle-Michel MARLE (53)

Décé­dé le 29 novembre 2020, Jean Gun­ther a fait toute sa car­rière au ser­vice de l’industrie.
Son atta­che­ment au ratio­na­lisme scien­ti­fique l’a ame­né à des enga­ge­ments asso­cia­tifs qui défen­daient les idées aux­quelles il tenait.

Jean Gun­ther est né le 14 décembre 1934 à Vienne (Autriche). Peu après l’Anschluss, sa famille vint se réfu­gier en France pour fuir les per­sé­cu­tions raciales. Beau­coup plus tard, Jean m’a confié que son père avait alors reçu l’aide d’un de ses amis fran­çais qui avait pu lui obte­nir du tra­vail et un visa. Cet ami était l’oncle d’un de nos cama­rades de pro­mo, Daniel Tar­dy (53). Deve­nu fran­çais par natu­ra­li­sa­tion, il fit de brillantes études secon­daires ; en 1951, il fut lau­réat du deuxième prix au concours géné­ral de phy­sique, le pre­mier prix ayant été décer­né au futur major de sor­tie de notre pro­mo­tion et pro­fes­seur au Col­lège de France, Mar­cel Frois­sart. À sa sor­tie de l’X, il choi­sit le corps des Mines. En 1957, lors de sa for­ma­tion aux Mines de Paris, il fit un stage d’un an au CEA qui exer­ça sur lui une très pro­fonde influence.

Les bienfaits de la science

Dès la pre­mière année de notre sco­la­ri­té com­mune, je fus frap­pé par la force de carac­tère de Jean, par la fer­me­té de sa croyance en les bien­faits de la science mise au ser­vice du pro­grès humain. J’admirais la finesse de ses ana­lyses, sou­vent très per­ti­nentes, et sa capa­ci­té de déci­sion. Il sem­blait ne jamais être sujet à des périodes d’hésitation.

Durant toute sa car­rière, il res­ta au sein du corps des Mines, atta­ché au minis­tère de l’Industrie (dont la déno­mi­na­tion offi­cielle a plu­sieurs fois chan­gé), avec des périodes de déta­che­ment : aux Char­bon­nages de France, à l’Institut de recherche en infor­ma­tique et en auto­ma­tique (Iria, aujourd’hui Inria), à l’École natio­nale supé­rieure de la métal­lur­gie et de l’industrie des mines de Nan­cy, dont il fut direc­teur tech­nique, et à l’Institut natio­nal poly­tech­nique de Lorraine. 

Il fut concer­né par le plan cal­cul, lan­cé en 1966 par le pré­sident Charles de Gaulle, dans le but de doter la France d’une indus­trie infor­ma­tique indé­pen­dante. Il connut de près les tra­vaux de la Com­mis­sion minis­té­rielle d’étude pour l’enseignement des mathé­ma­tiques (1966−1973), pré­si­dée par André Lich­ne­ro­wicz, qui se pro­po­sait de moder­ni­ser l’enseignement des mathé­ma­tiques à l’école pri­maire, au col­lège et au lycée.

Combattre les croyances irrationnelles

Très atta­ché au ratio­na­lisme scien­ti­fique, il était prompt à dénon­cer les croyances irra­tion­nelles ou les erreurs logiques, même lorsqu’elles étaient le fait de per­son­na­li­tés très en vue. Son lan­gage peu diplo­ma­tique a sans doute nui à sa car­rière. Il se sen­tait très concer­né par les ques­tions de sécu­ri­té dans l’exploitation minière et, plus géné­ra­le­ment, dans toutes les acti­vi­tés indus­trielles. Pour lui, l’énergie nucléaire était bien moins dan­ge­reuse et moins pol­luante que les bar­rages hydro-élec­triques ou l’exploitation des com­bus­tibles fos­siles. Il consi­dé­rait comme une grave erreur la fer­me­ture de la cen­trale de Fes­sen­heim. Faire par­ta­ger ses convic­tions à ses conci­toyens était pour lui un impé­rieux devoir.

Jean Gun­ther était très atten­tif aux autres, sou­cieux d’être utile à la col­lec­ti­vi­té. Dès sa sco­la­ri­té à l’École des mines de Paris, il consa­crait une part non négli­geable de son temps à tra­duire des livres en braille pour une asso­cia­tion d’aide aux aveugles. Pas­sion­né par l’astronomie , il habi­ta quelque temps en Haute-Pro­vence, en un lieu qu’il avait choi­si pour la pure­té du ciel. Il s’est beau­coup impli­qué dans plu­sieurs asso­cia­tions, notam­ment l’Asso­cia­tion fran­çaise pour l’information scien­ti­fique (Afis) et l’Asso­cia­tion des éco­lo­gistes pour le nucléaire, que pré­side notre cama­rade Bru­no Com­by (80). Il fut, hélas, vic­time de la pan­dé­mie de Covid-19. Jean Gun­ther laisse der­rière lui cinq enfants, dix petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants.

Poster un commentaire