Hokusai - « Deuxième vague » Covid-19 : perspectives 2020-2021 d'après le modèle SIR

« Deuxième vague » Covid-19 : perspectives 2020–2021

Dossier : ExpressionsMagazine N°759 Novembre 2020
Par François Xavier MARTIN (63)

L’utilisation d’Excel appli­quée à la ver­sion la plus simple du tra­di­tion­nel modèle SIR de Ker­mack et McKen­drick per­met à des non-mathé­ma­ti­ciens de modé­li­ser très faci­le­ment et de façon fidèle la situa­tion fran­çaise jusqu’à fin octobre 2020. La cor­rec­tion d’une équa­tion de ce modèle de 1927 amé­liore la confor­mi­té du modèle avec la réa­li­té obser­vée dans cette épi­dé­mie, ce qui per­met de mieux éva­luer les risques d’évolution fin 2020 et début 2021.


Aux lec­teurs : prendre connais­sance avant de lire cet article de : https://www.lajauneetlarouge.com/covid-19-une-modelisation-simple-utilisant-excel-accessible-aux-non-mathematiciens-et-pleine-denseignements/ (J&R n° 758 d’octobre 2020) en sau­tant le der­nier para­graphe sur l’immunité col­lec­tive qui est repris de façon plus expli­cite dans l’annexe 2 du pré­sent article.


Rappel

Dans la ver­sion en ligne du n° 758 de La Jaune et la Rouge (octobre 2020) figurent deux articles sur la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique des épidémies.

Le deuxième inti­tu­lé « Une modé­li­sa­tion simple uti­li­sant Excel … » inclut le dia­gramme suivant :

R et I (millions d'habitants)

Ce dia­gramme est basé sur l’utilisation du modèle clas­sique SIR de Ker­mack et McKen­drick et l’hypothèse d’une évo­lu­tion de R0 pas­sant de 3 avant la pan­dé­mie à 0,7 pen­dant le confi­ne­ment (17 mars – 11 mai), puis d’une remon­tée pro­gres­sive jusqu’à 1,3.

Si R0 se sta­bi­li­sait ensuite de façon durable à cette valeur de 1,3, on consta­te­rait une remon­tée de l’épidémie à par­tir de l’automne 2020 jusqu’au début de l’été 2021, moment où serait atteint le seuil d’immunité col­lec­tive cor­res­pon­dant à R = 1,3 (voir annexe 2).

« Si R0 se stabilisait de façon durable à cette valeur de 1,3,
on constaterait une remontée de l’épidémie à partir de l’automne 2020
jusqu’au début de l’été 2021. »

Avait été indi­qué dans les deux articles de la J&R d’octobre com­bien l’une des équa­tions de 1927 (uti­li­sée dans tous des cours d’épidémiologie !) parais­sait, pour reprendre un qua­li­fi­ca­tif uti­li­sé dans un autre contexte par le Pr Didier Raoult, « foi­reuse ». Il s’agit de celle qui rend compte du débit de sor­tie (par gué­ri­son immu­ni­sante ou décès) du « com­par­ti­ment des infec­tés » qui serait pro­por­tion­nelle à tout ins­tant au nombre I des infec­tés divi­sé par D, durée moyenne de l’infection pen­dant laquelle les indi­vi­dus sont répu­tés contagieux.

Si cette approxi­ma­tion est jus­ti­fiée en régime éta­bli d’arrivée et de sor­tie d’individus dans I, elle est inexacte en régime dyna­mique, où elle devrait être rem­pla­cée par une équa­tion expri­mant que les indi­vi­dus de I qui arrêtent d’être conta­gieux à l’instant t sont ceux qui ont été infec­tés à l’instant (t – D), D étant la durée moyenne sépa­rant leur infec­tion de leur gué­ri­son ou de leur décès.

Pour prendre en compte cette remarque, il suf­fit de rem­pla­cer dans les équa­tions tra­di­tion­nelles de 1927 :

dR(t)/dt = γ I (t) (modé­li­sé en uti­li­sant Excel)

par

dR(t)/dt = – dS(t – D)/dt (dont la modé­li­sa­tion via Excel est tout aus­si simple)

ce qui, de façon intui­tive, cor­res­pond beau­coup mieux à la simu­la­tion d’un phé­no­mène où tous les indi­vi­dus passent à peu près le même temps dans le « com­par­ti­ment I ».

Les ordi­na­teurs n’existant pas en 1927, Ker­mack et McKen­drick ont vrai­sem­bla­ble­ment pré­fé­ré se rac­cro­cher à la forme clas­sique de la pre­mière équa­tion dif­fé­ren­tielle, ce qui leur a per­mis, ain­si qu’à leurs suc­ces­seurs, d’obtenir un cer­tain nombre de conclu­sions par des méthodes de pur rai­son­ne­ment mathé­ma­tique, sans avoir besoin de recou­rir aux fas­ti­dieux cal­culs manuels ité­ra­tifs néces­saires à l’époque pour tra­cer les courbes de S, I et R.

Observations sur le développement de l’épidémie fin octobre 2020

La baisse du nombre de per­sonnes infec­tées pen­dant l’été 2020 pré­vue par le modèle (mal­heu­reu­se­ment non mesu­rable, sauf à uti­li­ser des tech­niques de son­dage, ce qui n’a pas été fait pour des rai­sons inex­pli­cables) a bien été consta­tée au niveau de ses consé­quences sur les hos­pi­ta­li­sa­tions et les décès, et a même per­mis à cer­tains de dire que l’épidémie était en train de s’éteindre d’elle-même. Mais depuis sep­tembre, la situa­tion a beau­coup chan­gé : le nombre de morts Covid dans les hôpi­taux, qui est l’information la plus fiable, connaît depuis cette époque une hausse de type expo­nen­tiel (voir figure), certes beau­coup plus lente que celle de mars 2020, mais qui néan­moins amène notre pays à déplo­rer fin octobre plus de 200 décès Covid quo­ti­diens, soit déjà le tiers du pic de la « pre­mière vague » sur­ve­nu une ving­taine de jours après le début du pre­mier confinement.

Décès quotidiens Covid à l'hôpital

Ceci amène immé­dia­te­ment deux questions :

  • le coef­fi­cient R0 serait-il mon­té au-des­sus de 1,3 ?
  • que se passe-t-il si on replace l’équation « foi­reuse » du SIR clas­sique de 1927 par celle sug­gé­rée plus haut ?

Mon­tée de R0 au-des­sus de 1,3 ?

(une fois de plus, bien noter que la nota­tion tra­di­tion­nelle R0 n’a rien à voir avec R(0), nombre d’individus dans le com­par­ti­ment R à l’instant 0).

Rap­pe­lons d’abord ce que signi­fient les dif­fé­rentes ver­sions de R.

R0 est le nombre moyen de cas secon­daires pro­duits pen­dant toute la durée de son infec­tion par un infec­tieux pla­cé dans une popu­la­tion saine sus­cep­tible d’être infec­tée (donc non vac­ci­née et ne béné­fi­ciant pas – si ce cas existe – d’une immu­ni­té natu­relle l’empêchant d’être infec­tée puis contagieuse).


Rap­pe­lons que R0 est égal au nombre quo­ti­dien de ren­contres poten­tiel­le­ment conta­mi­nantes d’un infec­té avec n’importe quel autre membre de la popu­la­tion mul­ti­plié par la pro­por­tion de ces ren­contres débou­chant sur une infec­tion réelle puis divi­sé par le nombre moyen de jours entre infec­tion et gué­ri­son ou décès.



Reffec­tif
(nombre de repro­du­tion effec­tif) est égal à R0 à deux conditions :

(voir à ce sujet la page 5 de la note de 14 pages pré­sen­tée par Cédric Vil­la­ni à l’Office par­le­men­taire d’évaluation des choix scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques le 30 avril 2020)

  • l’ensemble de la popu­la­tion est sus­cep­tible d’être conta­mi­né. Dans le cas contraire (par­tie de la popu­la­tion vac­ci­née ou ne pou­vant être ren­due conta­gieuse par infec­tion) il est pos­sible d’introduire via Excel au moment oppor­tun cette popu­la­tion dans le « com­par­ti­ment R » sans pas­ser par le « com­par­ti­ment I » et de main­te­nir pour l’autre par­tie de la popu­la­tion un coef­fi­cient Reffec­tif égal à R0.
  • les indi­vi­dus infec­tés ne sont pas sys­té­ma­ti­que­ment iso­lés de façon effi­cace. Dans cer­tains pays, un indi­vi­du détec­té posi­tif ou même ayant sim­ple­ment eu un contact avec une per­sonne infec­tée est sys­té­ma­ti­que­ment mis sans délai en qua­ran­taine sévère, par exemple dans une chambre d’hôtel. Ce n’est pas le cas de la France (en dehors de quelques cas par­ti­cu­liers tels que l’équipage et les pas­sa­gers de navires).

Compte tenu de ce qui pré­cède et de la situa­tion actuelle en France, dans la suite de cet article aucune dis­tinc­tion ne sera faite entre R0, Reffec­tif et R.

Les docu­ments dis­po­nibles sur Inter­net donnent la courbe sui­vante pour l’évolution de Reffec­tif depuis le décon­fi­ne­ment de mai (avant le confi­ne­ment R était d’environ 3 ; durant le confi­ne­ment d’environ 0,7). À noter la baisse inex­pli­quée d’août‑septembre sui­vie de la remon­tée d’octobre.

R effectif Covid-19 première et deuxième vague

Conséquences sur le développement de l’épidémie

Modélisation utilisant Excel 

(voir tableaux Excel en annexe 1)

Nous consta­tons que le Reffec­tif à la sor­tie du confi­ne­ment est mon­té net­te­ment plus haut que le 1,3 ini­tia­le­ment pré­vu. Plu­sieurs causes sont pos­sibles : bras­sage de popu­la­tion dû aux vacances d’été puis à la ren­trée sco­laire, volon­té de retrou­ver rapi­de­ment une vie qua­si-nor­male, sen­ti­ment d’absence de risque entre­te­nu par cer­tains membres du corps médi­cal affir­mant avec convic­tion que l’épidémie était ter­mi­née, ral­lie­ment à cette idée via les réseaux sociaux d’une frange impor­tante de la population.

Si R res­tait après le 1er novembre au niveau 1,45 atteint vers la fin octobre 2020, l’utilisation des équa­tions SIR de 1927 don­ne­rait le dia­gramme sui­vant qui tient compte des varia­tions de R consta­tées depuis mai 2020 :

Utilisation du modèle SIR de 1927
Uti­li­sa­tion du modèle SIR de 1927
Courbe mar­ron : R x 10 000 000 – Courbe bleu fon­cé : nombre d’infectés simul­ta­né ( I ) – Courbe bleu clair : cumul des infec­tés gué­ris-immu­ni­sés et des décé­dés depuis le début de l’épidémie ( R )

On voit que ce dia­gramme rend bien compte du creux dans la courbe I repré­sen­tant le nombre d’infectés simul­ta­nés pen­dant l’été 2020, sui­vi d’une remon­tée à par­tir de sep­tembre. Néan­moins ces mou­ve­ments à la baisse puis à la hausse semblent timides par rap­port à la réa­li­té obser­vée. Il paraît donc inté­res­sant de voir si le modèle SIR béné­fi­ciant de la cor­rec­tion (a prio­ri rela­ti­ve­ment minime) pro­po­sée dans les articles de la J&R d’octobre donne une meilleure repré­sen­ta­tion de ce qui s’est pas­sé jusqu’à maintenant.

Utilisation du modèle SIR de 1927 à sortie du « compartiment I » corrigée
Uti­li­sa­tion du modèle SIR de 1927 à sor­tie du « com­par­ti­ment I » cor­ri­gée
Courbe mar­ron : R x 10 000 000 – Courbe gris fon­cé : nombre d’infectés simul­ta­né ( I ) – Courbe bleu fon­cé : cumul des infec­tés gué­ris-immu­ni­sés et des décé­dés depuis le début de l’épidémie ( R )

Le rem­pla­ce­ment dans Excel de

dR(t)/dt = γ I (t)

par

dR(t)/dt = – dS(t – D)/dt

ne pose aucune dif­fi­cul­té (voir annexe 1) et donne de façon inat­ten­due pour le nombre d’infectés simul­ta­nés une forte accen­tua­tion de la baisse de l’été puis de la hausse de l’automne, net­te­ment plus conformes à la réa­li­té obser­vée jusqu’à maintenant.

Pour le 1er semestre 2021 il indique, si R reste égal à 1,45, une hausse à la fois plus rapide et plus impor­tante du nombre d’infections que le modèle SIR de 1927.

Cette pro­prié­té consta­tée empi­ri­que­ment en uti­li­sant Excel est confir­mée par l’étude figu­rant dans le blog de David Madore (ancien de l’ENS Ulm, pro­fes­seur de mathé­ma­tiques à Télé­com Paris) qui est arri­vée à une conclu­sion sem­blable par une méthode dif­fé­rente en com­pa­rant les deux types de modé­li­sa­tion (effec­tuées à R constant) : SIR tra­di­tion­nel (qu’il appelle « réta­blis­se­ment en pro­ces­sus expo­nen­tiel ») et SIR modi­fié sui­vant la même cor­rec­tion que celle pro­po­sée dans l’article (« réta­blis­se­ment en temps constant »). Les deux courbes qui suivent font appa­raître ce que l’utilisation d’Excel avait per­mis de mettre en évi­dence : le chan­ge­ment d’équation n’est pas ano­din et modi­fie de façon assez signi­fi­ca­tive les courbes S (verte), I (rouge) et R (bleue), la courbe de varia­tion de I étant plus « pointue ».

Modèle (*) (rétablissement en processus exponentiel)
Modèle (*) (réta­blis­se­ment en pro­ces­sus expo­nen­tiel) - Dia­gramme issu du site de David Madore (Nor­ma­lien Ulm, Pro­fes­seur de mathé­ma­tiques à Télé­com Paris)

SIR de 1927 - Modèle (†) (rétablissement en temps constant)
SIR de 1927 - Modèle (†) (réta­blis­se­ment en temps constant)Dia­gramme issu du site de David Madore (Nor­ma­lien Ulm, Pro­fes­seur de mathé­ma­tiques à Télé­com Paris)

Conclusions – Perspectives

Si R reste à son niveau actuel, il existe un risque impor­tant de forte aug­men­ta­tion du nombre d’infectés pen­dant la fin de 2020 et la pre­mière moi­tié de 2021. Il semble donc vrai­sem­blable que les pou­voirs publics cher­che­ront dans l’immédiat à faire repas­ser R en-des­sous de 1 « quoi qu’il en coûte ». Mais ceci ne règle pas le pro­blème de façon défi­ni­tive : les confi­ne­ments ne peuvent pas être éternels …

Alors quelles sont les issues ?

Un miracle …

Pour­raient sur­ve­nir des muta­tions ren­dant la Covid-19 moins conta­gieuse ou moins viru­lente. On pour­rait éga­le­ment décou­vrir qu’une par­tie impor­tante de la popu­la­tion béné­fi­cie d’une immu­ni­té natu­relle… et tirer immé­dia­te­ment des modèles épi­dé­mio­lo­giques les conclu­sions per­met­tant de gui­der une modi­fi­ca­tion de la poli­tique sanitaire.

La recherche de l’immunité collective

Si nous reve­nons à l’absence de contraintes du mode de vie que nous connais­sions avant l’épidémie, le R0 Covid-19 cor­res­pon­dant est de l’ordre de 3. La courbe de l’annexe 2 montre qu’à ce niveau, les deux tiers de la popu­la­tion devront avoir été conta­mi­nés avant que l’épidémie com­mence à régres­ser. Mais ceci ne veut pas dire que l’épidémie ces­se­ra immé­dia­te­ment : la période d’extinction fera pas­ser le nombre total de per­sonnes ayant été conta­mi­nées depuis le début de l’épidémie à près de 95 % de la popu­la­tion. À moins bien sûr qu’existe chez beau­coup de nos conci­toyens l’hypothétique immu­ni­té natu­relle évo­quée plus haut.

Si on estime que le taux de léta­li­té (nombre de décès / nombre total d’infectés) depuis le début de l’épidémie est de l’ordre de 0,5 à 1 % et que l’amélioration de la prise en charge des cas graves va per­mettre de le divi­ser par 2, ceci cor­res­pon­drait à un total de 100 à 200 000 décès entre le début de l’épidémie et l’atteinte de l’immunité col­lec­tive, sui­vis de 50 à 100 000 pen­dant la période d’extinction de l’épidémie qui sui­vrait. Une autre consé­quence serait la sub­mer­sion com­plète de notre sys­tème hospitalier.

Ni le gou­ver­ne­ment ni l’opinion publique ne sont prêts à lais­ser déli­bé­ré­ment se déve­lop­per une telle option basée sur la remon­tée à 3 du coef­fi­cient R.

Une navigation opportuniste permettant d’attendre l’arrivée d’un vaccin et/ou d’un remède

En dehors de l’éventuel miracle évo­qué plus haut, ceci semble être la seule voie pos­sible. Mais elle risque d’être de plus en plus mal accueillie par la popu­la­tion. Le retour pério­dique de périodes de confi­ne­ment total ou de res­tric­tions sévères aura un effet déses­pé­rant sur l’opinion publique et amè­ne­ra vrai­sem­bla­ble­ment des réac­tions impré­vi­sibles qui pour­ront être amal­ga­mées avec d’autres types de mécontentements.

Enfin conti­nue­ront à pros­pé­rer, trans­mises par les médias et les réseaux sociaux, des idées com­plo­tistes chez toute une frange de la popu­la­tion influen­cée par des membres du corps médi­cal ayant bien com­pris que des prises de posi­tion à contre­pied de la doxa offi­cielle étaient la meilleure façon d’accéder à la notoriété.

Tout ceci risque d’entraîner le refus de la vac­ci­na­tion par une part impor­tante de la popu­la­tion et d’induire un retard dans la dis­pa­ri­tion de l’épidémie ou même de la rendre chronique.


Annexe 1 : Modélisation utilisant Excel

Utilisation d'Excel avec modele SIR Kermack - McKendrick classique

Utilisation d'Excel avec modele SIR Kermack - McKendrick rectifié


Annexe 2 : Précision sur le taux de contamination de la population apportant une immunité collective (herd immunity)

(cf. l’article « Une modé­li­sa­tion simple uti­li­sant Excel … » dans la J&R n° 758 d’octobre 2020)

L’emploi d’Excel per­met de déter­mi­ner faci­le­ment le taux d’immunité col­lec­tive, c’est-à-dire le pour­cen­tage de la popu­la­tion qui doit avoir été conta­mi­né (ou vac­ci­né, ou éven­tuel­le­ment ne pou­voir deve­nir conta­gieuse) pour que l’épidémie s’arrête d’elle-même. Il suf­fit de pro­lon­ger le tableau conte­nant S, I et R jusqu’à ce que I atteigne son maxi­mum Imax.

On remarque que ce taux est très dépen­dant de R. Une série d’essais Excel avec des R allant de 1 à 4 donne la courbe sui­vante, qui est conforme avec la for­mule don­née dans les cours d’épidémiologie pour une épi­dé­mie à R constant :

Seuil d’immunité col­lec­tive selon le modèle SIR de 1927 = 1 – 1/R.

Immunité collective en fonction de R

N’est donc pas tota­le­ment exacte l’affirmation que l’on entend ou lit sou­vent, selon laquelle pour atteindre une immu­ni­té col­lec­tive il faut que le taux total de per­sonnes ayant été infec­tées dépasse 60 ou 70 %. Ceci n’est vrai si on sou­haite simul­ta­né­ment per­mettre à la popu­la­tion de retrou­ver exac­te­ment le même mode de vie qu’avant l’épidémie (aucune res­tric­tion aux ren­contres, aux dépla­ce­ments, aucun port de masque, pas de gestes-bar­rières, pra­tique uni­ver­selle des bises et des accolades …).

La courbe montre que si une popu­la­tion réus­sit à main­te­nir de façon durable un R infé­rieur à 1,5 l’immunité col­lec­tive est obte­nue dès que le cumul d’infectés atteint 33 % de la popu­la­tion (par exemple un peu plus de 20 % pour un R de 1,3). La com­bi­nai­son d’un R et d’un taux cumu­lé d’infection de la popu­la­tion per­met­tant de se posi­tion­ner au-des­sus de la courbe per­met d’attendre l’arrivée d’un vac­cin, d’un remède ou d’une éven­tuelle muta­tion favo­rable du virus. Cer­taines zones à forte den­si­té de popu­la­tion sont vrai­sem­bla­ble­ment en train d’atteindre ce niveau, mais s’y main­te­nir de façon durable impose de ne pas lais­ser aug­men­ter le R qui aura per­mis d’en bénéficier.

À noter qu’existe à la fin de l’article de la J&R n° 758 « Une modé­li­sa­tion simple uti­li­sant Excel … » une erreur d’interprétation du terme « immu­ni­té col­lec­tive » : tra­di­tion­nel­le­ment son seuil cor­res­pond à l’atteinte du pic de l’épidémie – nombre maxi­mum d’infectés simul­ta­nés ou Imax –, moment à par­tir duquel l’épidémie com­mence à régres­ser. Le sché­ma de l’article du n° 758 rend compte d’un pour­cen­tage dif­fé­rent (et plus impor­tant) qui est celui du total de la popu­la­tion qui aura été conta­mi­né à la fin de l’épidémie.

Pour­cen­tage de la popu­la­tion ayant été conta­mi­né en fin d’épidémie en fonc­tion de R

Taux I final = Taux final d’infectés selon le modèle SIR de 1927

Taux I final = 1 – exp ( ‑R x Taux I final )

Pourcentage de la population ayant été contaminé en fin d’épidémie en fonction de R

Les deux courbes sont dif­fé­rentes car l’épidémie conti­nue après le pic de Imax jusqu’à son extinc­tion totale, et il y a donc encore de nom­breuses infec­tions après l’atteinte du seuil d’immunité collective.


Le e = mc2  de l’épidémiologie

D’après le modèle SIR de 1927, dans une popu­la­tion non-vac­ci­née et sans aucune immu­ni­té naturelle,

tant que la pro­por­tion d’individus ayant été infec­tés est faible, à l’instant t

le nombre d’infectés croît (ou décroît) comme une fonc­tion expo­nen­tielle d’exposant (R‑1) x t / D

R étant le « taux de repro­duc­tion » dif­fu­sé régulièrement

D la durée moyenne d’infection

Pour les non mathé­ma­ti­ciens : expo­nen­tiel n’est pas sys­té­ma­ti­que­ment syno­nyme de crois­sance rapide

Si R est plus petit que 1, l’exposant est néga­tif et le nombre d’infectés décroît

Si R est très légè­re­ment supé­rieur à 1, l’exposant est très petit et le nombre d’infectés croît lentement


Commentaire

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Fran­çois-Xavier MARTIN (auteur)répondre
26 novembre 2020 à 15 h 57 min

Com­men­taire de l’au­teur. Déso­lé, mas 2 erreurs à rec­ti­fier dans l’article
1 – » Rap­pe­lons que R0 est égal au nombre quo­ti­dien de ren­contres poten­tiel­le­ment conta­mi­nantes d’un infec­té avec n’importe quel autre membre de la popu­la­tion mul­ti­plié par la pro­por­tion de ces ren­contres débou­chant sur une infec­tion réelle puis divi­sé par le nombre moyen de jours entre infec­tion et gué­ri­son ou décès « . Il faut lire » divi­sé par γ qui est l’in­verse du nombre moyen de jours entre infec­tion et gué­ri­son ou décès » ou « mul­ti­plié par par le nombre moyen de jours entre infec­tion et gué­ri­son ou décès »

2 – » Ref­fec­tif (nombre de repro­duc­tion effec­tif) est égal à R0 à deux conditions :
J’ai été induit en erreur par la page 5 de la note de 14 pages pré­sen­tée par Cédric Vil­la­ni à l’Office par­le­men­taire d’évaluation des choix scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques le 30 avril 2020 qui indi­quait que Ref­fec­tif est égal à m x (1‑p) x R0, m étant la pro­por­tion de la popu­la­tion sus­cep­tible d’être conta­mi­née. J’ai pen­sé que la popu­la­tion non conta­mi­nable dont il par­lait était uni­que­ment celle qui béné­fi­ciait d’une éven­tuelle immu­ni­té natu­relle ou par vac­ci­na­tion. En fait il par­lait de la pro­por­tion de la popu­la­tion qui n’a­vait pas été immu­ni­sée par l’é­pi­dé­mie elle-même. La for­mule cor­recte est donc : Ref­fec­tif = R0 x S(t) x (1‑p) / N.
Ceci n’a pas beau­coup d’im­por­tance tant que la pro­por­tion de la popu­la­tion infec­tée puis gué­rie ou décé­dée n’est pas impor­tante, puis­qu’a­lors S(t) est proche de N. Cette mise au point n’a pas de consé­quence sur la suite de l’ar­ticle, mais bien évi­dem­ment la phrase « Compte tenu de ce qui pré­cède et de la situa­tion actuelle en France, dans la suite de cet article aucune dis­tinc­tion ne sera faite entre R0, Ref­fec­tif et R » est inexacte.

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