Le polytechnicien François Haxo

Le polytechnicien François Haxo, « Vauban » de son temps

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°752 Février 2020
Par Jacques-André LESNARD

Fran­çois Haxo (1774−1838) est consi­dé­ré comme le Vau­ban de la pre­mière par­tie du XIXe siècle. Il a fait récem­ment l’objet d’une bio­gra­phie com­plète par Yan­nick Guillou (2016, 475 pages denses com­por­tant… 1 055 notes de bas de page).

Le patro­nyme Haxo appa­raît dans l’histoire mili­taire fran­çaise avec son oncle Nico­las Haxo. Ins­tal­lé à Saint-Dié-des-Vosges, ce der­nier s’engage à 20 ans en 1769 et sert neuf ans, ter­mi­nant ser­gent four­rier. Volon­taire à nou­veau en 1791, il est élu rapi­de­ment lieu­te­nant-colo­nel du 3e bataillon des Vosges. Encer­clé à Mayence sous les ordres de Klé­ber, et mal­gré la capi­tu­la­tion du 23 juillet 1793 avec les « hon­neurs de la guerre », il obtient en août ses étoiles de bri­ga­dier, avant de gagner la Ven­dée avec les « Mayen­çais », sous l’impulsion de Lazare Car­not, car ceux-ci s’étaient enga­gés à ne pas com­battre la coa­li­tion… pen­dant une année. Char­gé de tra­quer Cha­rette, Haxo s’empare de Noir­mou­tier le 3 jan­vier 1794 mais le chef ven­déen s’était entre-temps enfui de l’île.

Un oncle magnanime

Les repré­sen­tants du Comi­té de salut public désa­vouent la pro­messe de vie sauve faite par Haxo en fai­sant mas­sa­crer la gar­ni­son qui s’était ren­due. Haxo n’applique pas la poli­tique de ter­reur des « colonnes infer­nales » de Tur­reau, son chef, s’exclamant : « On est des sol­dats, pas des bour­reaux. » Le 20 mars sui­vant aux Clou­zeaux, au sud de La Roche-sur-Yon, il est bles­sé par rico­chet en obser­vant la situa­tion depuis un clo­cher, puis perd son che­val ; les blancs sont bien plus nom­breux ; il est enfin mor­tel­le­ment atteint. Il n’y a pas de cer­ti­tude sur cet affron­te­ment, d’autant que Tur­reau fera cou­rir le bruit qu’Haxo s’était sui­ci­dé. La Conven­tion ins­cri­ra le nom d’Haxo sur une des colonnes du Pan­théon et Cha­rette, dit-on, se serait excla­mé à son pro­pos : « Quel dom­mage d’avoir tué un si brave homme. » Bref, le seul géné­ral bleu res­pec­té par les blancs, ce qui explique que les Ven­déens aient vou­lu l’honorer par une rue à son nom… en plein centre du chef-lieu.


Repères

L’Association (loi de 1901) Vau­ban se concentre sur le patri­moine for­ti­fié « moderne », du XVIe siècle à nos jours. Elle cherche à déve­lop­per la mémoire et la connais­sance des écrits de Vau­ban, et de ses pré­dé­ces­seurs et suc­ces­seurs, et à favo­ri­ser réflexions scien­ti­fiques comme encou­ra­ge­ments, sur les traces de leurs œuvres sur le ter­rain, leur conser­va­tion et res­tau­ra­tion. Elle a por­té le pro­jet de clas­se­ment en 2008 de douze cita­delles de Vau­ban au Patri­moine de l’humanité Unes­co, avec un pro­ces­sus d’extension en cours (Lille, Le Ques­noy…) du réseau des sites majeurs Vau­ban (RSMV) dont elle est la seule asso­cia­tion membre de son conseil d’administration. Elle sert aus­si d’association sup­port du Musée des plans-reliefs, sis aux Inva­lides, où se trouve ain­si son siège.


Un neveu qui fait honneur à la famille

Son neveu, notre Haxo, Fran­çois Nico­las Benoît, né à Luné­ville en 1774, sort en 1793 de l’école d’artillerie/génie de Châ­lons-sur-Marne. Il suit en 1796 pen­dant un an les cours de Poly­tech­nique comme école d’application… en récom­pense de ses mérites et pour se per­fec­tion­ner en mathé­ma­tiques : il est bien poly­tech­ni­cien… au moins de la main gauche ! Sa conduite pour la prise du fort de Bard, clef du Val‑d’Aoste, en 1800 avant Maren­go lui vaut de pas­ser chef de bataillon et de pour­suivre sa car­rière en Ita­lie du Nord avec Chas­se­loup-Lau­bat. Il y met au point et per­fec­tionne un sys­tème pour figu­rer sur les cartes les déni­ve­lés par des traits per­pen­di­cu­laires, ce qui amé­liore gran­de­ment la lisi­bi­li­té du relief dans les cartes d’état-major, méthode vite géné­ra­li­sée dans l’armée fran­çaise. Après une mis­sion à Constan­ti­nople en 1807, il se dis­tingue lors de la prise de Sara­gosse en 1808 et passe colo­nel. Sa conduite à Wagram lui donne la rosette de la Légion d’honneur, avant qu’il regagne l’Espagne où ses méthodes lors du siège de Léri­da lui font attri­buer enfin les étoiles de bri­ga­dier en juin 1810.

Plan-relief de Gre­noble avec les for­ti­fi­ca­tions réa­li­sées par Haxo.

Après qu’Haxo, gou­ver­neur de Mag­de­bourg un temps, a ins­pec­té les places fortes d’Allemagne et de Pologne en 1811, Napo­léon le choi­sit comme son aide de camp pour la cam­pagne de Rus­sie où il diri­ge­ra ensuite le génie de la Garde impé­riale, étant nom­mé divi­sion­naire le 5 décembre 1812. Il est bles­sé et cap­tu­ré dès la fin août 1813 (avant Leip­zig). Il reprend du ser­vice pour les Cent-Jours et par­ti­cipe à Water­loo. Son ral­lie­ment aux Bour­bons sera déli­cat : il lui sera notam­ment repro­ché d’avoir condam­né par contu­mace, comme juré, le géné­ral Lefebvre-Desnouettes.

Rupture avec la tactique Vauban

En 1819, il devient ins­pec­teur des for­ti­fi­ca­tions des fron­tières de l’Est, lance l’idée de for­ti­fier Lyon après s’être inté­res­sé à Gre­noble, mais pré­fère fina­le­ment une défense conti­nue à une cein­ture d’ouvrages dis­tincts s’épaulant, ce qui sera adop­tée tant pour Lyon que pour Paris : n’oublions pas qu’au congrès de Vienne la France s’était enga­gée à ne pas for­ti­fier ses fron­tières. Il reçoit l’ordre de Saint-Louis en 1828 et, dès l’avènement de Louis-Phi­lippe, il est nom­mé ins­pec­teur géné­ral de son arme, pair de France, et reçoit tous les hon­neurs car en 1832 il réus­sit à prendre Anvers en cinq semaines en… rom­pant avec la tac­tique Vau­ban et en satu­rant par des tirs para­bo­liques de mor­tiers (64 000 obus et bou­lets !) la redou­table forteresse.

“La fortification n’est pas
une science mais un art.”

Un digne successeur de Vauban

Tra­vaillant avec méthode et opi­niâ­tre­té, il amé­lio­re­ra les défenses d’une soixan­taine de sites en Europe, après avoir par­ti­ci­pé à quatre-vingt-dix-neuf com­bats : cette double carac­té­ris­tique tant de pre­neurs de places que d’habile « for­ti­fieur » explique qu’on le consi­dère comme le Vau­ban du pre­mier tiers du XIXe siècle. Son apport pure­ment tech­nique en for­ti­fi­ca­tion se limite aux case­mates « Haxo », inven­tées par lui à Dant­zig en 1811 : bien ven­ti­lées par l’arrière, bien pro­té­gées en sur­plomb par un grand apport de terre entou­rant la maçon­ne­rie, elles consti­tuent ain­si une défense effi­cace de der­nier rang. Il était prag­ma­tique comme Vau­ban. On lui doit cet adage : « La for­ti­fi­ca­tion n’est pas une science, mais un art. »

Sur le plan du carac­tère, un paral­lèle à la Plu­tarque avec son illustre pré­dé­ces­seur s’impose aus­si car Haxo ne sera jamais com­pro­mis dans des intrigues ou des cote­ries. Il avait un carac­tère suf­fi­sam­ment bien trem­pé pour s’opposer, argu­ments à l’appui, à Napo­léon, notam­ment lorsque l’Empereur pre­nant de l’âge sup­por­tait mal qu’on lui résiste… et même au jeu d’échecs, grand passe-temps du géné­ral Haxo qui l’opposa plus d’une fois à l’Empereur.


L’Association Vau­ban a pour adresse : aux soins du Musée des plans-reliefs, 129, rue de gre­nelle, 75007 Paris. Son site est : association-vauban.org et contact@association-vauban.org. L’adhésion par année civile est de 45 € dont 5 pour une revue interne Oisi­ve­tés semes­trielle d’une soixan­taine de pages et une news­let­ter élec­tro­nique de paru­tion variable mais qua­si men­suelle, la par­ti­ci­pa­tion facul­ta­tive à un congrès de quatre jours au prin­temps sur un site Vau­ban en France et un voyage d’études à l’étranger de même durée en sep­tembre… Recon­nue d’intérêt géné­ral par le fisc, la coti­sa­tion béné­fi­cie du régime des dons aux œuvres (66 % sur la base de 40 €).

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