Christian Marbach (56)

Élie Decazes (1780−1860), le robin charmeur de l’après-Waterloo

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°759 Novembre 2020Par : Erik Egnell (57)Rédacteur : Christian Marbach (56)Editeur : Éditions Cyrano, mai 2020

Avec son Decazes, Erik Egnell nous pré­sente de nou­veau une per­son­na­li­té impor­tante du début du XIXe siècle. Grâce à lui, nous connais­sons déjà mieux les par­cours de Ger­maine de Staël, George Sand, Vic­tor de Bro­glie ou des sol­dats refluant de Rus­sie. Cette fois, il accom­pagne un homme d’État trop peu connu, Élie Decazes, qu’il qua­li­fie joli­ment de « robin enchan­teur » et nous pou­vons en refer­mant ce pas­sion­nant ouvrage ana­ly­ser pour­quoi cer­taines bio­gra­phies sont réus­sies. Pour Egnell comme pour Pré­vert, c’est simple : il faut savoir « faire le por­trait d’un oiseau ».

Les ingrédients d’une bonne « bio »

Pour écrire une bonne « bio », dis­po­sez d’abord d’un per­son­nage d’exception. Sous ses allures d’homme calme et mesu­ré, Decazes en est un. Certes, cet ambi­tieux a su se mettre habi­le­ment au ser­vice de la famille de l’Empereur puis de Louis XVIII ; mais il est avec obs­ti­na­tion res­té fidèle à des idées de bon sens sur les besoins du pays entre 1814 et 1820. Il n’a joué ni les revan­chards, ni les rené­gats, ni les uto­pistes, mais s’est effor­cé de pro­po­ser un juste milieu à la France déchi­rée par des alter­nances poli­tiques hai­neuses et rui­née par les guerres napo­léo­niennes puis une lourde occu­pa­tion étrangère.

Pour une bonne « bio », il faut aus­si mettre en lumière des seconds rôles trop igno­rés, comme l’intelligent Riche­lieu, ou trop cari­ca­tu­rés comme Louis XVIII dont Egnell sou­ligne le bon sens pla­cide. Il faut aus­si s’appuyer sur des mémo­ria­listes talen­tueux comme Cha­teau­briand, Lamar­tine, Gui­zot que notre auteur rejoint avec un regard plus impartial.

Une bio­gra­phie tire pro­fit d’un envi­ron­ne­ment his­to­rique riche en fra­cas : les lec­teurs seront ser­vis avec les deux Res­tau­ra­tions, la Ter­reur blanche, les manœuvres des ultras et du futur Charles X, enfin l’assassinat du duc de Ber­ry dont se ser­virent les adver­saires de Decazes pour l’éliminer de la scène poli­tique. Ils pour­ront aus­si se for­ger leur propre opi­nion sur le poids d’un homme dans l’histoire : peut-il inflé­chir le cou­rant des évé­ne­ments ? Peut-on lui attri­buer le suc­cès d’une politique ?

La réussite d’Élie Decazes

Alors, qu’est une vie réus­sie ? Avoir amas­sé une for­tune ? Alors, oui, Élie Decazes a atteint cet objec­tif en usant les moyens que lui offrait sa posi­tion. L’avoir bien uti­li­sée ? Oui, aus­si : l’aventure de l’entreprise indus­trielle de Deca­ze­ville, que Decazes a ini­tiée vers 1830 et accom­plie avec le trop peu connu Fran­çois Cabrol, X 1810, l’atteste. Mais Decazes a sur­tout réus­si sa vie pour avoir contri­bué au bien com­mun, en ren­dant la France plus forte et plus libre.

En post-scrip­tum, j’ajouterai que nous, poly­tech­ni­ciens, pou­vons aus­si nous sou­ve­nir que Decazes, frère d’un X 1802, gendre de l’ébouriffant Sainte-Aulaire, X 1794, a obte­nu que notre École ne soit pas sup­pri­mée en 1817, mal­gré les cha­huts des élèves et les exi­gences des ultras. Mer­ci, Robin l’enchanteur !

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