Guerre économique

Les sombres dessous de la guerre économique

Dossier : La guerre économiqueMagazine N°755 Mai 2020
Par Michel BERRY (63)

Cela fait 50 ans que Ber­nard Esam­bert a pro­po­sé le concept de guerre éco­no­mique pour carac­té­ri­ser les rap­ports en train de s’établir entre les entre­prises et les pays. Face à l’ogre amé­ri­cain, à la puis­sance de ses entre­prises, il fal­lait s’organiser pour se défendre, mieux encore se mettre dans une pos­ture de conquête.
Nos cham­pions natio­naux se sont ain­si lan­cés dans la conquête du monde et nombre d’entre eux y ont réus­si. Les X étaient sou­vent, en quelque sorte, des offi­ciers de la guerre éco­no­mique. Les moyens mis en relief étaient l’innovation, les acqui­si­tions, l’art de la stra­té­gie et du mana­ge­ment. Ces méthodes étaient abon­dam­ment ensei­gnées, et aus­si van­tées par les médias. Cette geste magni­fiée fai­sait les héros de la guerre éco­no­mique : grands patrons, mana­gers per­for­mants, ingé­nieurs créa­tifs, com­mer­ciaux cou­rant le monde, res­pon­sables de fabri­ca­tion sachant mener les troupes.
Mais der­rière ces mou­ve­ments visibles s’est déve­lop­pée une forme de guerre plus sour­noise, dan­ge­reuse même – on peut pas­ser par la case pri­son sans s’y attendre. L’espionnage et la désta­bi­li­sa­tion font certes par­tie depuis tou­jours de l’arsenal de la guerre éco­no­mique, mais les outils d’aujourd’hui per­mettent de lui don­ner une ampleur nou­velle. On peut uti­li­ser avec « les amis de tou­jours » des moyens d’information et de cap­ta­tion des don­nées qui n’ont guère à envier à ceux dont la série Le Bureau des légendes donne une idée pour le ren­sei­gne­ment mili­taire ou politique.
La guerre des don­nées bat donc son plein, avec un avan­tage consi­dé­rable aux Amé­ri­cains, et aux Chi­nois, qui ont beau­coup plus de moyens et moins de scru­pules que les Euro­péens. L’extraterritorialité du droit amé­ri­cain donne à ce pays de redou­tables moyens de pres­sion. Quand, par exemple, une grande entre­prise euro­péenne est vue comme une belle cible, on « découvre » qu’un de ses membres avait été mêlé, de près ou de loin à une vieille affaire, et il est incar­cé­ré un jour où il met pied sur le ter­ri­toire amé­ri­cain pour ser­vir d’otage dans une négo­cia­tion qui le dépasse.
L’Europe sem­blait désar­mée, ou du moins mal pré­pa­rée, mais elle com­mence à réagir. Il est une source de fai­blesse qu’il convient de vite cor­ri­ger : la naï­ve­té, l’ignorance des moyens employés. Ce dos­sier ne pré­tend pas faire le tour de tous les aspects de cette drôle de guerre, mais en mon­trer des émer­gences, à la lumière de témoi­gnages de vic­times et d’experts du sujet.
Une per­sonne aver­tie en vaut deux, c’est cet esprit qui a ani­mé La Jaune et la Rouge en pré­pa­rant ce dossier.

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