Antenne 5G

L’optimisation énergétique de la 5G

Dossier : Numérique et environnementMagazine N°754 Avril 2020
Par Francis CHARPENTIER (75)
Par Merouane DEBBAH

On assiste aujourd’hui au lan­ce­ment de la 5G, dont l’exploitation est pla­ni­fiée jusqu’en 2040. Le cahier des charges de la 5G, défi­ni en 2012, est triple, avec une nor­ma­li­sa­tion et un déploie­ment éta­lé en trois phases successives.

Quelles sont les trois phases de normalisation et de déploiement de la 5G ? 

La phase 1 porte sur l’exigence de débit : aug­men­ter le débit maxi­mal par antenne du réseau (base sta­tion, ou BS) à 10 G/s. Appli­ca­tions typiques : écrans 8K, jeux en ligne, réa­li­té aug­men­tée et réa­li­té vir­tuelle. Pour l’utili­sateur cela donne en moyenne un débit de 100 Mb/s, soit un ordre de gran­deur au-des­sus de la 4G. La nor­ma­li­sa­tion est ache­vée. Les déploie­ments d’antenne ont com­men­cé dans le monde en s’appuyant sur le cœur de réseau 4G. Les smart­phones 5G sont dis­po­nibles. Mais pas encore de déploie­ment des nou­veaux cœurs de réseau 5G, pour des rai­sons économiques.

La phase 2 porte sur l’exigence de latence : garan­tir une latence de 1 ms. En com­pa­rai­son, la latence moyenne de la 4G est de 40 ms, mais elle n’est pas garan­tie. Appli­ca­tions typiques : voi­ture auto­nome, smart city, télé­mé­de­cine, tra­ding haute fré­quence. Cela néces­site de réar­chi­tec­tu­rer le réseau en amé­na­geant des data­cen­ters assez près des sta­tions de base (edge com­pu­ting). Avec la trans­mis­sion par fibre optique, le rayon admis­sible est de 150 km autour des BS. La pos­si­bi­li­té de déport dans un rayon de 150 km per­met la sca­la­bi­li­té du sys­tème (la « sca­la­bi­li­té » est la capa­ci­té d’un dis­po­si­tif infor­ma­tique à s’adapter à la crois­sance de la demande). La nor­ma­li­sa­tion sera ache­vée cou­rant 2020. 

La phase 3 porte sur l’exigence de connec­ti­vi­té : offrir une connec­ti­vi­té mas­sive d’un mil­lion d’objets connec­tés par kilo­mètre car­ré. Les connec­tions M2M (machine to machine) vers les objets connec­tés mobiles, qui seront néces­saires pour les véhi­cules auto­nomes, ne peuvent pas être assu­rées par les tech­no­lo­gies 2G, ni par les tech­no­lo­gies bas débit et basse consom­ma­tion LoRa et Sig­fox. La nor­ma­li­sa­tion sera ache­vée fin 2020.


REPÈRES

Le cahier des charges de la 2G, lan­cée en 1990, était la voix en mobi­li­té. Celui de la 3G, lan­cée en 2000, était la visio­pho­nie, mais la 3G a éga­le­ment per­mis de démar­rer l’Internet mobile. Celui de la 4G, lan­cée en 2010, avait pour but de four­nir de l’Internet mobile, dans toute sa dimen­sion. Aujourd’hui, un cer­tain nombre de réseaux 2G ont été arrê­tés, mais il reste encore des réseaux 2G actifs, dix ans après leur fin théorique.
On com­mence en revanche à obser­ver les pre­miers arrêts de réseaux 3G. 


Quelles sont les caractéristiques techniques de la 5G qui impactent sa consommation énergétique ? 

Tout en conser­vant les tech­niques de mul­ti­plexage en fré­quences (OFDM) et de codage en phase / ampli­tude (constel­la­tions QAM), la tech­no­lo­gie phare de la 5G NR (NR pour New Radio) se dis­tingue de la tech­no­lo­gie LTE Advan­ced de la 4G et elle néces­site des pro­ces­seurs dédiés 5G. Il faut noter que les télé­phones contiennent donc aujourd’hui quatre types de pro­ces­seurs en rai­son de la coexis­tence des quatre géné­ra­tions de la 2G à la 5G. La tech­no­lo­gie 5G NR intro­duit des « codes polaires » qui per­mettent de cor­ri­ger les erreurs de trans­mis­sion sur des paquets d’erreurs courts. Mais l’évolution tech­nique la plus gour­mande en éner­gie tient aux antennes com­por­tant un grand nombre de « sous-antennes » (mas­sive MIMO, mul­tiple input mul­tiple out­put). Pour les sta­tions de base (BS), il y a 128 antennes phy­siques, 256 antennes vir­tuelles si l’on exploite les deux pola­ri­sa­tions des ondes élec­tro­ma­gné­tiques. En com­pa­rai­son, la 4G n’utilisait que 2 sous-antennes. Cha­cune de ces sous-antennes pos­sède son che­min indé­pen­dant de trans­mis­sion, sa couche phy­sique (QAM, OFDM et codes polaires). On mul­ti­plie ain­si le débit théo­ri­que­ment par 256. Comme les sous-antennes sont espa­cées pour évi­ter les inter­fé­rences, on monte en fré­quence pour conser­ver une dimen­sion d’équipement rai­son­nable. Deux bandes sont allouées : 3,4−3,8 GHz et la bande mil­li­mé­trique en 28–32 GHz, net­te­ment plus haute en rai­son de la raré­fac­tion du spectre dis­po­nible. Le trai­te­ment numé­rique du signal radio (pour le rame­ner en bande de base), d’autant plus consom­ma­teur que la fré­quence por­teuse est éle­vée, est effec­tué pour chaque sous-antenne.

D’un autre côté la por­tée est d’autant plus faible que cette fré­quence est éle­vée. Pour la bande 3,4−3,8 GHz on est dans le même domaine de fré­quences que pour le wifi (2,4 ou 5 GHz) dont on connaît la por­tée réduite. La solu­tion pour aug­men­ter la por­tée, c’est le beam for­ming, for­ma­tion d’un fais­ceau direc­tif, en com­bi­nant la récep­tion des plu­sieurs sous-antennes. C’est éga­le­ment très consom­ma­teur en puis­sance de cal­cul. Cela fonc­tionne très bien en visi­bi­li­té directe, notam­ment en envi­ron­ne­ment rural déga­gé d’obstacles. C’est plus déli­cat en envi­ron­ne­ment urbain, avec les mul­tiples réflexions des ondes sur les obs­tacles. Ain­si la por­tée réduite en absence de visi­bi­li­té directe néces­site de den­si­fier le réseau par rap­port à la 4G. On est en moyenne 2 à 3 fois plus dense que la 4G, mais cette den­si­fi­ca­tion n’est pas uni­forme sur le ter­ri­toire. En zone rurale, nul besoin de den­si­fier. En zone urbaine il faut den­si­fier. Cette den­si­fi­ca­tion est obli­ga­toire en rai­son des bandes de fré­quences allouées, à cause de l’occupation du spectre. On pour­rait recou­rir au refar­ming, c’est-à-dire réal­louer le spectre 2G pour le 5G. Mais les réseaux 2G sont encore actifs, parce qu’ils apportent encore du reve­nu via le roa­ming. Sur près de 100 mil­lions de tou­ristes en France chaque année, beau­coup viennent avec des ter­mi­naux 2G.

“On peut réduire encore de 50 %
la consommation des téléphones portables.”

Quel est le bilan énergétique de toutes ces évolutions techniques ? 

La consom­ma­tion éner­gé­tique abso­lue des réseaux 5G tels que pré­vus par la norme est en nomi­nal supé­rieure à celle des réseaux 4G. En moyenne 3 fois plus consom­ma­trice que la 4G, elle est jusqu’à 3,5 fois plus consom­ma­trice à charge maxi­male, avec un plan­cher incom­pres­sible de 2,6 fois la 4G en l’absence de tra­fic. D’un autre côté, l’efficacité éner­gé­tique rame­née au débit moyen est bien meilleure que pour la 4G, puisqu’on mul­ti­plie le débit moyen par uti­li­sa­teur par 10 pour une consom­ma­tion éner­gé­tique triple. Hua­wei et l’ensemble des construc­teurs tra­vaillent sur des méthodes pour éco­no­mi­ser l’énergie et réduire le coût opé­ra­tion­nel de l’opérateur. L’approche est de pas­ser en mode veille un cer­tain nombre de sta­tions de base la nuit quand le tra­fic est faible. Ces opti­mi­sa­tions ne sont pas nor­ma­li­sées, sauf pour la signa­li­sa­tion afin d’activer / désac­ti­ver le mode veille. Pour iden­ti­fier les sta­tions que l’on peut mettre en veille, on recourt à des approches d’intelligence arti­fi­cielle (IA), notam­ment pour modé­li­ser un réseau hété­ro­gène com­por­tant des équi­pe­ments de dif­fé­rents constructeurs.

Quelle est la vision de Huawei pour contenir la hausse des émissions carbone ?

En 2010, Hua­wei fai­sait déjà par­tie de l’initiative Green Touch, qui visait à divi­ser la consom­ma­tion éner­gé­tique par un fac­teur 1 000. Mais l’objectif était trop ambi­tieux ! Pour Hua­wei, la maî­trise de la consom­ma­tion éner­gé­tique des équi­pe­ments en phase d’utilisation est un enjeu parce que c’est un enjeu éco­no­mique pour nos clients. On tra­vaille sur les tech­no­lo­gies de bat­te­ries après le lithium. On tra­vaille sur l’énergie solaire. On opti­mise la consom­ma­tion des équi­pe­ments de réseau et des ter­mi­naux. Pour les télé­phones por­tables, on peut réduire encore la consom­ma­tion de 50 %. On tra­vaille d’ailleurs sur l’IA dans le télé­phone. Nous sommes par exemple lea­der des cir­cuits spé­cia­li­sés pour l’on-device AI, qui vient en com­plé­ment de l’IA dans les centres de don­nées (cloud AI et edge AI). On uti­lise des réseaux de neu­rones binaires, qui consomment beau­coup moins.


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