Neural concept

Neural Concept, Booster les outils classiques de CAO !

Dossier : TrajectoiresMagazine N°759 Novembre 2020
Par Hervé KABLA (84)

En 2018 Pierre Baqué (2009) a fon­dé Neu­ral Concept, qui com­mer­cia­lise un logi­ciel per­met­tant d’optimiser les outils clas­siques de concep­tion assis­tée par ordi­na­teur (CAO). La socié­té met à pro­fit son agi­li­té de petite struc­ture pour s’implanter avec effi­ca­ci­té au ser­vice des grands groupes. Son démar­rage est très prometteur.

Pierre Baqué (2009), fondateur de Neutral Concept
Pierre Baqué (2009), fon­da­teur de Neu­ral Concept

Que permet Neural Concept ? 

Neu­ral Concept est un logi­ciel qui per­met aux ingé­nieurs qui uti­lisent des outils de CAO ou d’ingénierie d’être plus effi­caces dans leur tra­vail et de géné­rer des desi­gns plus per­for­mants et opti­mi­sés. C’est un com­plé­ment des outils clas­siques de CAO, enri­chis d’apprentissage machine (AM) et d’apprentissage pro­fond (AP). À ce stade, on n’en est qu’aux pré­mices, peut-être à 10 % des capa­ci­tés de ce qui pour­rait être obte­nu quand les entre­prises auront mis en place ce qu’il faut pour repré­sen­ter et sto­cker les don­nées adap­tées à cette approche.

Comment vous est venue l’idée ?

L’idée m’est venue pen­dant mon par­cours : durant ma thèse à l’École poly­tech­nique fédé­rale de Lau­sanne (EPFL), je tra­vaillais sur des sujets d’intelligence arti­fi­cielle en trai­te­ment d’image, puis pour la 3D. J’ai publié mes pre­miers papiers sur les usages de l’AP en 3D. Un ami, qui évo­luait dans l’univers de la simu­la­tion 3D, m’a alors confir­mé qu’il y avait des choses à faire en matière d’optimisation. Pen­dant ma thèse, j’ai aus­si par­ti­ci­pé au déve­lop­pe­ment d’un logi­ciel pour le desi­gn de remon­tées mécaniques.

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Je suis de la pro­mo­tion 2009. Après avoir quit­té l’X en 2013, j’ai tra­vaillé pen­dant un an chez Cré­dit suisse à Londres, pour faire des modèles d’optimisation de por­te­feuilles, de pri­cing de divi­dendes. C’est à ce moment-là que j’ai vrai­ment eu envie de faire une thèse. Je suis par­ti à l’EPFL dans un labo­ra­toire de vision par ordi­na­teur et AM. J’ai par­ti­ci­pé à pas mal de pro­jets de déve­lop­pe­ment logiciel.

Qui sont les concurrents ? 

Pour l’instant, il n’y a pas beau­coup de concur­rents dans ce domaine. Tous les gros acteurs (Das­sault Sys­tèmes, Ansys) com­mencent à s’intéresser à l’AP et à l’AM pour pro­po­ser des appli­ca­tions mais, d’un point de vue tech­no­lo­gique et au niveau des réflexions menées, ils ont for­cé­ment plus d’inertie que nous ! De fait, nous n’avons pas de concur­rent direct : quelques labos aca­dé­miques, notam­ment en France à Supae­ro (avec qui nous col­la­bo­rons), aux États-Unis à la NASA ou au Los Ala­mos Natio­nal Lab, ain­si qu’à l’EPFL où d’autres groupes tra­vaillent sur le même sujet. Je vois pas mal d’activité aca­dé­mique, mais en matière com­mer­ciale il n’y a pas grand-chose. Quelques logi­ciels tra­di­tion­nels uti­lisent aus­si des méthodes d’AM pour le desi­gn ou dans le domaine de la simulation.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Avant la créa­tion, à par­tir de 2016 j’ai tra­vaillé seul sur la tech­no à l’EPFL. J’ai alors reçu un inno­grant de l’EPFL, puis des fonds de pro­ject bridge qui m’ont per­mis de me consa­crer à fond à la tech­no­lo­gie. La socié­té a été créée en 2018. Au début avec une équipe de deux puis de trois per­sonnes pen­dant un an. Le pre­mier contrat inté­res­sant est arri­vé en 2019, et la pre­mière levée de fonds ; la socié­té compte treize per­sonnes depuis lors. Air­bus fait par­tie de nos pre­miers clients.

Qu’est-ce que l’IA apporte au design 3D ? 

Cela apporte deux avan­cées. D’une part, la concep­tion 3D et la simu­la­tion sont encore très manuelles de nos jours. Ça prend du temps, c’est dif­fi­cile et le temps de cal­cul est impor­tant. Avec des méthodes d’AM, on peut accé­lé­rer la simu­la­tion ou l’optimiser. On évite de refaire plu­sieurs fois les mêmes cal­culs, pen­dant la phase de desi­gn, et on capi­ta­lise sur les nou­veaux cal­culs, pour être de plus en plus rapide sur les projets.

D’autre part, il faut bien voir que les méthodes d’optimisation actuelles fonc­tionnent en silo. Chaque pro­jet fait sa simu­la­tion, mais les opti­mi­sa­tions n’étaient pas réuti­li­sées. Sur le plan du desi­gn, notre approche per­met d’utiliser les don­nées de desi­gn pré­cé­dentes pour une expé­rience plus intui­tive, par exemple pour un desi­gn para­mé­trique sans devoir le recréer à la main. Cela per­met éga­le­ment de réduire les temps de déve­lop­pe­ment et de faire des desi­gns plus per­for­mants. Enfin, cela s’intègre à d’autres logiciels.

Pourquoi les grands groupes ne conçoivent pas eux-mêmes ce type d’innovation ?

J’y vois deux rai­sons. Pre­miè­re­ment ce sont des méthodes qui viennent à l’origine d’un milieu et d’un uni­vers dif­fé­rents : l’univers de l’AM, des labos d’IA, assez décon­nec­tés du domaine de la CAO et de la simu­la­tion, et du logi­ciel en géné­ral. Deuxiè­me­ment, la capa­ci­té à déve­lop­per dans ce domaine demande des talents spé­ci­fiques et de sélec­tion­ner les bons pro­fils, qui ne sont pas for­cé­ment dans des grands groupes, car ceux-ci ne peuvent ni les atti­rer ni les motiver.

Qu’est-ce qui permettra à ces technologies de se développer ? 

Pour mettre en place ces tech­no­lo­gies, il faut un niveau de matu­ri­té qu’on ne trouve pas dans toutes les entre­prises. Dans notre domaine, soit on tra­vaille avec les gros acteurs qui ont les moyens et la capa­ci­té de cal­cul, soit on doit construire un éco­sys­tème sur le cloud, avec les acteurs qui per­mettent d’y faire de la simu­la­tion ou qui per­mettent à ceux qui n’ont pas fait la tran­si­tion d’y accé­der. Sans oublier les sujets liés au cloud sou­ve­rain, qui ne doivent pas empê­cher de pas­ser à ce type de tech­no­lo­gie. De plus en plus d’entreprises uti­lisent des ser­vices de cloud pro­té­gés, gérés par Azure ou AWS. Hon­nê­te­ment, je ne pense pas que les don­nées soient mieux pro­té­gées sur les ser­veurs internes des indus­triels que sur Azure.

En quoi le modèle d’innovation de l’EPFL est-il si performant ? 

L’accompagnement entre le doc­to­rat et la direc­tion d’une start-up est extra­or­di­naire. À chaque étape de la tran­si­tion, il y a des choses qui sont faites pour aider la socié­té à pro­gres­ser. Les start-up sont expo­sées à la col­la­bo­ra­tion avec des entre­prises, à l’innovation, aux aspects busi­ness, à la mise en pro­duc­tion, à la concep­tion des outils appli­qués et pas seule­ment théo­riques. Ensuite, si on a une bonne idée et un bon pro­fil, on peut assez faci­le­ment obte­nir des fonds (inno­grants, pro­ject bridge) ; on peut ain­si res­ter dans un labo avec un salaire cor­rect. Ce qui est favo­rable, c’est la col­la­bo­ra­tion entre doc­to­rants et étu­diants de mas­tère qui font des pro­jets. Par exemple, une dizaine d’étudiants ont aidé à déve­lop­per la tech­no à ses débuts. Cer­tains sont ensuite deve­nus des sala­riés clés de Neu­ral Concept. Cela per­met de créer une force vive sans devoir dépen­ser en recru­te­ment. L’accompagnement de l’Inno­va­tion Park, le Ven­ture Lab, qui aide les start-up à façon­ner leur busi­ness modèle, l’écosystème de capi­tal-risque qui tourne autour de l’EPFL…

Et par comparaison avec ce que tu as connu à l’X ?

Je ne suis pas pas­sé à l’X en tant que doc­to­rant ou que créa­teur d’entreprise, la com­pa­rai­son va donc être biai­sée. Mais je n’avais pas vrai­ment cette sen­sa­tion qu’on a ici, à l’EPFL. À l’X, il manque la rela­tion avec les doc­to­rants, les cher­cheurs, les étu­diants de mas­tère, qui, eux, ont une image posi­tive des doc­to­rants. À Poly­tech­nique, à mon époque, mon image du doc­to­rant était celle de quelqu’un qui n’a pas fait le pas pour ren­trer dans la vie réelle. Alors qu’à l’EPFL, les étu­diants ont une idée très posi­tive des doc­to­rants : l’élite, c’est le PhD, pas le master.


Références pour l’EPFL

https://www.epfl.ch/innovation/entrepreneurship/fr/startup/lancer-votre-startup/innogrant/

https://epfl-innovationpark.ch/

https://www.venturelab.ch/


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