Jacques Morin

Jacques Morin (47), promoteur du Management des Ressources Technologiques

Dossier : TrajectoiresMagazine N°753 Mars 2020Par Richard SEURAT

Récem­ment décé­dé, Jacques Morin, ingé­nieur du Génie mari­time, diplô­mé de Supaé­ro et du MIT, aura mar­qué son siècle par son intel­li­gence, certes, mais sur­tout par sa capa­ci­té d’imagination et de pro­jec­tion dans l’avenir qu’il a démon­trée tout au long de sa vie.

À sa sor­tie de l’X, il choi­sit le Génie mari­time. Il entre ensuite à la DCAN, à Tou­lon et à Oran, puis rejoint la DTI en tant qu’ingénieur en chef de 2e classe.

Pre­mier virage pro­fes­sion­nel, il rejoint en 1962 le groupe Pechi­ney pour y pour­suivre une car­rière indus­trielle. Il com­mence comme direc­teur chez Cege­dur, apprend le métier dans les usines du groupe, puis en 1968 rejoint le siège comme direc­teur des affaires sociales, poste qu’il occu­pe­ra pen­dant une dizaine d’années. Ensuite, reve­nant à ses pre­mières amours, il crée le poste de direc­teur du mar­ke­ting et de la tech­no­lo­gie, rôle pré­mo­ni­toire qui va l’amener natu­rel­le­ment à se pas­sion­ner pour l’innovation.

En 1983, âgé de 57 ans, là où tout un cha­cun son­ge­rait à orga­ni­ser une retraite bien méri­tée, sa curio­si­té natu­relle, son esprit de syn­thèse, sa volon­té d’être utile et de rele­ver de nou­veaux défis le poussent vers le conseil en management.

De l’industrie au conseil

Sa ren­contre avec Sil­vère Seu­rat (37), fon­da­teur du cabi­net de conseil Euré­quip, sera le déclic de son second virage profes­sionnel. Au terme d’une année sab­ba­tique dans ce cabi­net, il publie l’ouvrage de réfé­rence qui va mar­quer des géné­ra­tions de mana­gers et d’étudiants : L’excellence tech­no­lo­gique en 1985 aux édi­tions Picollec.

Consta­tant que la tech­no­lo­gie est une res­source rare et chère qu’il convient de gérer au même titre que l’on gère les res­sources finan­cières ou les res­sources humaines, il pro­pose un modèle pra­tique de ges­tion de ces res­sources arti­cu­lé autour de six fonc­tions clés qui englobent les stra­té­gies, les orga­ni­sa­tions et autres pro­ces­sus, voire les valeurs fon­da­men­tales de l’entreprise et de ses diri­geants : le Mana­ge­ment des res­sources tech­no­lo­giques (MRT) voit le jour.

S’ensuivent un bon nombre de mis­sions de conseil auprès de grandes entre­prises, mais ce pro­phète du MRT veut en faire pro­fi­ter les PME-PMI ; il s’allie alors à l’Anvar pour pro­po­ser des diag­nos­tics les aidant à pro­gres­ser sur la voie de l’innovation.

En 1988, il publie Le mana­ge­ment des res­sources tech­no­lo­giques (Édi­tions d’Organisation) écrit avec Richard Seu­rat avec qui il crée le cabi­net de conseil Euros­tart qui sera ensuite acquis par Cap Gemi­ni et fusion­né au sein de Gemi­ni Consulting.

Transmettre et former

Cet insa­tiable huma­niste ne se contente pas de pro­mul­guer la bonne parole dans l’entreprise et entend la dif­fu­ser dans les meilleures écoles de mana­ge­ment et d’ingénieurs. Il crée alors la chaire de MRT à l’ESC de Mar­seille ain­si que des ensei­gne­ments à Cen­trale Paris, au Col­lège des ingé­nieurs et de manière virale dans bon nombre d’écoles qui ont aujourd’hui inté­gré des for­ma­tions dans ce domaine.

Au contact de la réa­li­té, le MRT prend de l’épaisseur et de la pro­fon­deur, Jacques publie alors un livre de syn­thèse qu’il inti­tule : Des tech­no­lo­gies, des mar­chés et des hommes, paru en 1991 aux édi­tions d’Organisation. Entre-temps il publie de nom­breux articles sur ses thèmes de pré­di­lec­tion dans la revue Har­vard l’Expansion, La Recherche et autres revues de management.

L’âge venant, il prend de plus en plus de recul mais reste connec­té pen­dant la révo­lu­tion digi­tale ; il s’intéresse de près au futur de l’Europe tech­no­lo­gique, bifurque natu­rel­le­ment vers l’environnement et l’impérative néces­si­té de déve­lop­per des tech­no­lo­gies propres pour pré­ser­ver notre planète.

Mana­ger, pen­seur, intel­lec­tuel, écri­vain, phi­lo­sophe, huma­niste, mari affec­tueux, père et grand-père atten­tif et aimant, véri­table pro­phète du MRT, connu et recon­nu par nombre de dis­ciples dont je fais par­tie… c’est tout cela à la fois Jacques Morin.


A lire : Intel­li­gence et socié­té, vers une socio-éco­no­mie de l’intelligence, article de Jacques Morin dans La Jaune et la Rouge n°536, Juin/Juillet 1998

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