L’Ascenseur, boulevard Bourdon à Paris.

L’entreprise, accélérateur de changement positif

Dossier : ExpressionsMagazine N°757 Septembre 2020
Par Jean-Laurent BONNAFÉ (81)

Par sa dimen­sion pla­né­taire, la crise Covid-19 nous rap­pelle com­bien les sujets de bien com­mun sont essen­tiels pour cha­cun de nous. Aucun groupe humain, aucune entre­prise, aucun pays ne pour­rait gagner dans un monde qui perd. Comme le défi sani­taire, les défis envi­ron­ne­men­taux et sociaux qui sont devant nous ne pour­ront être rele­vés que par un effort col­lec­tif, où les entre­prises pren­dront une place importante.

Au moment où inter­vient la crise sani­taire, beau­coup d’entreprises ont déjà enga­gé leur mou­ve­ment en pro­fon­deur. Depuis une ving­taine d’années la res­pon­sa­bi­li­té sociale et envi­ron­ne­men­tale s’est lar­ge­ment déve­lop­pée, mais les entre­prises choi­sis­saient libre­ment leur ter­rain et étaient donc sus­pec­tées de « ver­dir » cer­taines acti­vi­tés sans prise en compte sys­té­ma­tique des enjeux sociaux et envi­ron­ne­men­taux. L’année 2015 avait été un tour­nant, tant par ses frac­tures – la grande crise des réfu­giés – que par ses actes de prise de conscience col­lec­tive – l’adoption de l’Accord de Paris et la publi­ca­tion des Objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable de l’ONU.

Les entre­prises sont désor­mais au cœur de ces enjeux col­lec­tifs et beau­coup se les appro­prient avec volon­ta­risme, mêlant la trans­for­ma­tion du déve­lop­pe­ment durable aux autres muta­tions qu’elles doivent inté­grer. Les tech­no­lo­gies, l’univers régle­men­taire, les rela­tions com­mer­ciales entre les pays, les modèles éco­no­miques, les attentes des clients, des action­naires et des sala­riés : tout évo­lue. Même si la socié­té civile n’en a pas encore tota­le­ment conscience, un tra­vail en pro­fon­deur est désor­mais à l’œuvre dans les entre­prises. Pour les banques, la trans­for­ma­tion est par­ti­cu­liè­re­ment rapide. Concur­ren­cées par de nou­veaux acteurs, mises en ten­sion par un contexte durable de taux bas, stric­te­ment enca­drées par les régu­la­teurs, scru­tées par l’opinion et les inves­tis­seurs, elles doivent construire leur ave­nir en com­bi­nant les bons choix stra­té­giques avec une forte capa­ci­té d’innovation et une rela­tion renou­ve­lée à leurs clients tout comme au monde qui les entoure.

Une nouvelle utilité sociale de l’entreprise alliant performance et impact positif

Chez BNP Pari­bas, nous avons déci­dé de faire du déve­lop­pe­ment durable un axe de notre stra­té­gie de déve­lop­pe­ment, au même titre que la digi­ta­li­sa­tion de nos offres et ser­vices. C’est un choix fort et exi­geant. Nous avons com­men­cé par inté­grer les 17 Objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable (ODD) de l’Organisation des Nations unies à notre pro­jet stra­té­gique. Ces objec­tifs répondent aux défis mon­diaux aux­quels nous sommes confron­tés, notam­ment ceux liés à la pau­vre­té, aux inéga­li­tés, au cli­mat, à la dégra­da­tion de l’environnement, à la pros­pé­ri­té, à la paix et à la jus­tice. Ils nous servent aujourd’hui de bous­sole et sont un réfé­ren­tiel de plus en plus par­ta­gé par les entre­prises du monde entier pour mesu­rer leur action en faveur de la socié­té et de la pla­nète. Chez BNP Pari­bas, nous mesu­rons la part de nos cré­dits qui concourt direc­te­ment à ces objec­tifs : elle repré­sente aujourd’hui un encours total de 180 mil­liards d’euros.

La raison d’être de BNP Paribas

La « rai­son d’être » publiée fin 2019 par notre groupe fait expli­ci­te­ment réfé­rence aux ODD et à deux enga­ge­ments offi­ciels concou­rant à les atteindre dont notre banque est signa­taire : les prin­cipes de l’investissement res­pon­sable et les prin­cipes de la banque res­pon­sable. Pour BNP Pari­bas qui est aujourd’hui la pre­mière banque des entre­prises euro­péennes, cela se tra­duit à la fois par des enga­ge­ments chif­frés de finan­ce­ment de sec­teurs par­ti­cu­liè­re­ment contri­bu­tifs (par exemple les éner­gies renou­ve­lables ou l’économie sociale et soli­daire) et par des poli­tiques RSE qui encadrent stric­te­ment nos finan­ce­ments des sec­teurs les plus sen­sibles au regard du cli­mat, de la bio­di­ver­si­té ou des droits humains. Nous sommes aujourd’hui par­mi les lea­ders mon­diaux des obli­ga­tions vertes et déve­lop­pons pour nos clients entre­prises des cré­dits à impact posi­tif dont le taux dimi­nue à mesure que l’emprunteur atteint des objec­tifs pré­cis en matière d’impact social ou envi­ron­ne­men­tal. Dans le même temps, nous avons exclu le finan­ce­ment de toutes les entre­prises spé­cia­li­sées dans les hydro­car­bures non conven­tion­nels (gaz de schiste, sables bitu­mi­neux…) et impo­sons à tous nos clients de l’OCDE qui pro­duisent encore de l’électricité à base de char­bon d’être dès main­te­nant sur une tra­jec­toire qui leur per­met­tra d’en être tota­le­ment sor­tis en 2030 (2040 hors OCDE).

Être accélérateur d’une véritable économie de la transition

Les enjeux cli­ma­tiques conduisent au déve­lop­pe­ment d’une véri­table éco­no­mie de la tran­si­tion dont nous vou­lons être les accé­lé­ra­teurs : tech­no­lo­gies vertes, éner­gies renou­ve­lables, effi­ca­ci­té éner­gé­tique des entre­prises et des par­ti­cu­liers, éco­no­mie cir­cu­laire, solu­tions fon­dées sur la nature. Cepen­dant, par­mi les entre­prises qui portent les solu­tions éner­gé­tiques bas car­bone figurent des pro­duc­teurs d’énergie tra­di­tion­nels qui sont nos clients depuis des décen­nies. His­to­ri­que­ment enga­gés dans les éner­gies fos­siles, cer­tains d’entre eux accé­lèrent aujourd’hui leur conver­sion aux éner­gies nou­velles afin d’aligner pro­gres­si­ve­ment leurs acti­vi­tés sur les objec­tifs cli­ma­tiques déter­mi­nés par la science, les gou­ver­ne­ments et la socié­té civile. La ques­tion n’est pas tant de savoir si en 2020 nous avons encore des clients liés aux éner­gies fos­siles, que de savoir si ceux-ci agissent réso­lu­ment pour se trans­for­mer. Dans nos dif­fé­rents métiers, nous dia­lo­guons avec eux pour contri­buer à la tran­si­tion de leurs acti­vi­tés vers des modèles com­pa­tibles avec les objec­tifs de l’Accord de Paris sur le cli­mat. Année après année, nous fai­sons évo­luer nos cri­tères de finan­ce­ment pour sou­te­nir les acteurs en tran­si­tion et exclure pro­gres­si­ve­ment ceux qui res­te­raient accro­chés aux anciennes éner­gies. Nous tra­vaillons, en liai­son avec d’autres banques, à des outils d’aide à la déci­sion qui vont pro­gres­si­ve­ment nous per­mettre d’aligner l’ensemble de notre por­te­feuille de cré­dit sur les objec­tifs de l’Accord de Paris. Ces tra­vaux s’inscrivent dans un chan­tier plus large des­ti­né à inté­grer les cri­tères ESG (envi­ron­ne­ment, social, gou­ver­nance) dans l’ensemble de nos pro­ces­sus de déci­sion de crédit.

Signature du Tobacco-Free Finance Pledge
Le Dr Bronwyn King m’a convain­cu de signer le Tobac­co-Free Finance Pledge et de sor­tir la banque de toute acti­vi­té de finan­ce­ment de l’industrie du tabac.

L’essor du développement durable, un atout pour les entreprises

Le déve­lop­pe­ment durable trans­forme éga­le­ment le sec­teur de l’épargne et de l’investissement. Les filiales de BNP Pari­bas spé­cia­li­sées dans l’assurance et la ges­tion d’actifs pour nos clients effec­tuent désor­mais l’ensemble des inves­tis­se­ments en intro­dui­sant des cri­tères ESG dans leurs déci­sions. De plus, elles déve­loppent rapi­de­ment la part dans leurs por­te­feuilles des inves­tis­se­ments spé­ci­fi­que­ment conçus pour avoir une contri­bu­tion sociale et envi­ron­ne­men­tale posi­tive, tels que l’investissement socia­le­ment res­pon­sable et l’investissement à impact. Avec le dis­po­si­tif myIm­pact, nous pro­po­sons en outre à l’ensemble de nos clients patri­mo­niaux de réflé­chir à l’impact socié­tal de leurs pla­ce­ments et les aidons à choi­sir des solu­tions contri­buant à l’atteinte des ODD qui leur tiennent le plus à cœur.

En 2017, nous avons créé une direc­tion de l’engagement d’entreprise pour déve­lop­per la culture de l’impact posi­tif à tra­vers l’ensemble de nos métiers, ce qui fait conver­ger l’ensemble de nos leviers de banque, d’investisseur, d’employeur, d’acheteur et de mécène vers des causes prio­ri­taires. Outre les sujets envi­ron­ne­men­taux, nous agis­sons par­ti­cu­liè­re­ment dans des domaines pour les­quels nous dis­po­sons de leviers forts pour l’inclusion sociale des jeunes, la pro­mo­tion des femmes dans l’économie, les nou­velles formes d’entrepreneuriat et les territoires.

Grâce à cette stra­té­gie, BNP Pari­bas fait aujourd’hui par­tie des lea­ders mon­diaux en matière de res­pon­sa­bi­li­té sociale et envi­ron­ne­men­tale, tant à tra­vers les clas­se­ments réa­li­sés par les agences de nota­tion spé­cia­li­sées que par les suc­cès com­mer­ciaux rem­por­tés par tous nos métiers dans les sec­teurs de l’investissement et de la finance durables.

La place finan­cière de Paris peut être, dans son ensemble, consi­dé­rée aujourd’hui comme lea­der mon­dial de la finance durable. Les quatre pre­mières banques fran­çaises sont à la fois dans le top 10 mon­dial pour les obli­ga­tions et les cré­dits verts, et par­mi celles qui ont les poli­tiques les plus exi­geantes en matière de sor­tie des éner­gies les plus pol­luantes. Les com­pa­gnies d’assurances et les ges­tion­naires d’actifs basés en France figurent éga­le­ment par­mi les plus avan­cés en matière de res­pon­sa­bi­li­té sociale et envi­ron­ne­men­tale appli­quée à leurs inves­tis­se­ments. C’est un bas­sin de com­pé­tences excep­tion­nel qui est en train de se mettre en place, dans un domaine qui peut avoir une influence réel­le­ment forte sur l’avenir de la socié­té. L’essor du déve­lop­pe­ment durable est un véri­table atout pour les entre­prises qui savent s’en empa­rer à temps.

“La place financière de Paris peut être, dans
son ensemble, considérée aujourd’hui comme leader mondial
de la finance durable.”

La crise, accélérateur de coalitions

Les crises éco­lo­giques, mais aus­si la crise migra­toire ou plus récem­ment la crise des Gilets jaunes, ont conduit de nom­breux acteurs à unir leurs forces au sein de coa­li­tions d’entreprises, d’institutions et d’associations, mobi­li­sées pour avoir un véri­table impact sur les sujets de bien com­mun. BNP Pari­bas a par exemple rejoint le « Col­lec­tif pour une éco­no­mie plus inclu­sive en France », une ini­tia­tive volon­taire qui a ras­sem­blé les entre­prises dési­reuses de mettre leur puis­sance éco­no­mique au ser­vice du pro­grès social et socié­tal dès jan­vier 2019. Et, pour pas­ser un cap à l’échelle inter­na­tio­nale, nous avons éga­le­ment rejoint dans la fou­lée la coa­li­tion de l’OCDE Busi­ness for Inclu­sive Growth, qui entend trans­po­ser ces bonnes pra­tiques au sein des multinationales.

Mais toutes ces coa­li­tions ne naissent pas des seules crises. Par­fois, une cause ou une inno­va­tion sociale por­tée par un membre de la socié­té civile ren­contre la vision d’un chef d’entreprise. Ce fut le cas par exemple en 2015, lorsque j’ai répon­du à la demande de l’association l’Autre Cercle de signer la charte de recon­nais­sance des droits LGBT+ en entre­prise ain­si qu’à celle de l’activiste onu­sienne Eli­za­beth Nya­maya­ro de rejoindre HeForShe, pre­mier mou­ve­ment fémi­niste d’hommes. Ce fut éga­le­ment le cas de ma ren­contre avec le Dr Bronwyn King en 2018, qui m’a convain­cu de signer le Tobac­co-Free Finance Pledge et de sor­tir la banque de toute acti­vi­té de finan­ce­ment de l’industrie du tabac. Plus récem­ment enfin, les acteurs de l’égalité des chances, Ben­ja­min Bla­vier et Saïd Ham­mouche, res­pec­ti­ve­ment à la tête d’Article 1 et Mozaïk RH, sont venus me trou­ver pour rendre pos­sible la créa­tion d’un pro­jet qui soit à la fois un lieu, un col­lec­tif et un plai­doyer : L’Ascenseur. Ce bâti­ment de 2 300 m2 au cœur de Paris réunit aujourd’hui plus de 200 per­sonnes à plein temps qui se consacrent à l’inclusion de la jeu­nesse de France, avec le sou­tien finan­cier, en nature et en com­pé­tence de BNP Paribas.

Jean-Laurent Bonnafé au sommet HeForShe d’ONU Femmes
Jean-Laurent Bon­na­fé au som­met HeForShe d’ONU Femmes à New York City en sep­tembre 2018.

La crise Covid-19, nouveau moment de vérité

La crise Covid-19 a mon­tré le rôle essen­tiel des pro­fes­sions médi­cales, mais der­rière elles de nom­breuses entre­prises ont démon­tré le carac­tère essen­tiel des ser­vices qu’elles four­nis­saient : ali­men­taire, télé­com, logis­tique. Par­fois mal consi­dé­rés depuis la crise de 2008–2009, les ban­quiers ont com­pris que la crise était une épreuve de véri­té dans leur rela­tion avec leurs clients et avec la socié­té civile. Ils ont été au rendez-vous.

En quelques jours, pour répondre à l’urgence de la situa­tion, l’État, les banques fran­çaises et Bpi­france ont déve­lop­pé le « Prêt garan­ti par l’État » – dit PGE – un dis­po­si­tif inédit pour sou­te­nir et pré­ser­ver l’économie fran­çaise. Chez BNP Pari­bas, nous l’avons mis en place en un temps record : 4 000 conseillers et conseillères se sont for­més en moins de 48 h, qui plus est à dis­tance. Mobi­li­sées de manière excep­tion­nelle, nos équipes ont aus­si pro­po­sé des reports de rem­bour­se­ment et des réamé­na­ge­ments de cré­dits au rythme de 1 700 PGE par jour. Au total, plus de 60 000 demandes de PGE ont été trai­tées, pour 17 mil­liards d’encours. L’équivalent d’une année entière de production !

Participation à l’entraide nationale

En paral­lèle, BNP Pari­bas a déclen­ché un dis­po­si­tif de soli­da­ri­té inédit : un plan d’aide d’urgence de 55 mil­lions d’euros en faveur des hôpi­taux, de la recherche, des popu­la­tions fra­giles et des jeunes de milieux défa­vo­ri­sés par­tout dans le monde, avec un accent mis sur des pays par­ti­cu­liè­re­ment tou­chés où le groupe est for­te­ment implan­té (France, Ita­lie, Bel­gique, Pologne, Royaume-Uni, Espagne, Por­tu­gal) mais aus­si dans le reste de l’Europe, en Amé­rique du Nord et du Sud, en Asie, en Afrique.

L’essentiel des leçons de la crise reste bien sûr à tirer. Pour la pre­mière fois depuis long­temps, les femmes et les hommes affrontent une épreuve com­mune de part et d’autre de la pla­nète. À l’heure de relan­cer l’économie, il ne s’agit en aucun cas de dif­fé­rer les pro­jets des­ti­nés à la rendre plus contri­bu­tive au bien com­mun, mais au contraire de les accé­lé­rer. La trans­for­ma­tion ne fait que commencer.

Poster un commentaire