Georg Friedrich Haendel : Jules César

Georg Friedrich Haendel : Jules César

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°756 Juin 2020
Par Marc DARMON (83)

Fes­ti­val de Glyn­de­bourne, Sarah Connol­ly, Ange­li­ka Kirch­sh­la­ger, Danielle de Niese 
mise en scène David McVi­car, Dir. William Christie

2 DVD ou Blu-ray Opus Arte

Georg Friedrich Haendel : Jules CésarLes opé­ras de Haen­del sont trop peu connus, mais ils sont sou­vent mer­veilleux. Saxon ayant appris le chant en Ita­lie, Haen­del ins­tal­lé en Angle­terre s’est obs­ti­né pen­dant qua­rante ans à com­po­ser pour les Anglais de la musique ita­lienne. C’est ce qui fait que ses opé­ras, fai­sant suc­cé­der airs et ensembles brillants et des mor­ceaux très émou­vants, sont aus­si attrayants et acces­sibles. Lorsque la pro­duc­tion asso­cie chan­teurs de pre­mier plan et mise en scène inven­tive et res­pec­tueuse, le spec­tacle est mémo­rable. C’était le cas des pro­duc­tions d’Alci­na pré­sen­tées ici en avril 2018, et c’est aus­si le cas de ce for­mi­dable Jules César.

Com­men­çons par par­ler de la mise en scène. Sir David McVi­car est un magi­cien de l’opéra, ses mises en scène chaque fois dif­fé­rentes mais tou­jours per­ti­nentes, belles et pre­nantes, font tou­jours mer­veille au Royaume-Uni. Nous voyons enfin son tra­vail en France en 2020, au Théâtre des Champs-Ély­sées (Rober­to Deve­reux de Doni­zet­ti, ini­tia­le­ment pro­gram­mé en mars) et à l’Opéra Bas­tille (Adrienne Lecou­vreur de Cilea, ini­tia­le­ment pré­vue en mai, dans une mise en scène de 2010). 

Sou­ve­nons-nous aus­si com­ment il fai­sait se dérou­ler les Noces de Figa­ro dans un pay­sage de Fra­go­nard (La Jaune et la Rouge de décembre 2008) ou bien la tra­gé­die de Salo­mé dans un palais d’Hérode plus vrai que nature (La Jaune et la Rouge de mai 2009). Ici, pour l’Égypte pto­lé­maïque enva­hie par les Romains, McVi­car nous trans­porte dans les colo­nies bri­tan­niques du XIXe siècle, les Romains étant habillés en Anglais colo­niaux. Les cos­tumes et décors sont beaux et inven­tifs, et rendent le spec­tacle magni­fique à regar­der, constam­ment vivant et donc passionnant.

Mais la pro­duc­tion de Glyn­de­bourne en 2005 est réus­sie car elle est éga­le­ment musi­ca­le­ment sublime. Tout d’abord il s’agit d’un des meilleurs, et des plus connus, opé­ras de Haen­del (1723). Les riva­li­tés entre César et Pom­pée à Rome, entre Cléo­pâtre VII et son frère (et époux !) Pto­lé­mée XIII en Égypte, donnent le pré­texte à un livret dra­ma­tique riche et une musique for­mi­dable. Ses airs et ensembles sont tous dignes d’être des tubes, et d’ailleurs les musi­ciens nous jouent abso­lu­ment toutes les reprises et tous les da capo, ce qui fait un spec­tacle de près de quatre heures de magni­fique musique. Les trois chan­teuses prin­ci­pales réunies ce soir-là forment une dis­tri­bu­tion ver­ti­gi­neuse. La grande Sarah Connol­ly (la Didon de notre rubrique de mai 2012) campe un César majes­tueux, noble, fort et tor­tu­ré. Ange­li­ka Kirch­schla­ger est émou­vante dans le rôle du fils de Pom­pée qu’il (elle) doit venger.

Mais c’est l’Australienne Danielle de Niese qui crève l’écran et dont on se sou­vien­dra long­temps. Celle que le New York Times a qua­li­fiée de opera’s coolest sopra­no inter­prète un rôle de Cléo­pâtre ren­du impres­sion­nant par le fait que la plu­part de ses airs sont cho­ré­gra­phiés. Dan­sant et chan­tant, Cléo­pâtre change de tenue (toutes plus élé­gantes les unes que les autres) et de per­ruque constam­ment. Sa voix, son jeu de scène, son éner­gie font de l’incarnation qu’elle offre à Cléo­pâtre une réus­site comme on en voit rare­ment. Citons notam­ment un Pian­ge­ro à faire pleu­rer une sta­tue et un Da Tem­peste à réveiller les morts. Et le duo final avec le César de Connol­ly, le clou du spec­tacle, est évi­dem­ment magnifique.

La direc­tion de William Chris­tie est inven­tive, vive et colo­rée, tout en sachant être lyrique et émou­vante, et son orchestre est magni­fi­que­ment enregistré. 

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