AT Kearney

Kearney, retournement et développement durable : enjeux croisés en période de Covid

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°759 Novembre 2020
Par Avra Isabelle TZEVELEKIS (94)
Par Nicolas LIOLIAKIS

Au-delà des dif­fé­rents enjeux et dif­fi­cul­tés que connaissent les entre­prises et qui risquent de s’accumuler dans les pro­chains mois, la crise actuelle invite à réin­ter­ro­ger le quo­ti­dien et à y appor­ter des réponses durables pour mieux anti­ci­per en étant plus agiles. S’il est cer­tain qu’il fau­dra d’abord, dans l’urgence, répondre aux besoins immé­diats, il importe aus­si de prendre le temps de construire une pers­pec­tive pour ancrer ces restruc­tu­ra­tions dans un nou­vel hori­zon. Inter­view croi­sée d’Avra Tze­ve­le­ki (94), Mana­ger Déve­lop­pe­ment Durable et Nico­las Lio­lia­kis, part­ner et chair­man de Kearney.

Avra, pour quelles raisons rejoindre le cabinet en stratégie Kearney à ce stade de votre parcours ?

Avra Tze­ve­le­ki : Parce que le conseil a été une constante tout au long de mon par­cours, en entre­prise comme dans mes acti­vi­tés asso­cia­tives. Parce que la Sus­tai­na­bi­li­ty est un sujet qui me pas­sionne et que c’est désor­mais un sujet indis­so­ciable de la stra­té­gie pour les entre­prises, un sujet essen­tiel, en par­ti­cu­lier aujourd’hui alors que tant d’entre elles doivent se réin­ven­ter. De plus, il appelle par nature à des trans­for­ma­tions en pro­fon­deur et j’ai une expé­rience signi­fi­ca­tive en mobi­li­sa­tion col­lec­tive et pilo­tage de la trans­for­ma­tion. Un cabi­net de conseil en stra­té­gie au posi­tion­ne­ment très opé­ra­tion­nel comme Kear­ney est le bon endroit pour faire ma part sur le plan pro­fes­sion­nel et accom­pa­gner la trans­for­ma­tion de la société.

Et vous Nicolas, pourquoi vouloir renforcer l’expertise en Sustainability d’un cabinet de conseil en stratégie ?

Nico­las Lio­lia­kis : Au-delà des évi­dents enjeux de socié­té qui nous obligent tant comme indi­vi­dus que comme entre­prise, le sujet de la Sus­tai­na­bi­li­ty est désor­mais indis­so­ciable de la stra­té­gie de nos clients, de leurs mis­sions et de leur « rai­son d’être ». Nous devons donc être en mesure de leur appor­ter notre aide dans leurs réflexions stra­té­giques comme dans la décli­nai­son opé­ra­tion­nelle des enjeux ain­si définis.

Conjoncturellement, Avra, votre arrivée a coïncidé avec la crise de la Covid-19. Quelles leçons en tirez-vous en lien avec votre practice ? Les discours ont-ils changé ? Et pour vous Nicolas, quelles sont vos premières conclusions ?

A.T. : Je suis en effet arri­vée en pleine crise de la Covid-19. Je me suis d’ailleurs retrou­vée confi­née 15 jours après mon arri­vée, ce qui fut une prise de poste évi­dem­ment inha­bi­tuelle, mais en fait (allez-vous le croire ?) la prac­tice s’en est trou­vée boos­tée ! En effet, la Sus­tai­na­bi­li­ty est un sujet de fond et devient un repère de sens dans un monde sou­dain bou­le­ver­sé, pour nous comme pour nos clients. 

Il y a certes eu une crise à gérer et nous n’en sommes pas encore sor­tis. En consé­quence, des pro­jets des entre­prises ont pu être momen­ta­né­ment ralen­tis ou retar­dés mais les enga­ge­ments n’ont pas bou­gé car ils sont néces­saires. Nous voyons d’ailleurs cer­tains clients faire appel à nous pen­dant leurs restruc­tu­ra­tions ou adap­ta­tions de court terme à la crise pour construire un modèle plus rési­lient adap­tés aux enjeux de demain ; et nous sommes com­plè­te­ment enga­gés pour les accompagner.

N.L. : Comme toutes les entre­prises, Kear­ney a été aux pre­mières loges pour affron­ter la crise et les remises en ques­tion qu’elle a géné­rées. Les impacts sont d’ailleurs loin d’avoir pro­duit tous leurs effets et nous voyons déjà émer­ger de nou­velles inter­ro­ga­tions, de nou­veaux besoins, chez nos clients comme au sein de notre cabi­net. Il faut désor­mais pré­ci­ser les incer­ti­tudes, les manques et bien sûr les réponses à apporter. 

C’est cette maïeu­tique que nous accom­pa­gnons, avec notre expé­rience et nos exper­tises tra­di­tion­nelles bien sûr, mais aus­si avec de nou­velles com­pé­tences, à l’instar de celles que nous déve­lop­pons dans le cadre de la prac­tice Sustainability.

Vous le disiez à l’instant, de nombreuses entreprises ont traversé et vont encore traverser des périodes difficiles. Beaucoup vont devoir réinventer leur manière d’opérer et la nature même de leurs activités. Comment le développement d’une offre Sustainability peut-il compléter les offres plus traditionnelles de retournement / redressement ?

A.T. : La Sus­tai­na­bi­li­ty est une oppor­tu­ni­té. L’opportunité non seule­ment de se trans­for­mer mais de se réin­ven­ter d’une façon qui contri­bue aux trois dimen­sions : l’économique, le social et la pla­nète. C’est le choix de l’entreprise qui veut durer dans le temps et tra­ver­ser cette crise – comme les pro­chaines – en met­tant toutes les chances de son côté. Bien évi­dem­ment, il faut d’abord sur­vivre au court terme, et c’est là où offre Sus­tai­na­bi­li­ty et offres tra­di­tion­nelles de retour­ne­ment / redres­se­ment se com­plètent et même maxi­misent leurs poten­tiels res­pec­tifs. Nous sommes dans une confi­gu­ra­tion où 1+1=3.

N.L. : Comme vient de le dire Avra, la com­plé­men­ta­ri­té de nos offres est essen­tielle dans notre approche. Il importe, bien sûr, de répondre aux ques­tions immé­diates de nos clients mais aus­si de leur appor­ter des pers­pec­tives nou­velles, aux­quelles ils n’auraient pas natu­rel­le­ment pen­sé, et de les accom­pa­gner tout au long du che­min. C’est donc une réponse forte à leurs attentes.

Au-delà, quelles évolutions de long terme voyez-vous se dessiner ?

A.T. : Comme je le disais, la Sus­tai­na­bi­li­ty est un sujet de fond qui ne va ces­ser de prendre de l’ampleur car il nour­rit la réflexion pour une ges­tion durable des crises, phy­siques ou géo­po­li­tiques : com­ment en atté­nuer l’ampleur ? Com­ment s’adapter aux inévi­tables chan­ge­ments ? C’est aus­si une réelle oppor­tu­ni­té de sor­tir par le haut dans les trans­for­ma­tions à l’œuvre dans nos socié­tés, avec l’évolution des pré­fé­rences des consom­ma­teurs, des inves­tis­seurs, et celle des réglementations.

N.L. : Les évo­lu­tions struc­tu­relles ne manquent pas : nou­veaux besoins des consom­ma­teurs, chan­ge­ment cli­ma­tique, indus­trie 4.0, numé­ri­sa­tion de l’économie, remise en cause des chaînes de valeur mon­diales, etc. La conjonc­ture devient elle-aus­si plus incer­taine du fait de la mul­ti­pli­ca­tion des crises de grande ampleur. Kear­ney opère depuis sa créa­tion avec cette convic­tion qu’il est impé­ra­tif de pen­ser le long terme, de savoir tra­cer la route à suivre tout en per­met­tant de navi­guer à court-terme, en défi­ni­tive – et par­don pour la for­mule – de pen­ser l’avenir sans sacri­fier le pré­sent. Cette capa­ci­té me semble de plus en plus essen­tielle et la conser­ver fait par­tie de nos impé­ra­tifs caté­go­riques. C’est ce que nous avons fait lors de la créa­tion de notre prac­tice Sustainability.

Une question plus personnelle pour finir. Avra, comment avez-vous vécu votre arrivée dans le conseil en stratégie et chez Kearney en particulier ? Quelles leçons en tirez-vous pour votre approche des enjeux Sustainability par rapport à vos expériences précédentes dans l’industrie ?

A.T. : Sin­cè­re­ment, j’ai été hap­pée ! C’est un uni­vers extra­or­di­naire, avec des gens enga­gés et pas­sion­nés. Je m’y retrouve assez car c’est ain­si que je fonc­tionne moi aus­si. C’est une for­mi­dable mis­sion que de struc­tu­rer et ren­for­cer tout ce que le cabi­net fai­sait déjà en termes d’offre Sus­tai­na­bi­li­ty, et de le faire en équipe parce que les sym­pa­thi­sants de la prac­tice y sont nom­breux. Mes expé­riences dans l’industrie m’ont appris la ver­tu de l’accompagnement du chan­ge­ment et de la téna­ci­té dans la durée pour l’ancrer : la Sus­tai­na­bi­li­ty est une culture et un défi de trans­for­ma­tion qui s’inscrivent com­plè­te­ment dans ce cadre. N’est-ce d’ailleurs pas là la racine du mot « durable » ? 

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