Hopital américain de Paris

Une expérience concrète en milieu hospitalier : l’Hôpital américain de Paris

Dossier : Covid-19Magazine N°758 Octobre 2020
Par Professeur Christophe RAPP
Par Professeur Robert SIGAL

La crise de la Covid-19 a d’emblée frap­pé les esprits via l’image des hôpi­taux débor­dés par l’afflux des malades, notam­ment des malades graves, avec les ser­vices de réani­ma­tion satu­rés, le redé­ploie­ment de tous les moyens, la mise en rela­tif som­meil du trai­te­ment des autres patho­lo­gies. L’Hôpi­tal amé­ri­cain de Paris (HAP) a connu ce pro­blème et il per­met de l’illustrer concrè­te­ment, à échelle humaine, ain­si que d’aborder la ques­tion de l’avenir des struc­tures hos­pi­ta­lières face au risque pandémique.

Au prin­temps 2020, l’Hôpital amé­ri­cain de Paris a contri­bué à la lutte achar­née contre la Covid-19, pour la vie de ses patients et celle de tous ceux qui ont été accueillis par l’intermédiaire du Samu ou d’autres hôpi­taux publics et pri­vés. Cette lutte inédite a été intense par son ampleur, par l’engagement des méde­cins et de tous les soi­gnants, mais aus­si par la cohé­sion dont tous ont fait preuve à la fois au sein de l’hôpital, mais éga­le­ment avec l’ensemble des acteurs du ter­ri­toire de san­té et en par­ti­cu­lier les auto­ri­tés sanitaires.

Médecins, soignants et administration unis pour faire face.
Méde­cins, soi­gnants et admi­nis­tra­tion unis pour faire face.

Avant la vague

Alors que l’hôpi­tal a diag­nos­ti­qué son pre­mier patient infec­té par le SARS CoV‑2 le 28 février 2020, grâce à l’intuition d’un de ses méde­cins, la décou­verte, presque for­tuite, de ce pre­mier malade (hos­pi­ta­li­sé pour un autre motif) a per­mis à tout l’hôpital de se pré­pa­rer et d’anticiper les dif­fi­ciles semaines qui s’annonçaient. Dès ce jour, une cel­lule de crise, ras­sem­blant le corps médi­cal et l’administration, s’est réunie quo­ti­dien­ne­ment pour s’organiser face à la crise. C’est ain­si que le plan blanc a été déclen­ché le 29 février, une semaine avant qu’il ne soit acti­vé par les auto­ri­tés sani­taires dans toute la région le 6 mars. Acti­vé par le direc­teur de l’établissement, ce plan per­met à un hôpi­tal « de mobi­li­ser immé­dia­te­ment les moyens de toute nature dont il dis­pose en cas d’afflux de patients, ou pour faire face à une situa­tion sani­taire excep­tion­nelle », en accord avec l’Agence régio­nale de santé.

En sui­vant les direc­tives des auto­ri­tés sani­taires jour après jour, toutes les équipes de l’hôpital ont su s’adapter et démon­trer leur capa­ci­té de mobi­li­sa­tion : évic­tion des soi­gnants contacts de ce pre­mier patient, fil­trage des patients à l’entrée de l’établissement en sui­vant les recom­man­da­tions offi­cielles, mise en place d’une uni­té de soins et de per­son­nel dédiés aux patients sus­pec­tés d’être infec­tés dans l’attente des résul­tats d’examen et de leur trans­fert vers un hôpi­tal de réfé­rence, orga­ni­sa­tion des stocks de médi­ca­ments, de maté­riels et d’équipements de pro­tec­tion indi­vi­duels, for­ma­tions et infor­ma­tions… Ces trois semaines ont contri­bué à anti­ci­per la mon­tée de la vague et, point impor­tant, à atté­nuer le stress des équipes médi­cales et administratives.


REPÈRES

À la per­ma­nence médi­co­chi­rur­gi­cale, entre le 28 février et le 11 mai, l’HAP a accueilli 500 patients sus­pects. 122 patients ont été hos­pi­ta­li­sés en méde­cine, 28 en réani­ma­tion. La prise en charge médi­cale, conforme aux recom­man­da­tions ins­ti­tu­tion­nelles, s’est adap­tée aux pro­grès scien­ti­fiques qui ont été rapides. Des patients graves ont été inclus dans une cohorte de recherche natio­nale pilo­tée par l’Inserm avec l’aide du méde­cin de recherche cli­nique de l’établissement. 10 décès sont à déplorer. 


Une insertion dans le dispositif régional de riposte piloté par l’ARS

L’Agence régio­nale de san­té (ARS) d’Île-de-France, bras armé du minis­tère de la San­té, a joué un rôle clef pen­dant cette crise, en étant le point de col­lecte d’informations, de doc­trine et de com­man­de­ment, pour tous les éta­blis­se­ments de san­té publics et pri­vés. L’ARS a régu­lé la ges­tion (médi­ca­ments, équi­pe­ments de pro­tec­tion) et a déter­mi­né quels éta­blis­se­ments pre­naient en charge les patients, et quels éta­blis­se­ments jouaient un rôle de déles­tage. Au début de la crise, seuls trois hôpi­taux de l’Assistance publique étaient auto­ri­sés à prendre en charge les patients infec­tés par la Covid.

Devant la mon­tée de la vague, l’ARS a deman­dé à d’autres hôpi­taux, y com­pris du pri­vé, de se joindre à cet effort natio­nal. Le point cri­tique était le nombre de lits dis­po­nibles en réani­ma­tion. L’Île-de-France comp­tait 1 200 lits de réani­ma­tion avant la crise. Au som­met de la vague, envi­ron 2 400 per­sonnes ont été hos­pi­ta­li­sées. L’Hôpital amé­ri­cain de Paris a ain­si hos­pi­ta­li­sé ses pre­miers patients le 20 mars. Au fur et à mesure de l’évolution de la situa­tion, l’adaptation des pro­cé­dures et du capa­ci­taire en lits en temps réel, 7 jours sur 7, avec l’organisation d’une cel­lule de régu­la­tion, a per­mis de faire face à l’afflux de patients et de ren­for­cer la col­la­bo­ra­tion avec les éta­blis­se­ments publics et pri­vés du ter­ri­toire pour accueillir tous les patients (Samu, AP-HP, hôpi­taux et cli­niques de Neuilly-sur-Seine et Levallois-Perret…).

Médecins de la Team Covid de l’Hôpital Américain de Paris.
Méde­cins de la Team Covid de l’Hôpital Amé­ri­cain de Paris.

“L’ARS d’Île-de-France a joué un rôle clef pendant
la crise.”

Une réorganisation à marche forcée, une agilité incontestable

L’augmentation du nombre de patients à hos­pi­ta­li­ser a conduit à une réor­ga­ni­sa­tion des flux et des locaux, ren­due pos­sible par la fer­me­ture de cer­tains ser­vices de l’hôpital. Ain­si, dès la mi-mars, un cir­cuit d’accueil et des espaces spé­ci­fiques pour les patients pré­sen­tant des signes de Covid-19 ont été orga­ni­sés à la per­ma­nence médi­co-chi­rur­gi­cale de l’établissement (urgences). Dès que l’hôpital a reçu l’autorisation d’hospitaliser des patients, deux étages com­plets (sur quatre) leur ont été dédiés pour per­mettre leur prise en charge dans des condi­tions de sécu­ri­té opti­males. En quelques jours, la capa­ci­té totale de réani­ma­tion de l’hôpital a éga­le­ment été plus que dou­blée et un sec­teur spé­ci­fique en mater­ni­té a été ins­tal­lé pour les par­tu­rientes infectées. 

Dans le même temps, la dimi­nu­tion de l’activité pro­gram­mée, confor­mé­ment aux exi­gences des auto­ri­tés sani­taires, a conduit l’établissement à arrê­ter qua­si tota­le­ment les blocs opé­ra­toires, à fer­mer le Check-Up Cen­ter et l’unité d’assistance médi­cale à la pro­créa­tion, et à ne main­te­nir que les prises en charge urgentes. Des inno­va­tions, tel le déploie­ment de la télé­con­sul­ta­tion, ont per­mis d’assurer la conti­nui­té des soins pen­dant la période de confi­ne­ment. Les équipes achat, logis­tique et phar­ma­cie se sont orga­ni­sées pour répondre aux besoins de l’ensemble des ser­vices dans une période de ten­sions sur les appro­vi­sion­ne­ments, en par­ti­cu­lier sur les équi­pe­ments de pro­tec­tion indi­vi­duels. Enfin, les équipes de net­toyage, de res­tau­ra­tion, d’accueil, de sécu­ri­té et de main­te­nance ont été plei­ne­ment enga­gées aux côtés des équipes soi­gnantes. L’équipe opé­ra­tion­nelle d’hygiène a for­mé plus de 330 per­sonnes en trois semaines. Le télé­tra­vail est deve­nu la règle pour une grande par­tie de l’administration.

Chambre d’hospitalisation dans un étage dédié aux patients Covid+.
Chambre d’hospitalisation dans un étage dédié aux patients Covid+.

Deux idées-force : prendre en charge les patients et protéger les soignants 

La prise en charge des patients s’est très rapi­de­ment orga­ni­sée autour du pro­fes­seur Chris­tophe Rapp, infec­tio­logue, ancien du ser­vice de san­té des armées et membre du Haut Conseil de la san­té publique, ayant eu à gérer de pré­cé­dentes crises sani­taires (Ebo­la). Cette Team Covid mul­ti­dis­ci­pli­naire (inter­nistes, pneumo­logues, car­dio­logues) s’est mobi­li­sée pour orga­ni­ser une per­ma­nence des soins, 7 jours sur 7, dans des sec­teurs dédiés, armés par des équipes para­mé­di­cales for­mées et enca­drées par l’équipe opé­ra­tion­nelle d’hygiène. De même, les réani­ma­teurs et les urgen­tistes ont ren­for­cé leur pré­sence et leur nombre. De nom­breux méde­cins de l’établissement se sont éga­le­ment por­tés volon­taire pour par­ti­ci­per à la ges­tion des familles de malade et leur trans­mettre des infor­ma­tions, alors même qu’ils ne pou­vaient pas rendre visite eux-mêmes à leurs proches, mais éga­le­ment pour par­ti­ci­per aux soins à pro­di­guer aux malades ou par­ti­ci­per au dépistage.

La pro­tec­tion des soi­gnants a été adap­tée en per­ma­nence aux connais­sances sur ce nou­veau virus. De nom­breuses pro­cé­dures géné­rales ont été rédi­gées, puis décli­nées en modes opé­ra­toires, fiches tech­niques et affiches sous la tutelle du Dr Sarah Joli­vet, méde­cin hygié­niste de l’HAP. Le per­son­nel n’a pas été épar­gné par le SARS CoV‑2. Comme dans les autres éta­blis­se­ments de soins, les conta­mi­na­tions réper­to­riées étaient majo­ri­tai­re­ment d’origine com­mu­nau­taire. Les rares conta­mi­na­tions asso­ciées aux soins ont été obser­vées dans des sec­teurs ouverts de l’établissement (radio­lo­gie et labo­ra­toire notam­ment) en février et mars 2020, avant la mise en place des mesures de pré­ven­tion qui se sont avé­rées effi­caces. Au total, si 31 membres du per­son­nel et pres­ta­taires ain­si que 10 méde­cins ont été infec­tés, ils ne repré­sentent dans l’établissement qu’un taux très faible au regard du nombre de méde­cins (350), de per­son­nel soi­gnant et asso­cié aux soins (650) et de pres­ta­taires (bio­net­toyage, res­tau­ra­tion, sécurité…).

“L’hôpital
a pris en charge tous
les patients avec un reste
à charge nul, quelle que fût leur couverture. ”

Et maintenant ?

L’hôpital est prêt à faire face à un rebond épi­dé­mique dans des condi­tions de sécu­ri­té et d’hygiène maxi­males, avec un par­cours de soins dédié aux patients infec­tés par le SARS CoV‑2, dis­tinct de la filière de prise en charge clas­sique. Comme les autres éta­blis­se­ments de san­té, il par­ti­cipe à la stra­té­gie natio­nale de dépis­tage et de tra­cing des contacts par l’intermédiaire du labo­ra­toire de bio­lo­gie (qu’il par­tage avec l’hôpital public de Neuilly-sur-Seine, Rives de Seine) dont la capa­ci­té de dépis­tage est désor­mais d’environ 150 tests PCR par jour. À l’urgence sani­taire a suc­cé­dé l’urgence éco­no­mique. Durant la crise, l’hôpital a pris en charge tous les patients, quelle que fût leur cou­ver­ture assu­ran­tielle ou leur mutuelle, en garan­tis­sant à cha­cun un reste à charge nul. La fer­me­ture d’activités clés (comme le bloc opé­ra­toire) et sur­tout la fer­me­ture des fron­tières et l’absence de la patien­tèle inter­na­tio­nale (envi­ron 35 % des patients de l’hôpital) pèsent lour­de­ment sur le compte d’exploitation qui sera le plus défi­ci­taire qu’ait connu l’institution.

Mais l’Hôpital amé­ri­cain de Paris peut être fier d’avoir tra­ver­sé cette crise dans les meilleures condi­tions pos­sibles et d’avoir été fidèle à son sta­tut d’organisme à but non lucra­tif, recon­nu d’utilité publique. Le main­tien des com­pé­tences pour faire face à une éven­tuelle crise sani­taire est indispensable. 

Réanimation, infirmières de l’équipe de nuit.
Réani­ma­tion, infir­mières de l’équipe de nuit.


L’Hôpital Américain de Paris : une structure originale

Orga­nisme à but non lucra­tif recon­nu d’utilité publique, l’Hôpital amé­ri­cain de Paris est un éta­blis­se­ment de san­té accré­di­té à la fois par la Joint Com­mis­sion amé­ri­caine et la Haute Auto­ri­té de san­té française. 

Créé en 1906 par des membres de la com­mu­nau­té amé­ri­caine de Paris, l’Hôpital amé­ri­cain de Paris, the Ame­ri­can Hos­pi­tal of Paris, est un éta­blis­se­ment pri­vé de san­té mul­ti­dis­ci­pli­naire : méde­cine (dont dia­lyse et onco­lo­gie), chi­rur­gie et obs­té­trique, dis­po­sant d’une réani­ma­tion et d’une uni­té de soins inten­sifs car­dio­lo­giques et fort d’un pla­teau com­plet et per­for­mant d’imagerie médi­cale (IRM, scan­ner, TEP Scan…). L’institution pro­pose le meilleur des pra­tiques médi­cales fran­çaises et amé­ri­caines, et délivre des soins per­son­na­li­sés de haute qua­li­té aux membres des com­mu­nau­tés fran­çaise, amé­ri­caine et inter­na­tio­nale rési­dant en France et à l’étranger, avec le sou­ci per­ma­nent du res­pect de l’éthique des pra­tiques médi­cales et de la diver­si­té cultu­relle des patients. 

L’établissement pro­pose à ses patients des tech­no­lo­gies et des thé­ra­peu­tiques exclu­sives, recon­nues pour leur effi­ca­ci­té et leur per­ti­nence par les plus hautes ins­tances scien­ti­fiques et médi­cales inter­na­tio­nales. Avec des méde­cins libé­raux cou­vrant l’ensemble des dis­ci­plines médi­cales et chi­rur­gi­cales majeures, recon­nus et accré­di­tés tous les deux ans par un sys­tème unique en Europe (cre­den­tia­ling), des soi­gnants expé­ri­men­tés, un pla­teau tech­nique com­plet et ultra­per­for­mant, l’Hôpital amé­ri­cain de Paris témoigne d’une capa­ci­té de mobi­li­sa­tion et de réac­ti­vi­té incom­pa­rable en France. Notam­ment le Check-Up Cen­ter de l’hôpital, créé en 1991, est un centre entiè­re­ment dédié à la méde­cine de pré­ven­tion et de dépis­tage, inté­grant les tech­no­lo­gies les plus inno­vantes et les recom­man­da­tions scien­ti­fiques les plus récentes ; il pro­pose des bilans de san­té à la pointe de la méde­cine pré­ven­tive et du diag­nos­tic pré­coce, à titre indi­vi­duel mais répon­dant éga­le­ment aux besoins des entreprises. 

Depuis plus de 60 ans, il se sou­met volon­tai­re­ment au contrôle d’un orga­nisme amé­ri­cain indé­pen­dant pion­nier dans le sys­tème d’évaluation de la sécu­ri­té et de la qua­li­té des éta­blis­se­ments de soins aux États-Unis : the Joint Com­mis­sion. Cette accré­di­ta­tion consti­tue un gage sup­plé­men­taire de qua­li­té et de sécu­ri­té des soins, com­plé­men­taire de la cer­ti­fi­ca­tion fran­çaise de la Haute Auto­ri­té de san­té (niveau A). Il est ain­si le seul éta­blis­se­ment au monde – hors ter­ri­toire des États-Unis – à béné­fi­cier de cette accré­di­ta­tion. Cette der­nière témoigne du niveau d’exigence extrê­me­ment éle­vé que se fixe en per­ma­nence le per­son­nel – soi­gnants comme non-soignants. 

Orga­nisme à but non lucra­tif recon­nu d’utilité publique, l’hôpital n’a pas d’actionnaire et ne reçoit aucune sub­ven­tion publique, ni de l’État fran­çais ni de l’État amé­ri­cain. C’est uni­que­ment grâce à la géné­ro­si­té de ses membres et dona­teurs et à ses reve­nus d’activité qu’il inves­tit, chaque année, dans la moder­ni­sa­tion de ses équi­pe­ments médi­caux et de ses bâti­ments, à chaque étape de son déve­lop­pe­ment. Il a une gou­ver­nance tri­par­tite ori­gi­nale : le Conseil des gou­ver­neurs, la direc­tion géné­rale et le Conseil médi­cal œuvrent ensemble, dans un esprit de cocons­truc­tion, pour rem­plir les mis­sions de l’institution, éla­bo­rer et mettre en pra­tique la stratégie.

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