L’égalité des chances de réussite en éducation avec Parcoursup

L’égalité des chances de réussite en éducation avec Parcoursup

Dossier : ExpressionsMagazine N°752 Février 2020
Par Jacques DENANTES (49)

L’inégalité des chances de réus­site en édu­ca­tion est un sujet que nous abor­dons de façon récur­rente parce que nous pen­sons qu’il nous concerne. Nous avons mon­tré com­ment les pro­ces­sus d’orientation et de sélec­tion à l’intérieur du sys­tème édu­ca­tif pou­vaient péna­li­ser les élèves dont les parents n’avaient pas fait d’études supé­rieures. Aujourd’hui nous nous inté­res­sons au dis­po­si­tif Par­cour­sup ins­ti­tué par une loi de mars 2018 pour assu­rer l’orientation et la répar­ti­tion des bache­liers dans les for­ma­tions de l’enseignement supé­rieur. Après avoir pré­sen­té le dis­po­si­tif dans ses grandes lignes, nous exa­mi­ne­rons dans quelle mesure sa mise en œuvre assure l’égalité des chances à tous les lycéens.

Chaque année, il faut orga­ni­ser l’accès et la répar­ti­tion d’environ 700 000 bache­liers dans l’une ou l’autre des 13 000 for­ma­tions de l’enseignement supé­rieur. Cela signi­fie un appa­rie­ment entre deux grands ensembles de don­nées : d’un côté, celles rela­tives aux for­ma­tions de l’enseignement supé­rieur, au nombre de places qu’elles offrent et aux condi­tions à rem­plir pour y être admis ; de l’autre, celles rela­tives aux can­di­dats et à leurs demandes de for­ma­tion dans un éta­blis­se­ment d’enseignement supérieur.

Parcoursup, mode d’emploi

Par­cour­sup est un algo­rithme qui, en exploi­tant ce grand nombre de don­nées, éta­blit une plate-forme d’échanges où se réa­li­se­ra un ajus­te­ment des demandes aux places offertes. Il suc­cède à un autre algo­rithme, APB (Admis­sion Post­Bac), qui a été écar­té car il ter­mi­nait dif­fi­ci­le­ment cet ajus­te­ment, de sorte qu’il fal­lait pro­cé­der à des tirages au sort pour bou­cler les affectations.

Ce que doivent faire les lycéens

Au pre­mier tri­mestre de chaque année sco­laire, les lycéens des classes ter­mi­nales se connectent au site Par­cour­sup où ils trouvent l’ensemble des for­ma­tions de l’enseignement supé­rieur avec leurs pro­grammes, leurs plan­nings, les sta­tis­tiques de réus­site, leurs débou­chés emploi et aus­si les pos­si­bi­li­tés d’aller voir ou d’avoir des contacts. Pour chaque for­ma­tion, le site indique les com­pé­tences et les connais­sances requises pour être admis et les cri­tères d’examen des can­di­da­tures, notam­ment les taux mini­mums de bour­siers et les taux maxi­mums d’admissions en dehors du sec­teur géo­gra­phique. Les lycéens rem­plissent une fiche de dia­logue qui est exa­mi­née par le conseil de classe de décembre et qui sera revue avec les pro­fes­seurs dans le cou­rant de la pro­cé­dure jusqu’au 22 janvier.

À par­tir de la fin jan­vier, les lycéens s’inscrivent sur la plate-forme Par­cour­sup où ils déposent leurs dos­siers de can­di­da­ture, avec leurs cur­ri­cu­lum vitae, leurs notes en ter­mi­nale et les éva­lua­tions du pro­fes­seur prin­ci­pal et du chef d’établissement. Puis, durant le second tri­mestre, ils for­mulent leurs vœux, cha­cun avec une lettre de moti­va­tion. Ils peuvent aller jusqu’à 10 vœux qu’ils pré­sentent sans ordre de préférence.

Réponses des établissements

À la fin du second tri­mestre, les dos­siers des can­di­dats sont trans­mis aux éta­blis­se­ments de for­ma­tion dans cha­cun des­quels une com­mis­sion les étu­die, les classe et, à par­tir du 22 mai, com­mence à don­ner des réponses, soit admis­sion, soit « oui si » c’est-à-dire admis­sion si le can­di­dat accepte de s’inscrire dans une for­ma­tion de remise à niveau pour com­bler ses lacunes, soit ins­crip­tion en liste d’attente, soit refus.
Le lycéen qui a reçu plu­sieurs accep­ta­tions peut soit accep­ter une admis­sion, ce qui annu­le­ra ses autres demandes en libé­rant de la place ; soit vali­der une pro­po­si­tion, mais attendre la réponse à un autre vœu pour lequel il est en attente, attente qui peut se pro­lon­ger jusqu’au 5 sep­tembre. À la fin du mois de juin, des dis­po­si­tifs de rat­tra­page reprennent l’examen des dos­siers des élèves qui n’ont jusque-là reçu que des refus.

Des questions sur l’égalité des chances

La pro­cé­dure Par­cour­sup a été mise en œuvre deux fois, pour les ren­trées 2017 et 2018. On lui a repro­ché de péren­ni­ser l’inégalité des chances en péna­li­sant les can­di­dats déjà péna­li­sés par la fai­blesse du capi­tal cultu­rel de leur milieu fami­lial. En effet, des uni­ver­si­tés ont annon­cé qu’elles ne met­traient pas en œuvre la réponse « oui si » qui leur impo­sait d’organiser des for­ma­tions de remise à niveau pour les can­di­dats ayant des lacunes, parce qu’elles n’en avaient pas les moyens. Or cette réponse avait pour but de faci­li­ter l’accès à l’enseignement supé­rieur des bache­liers de la voie professionnelle.

Pour rédi­ger les cur­ri­cu­lum vitae et les lettres de moti­va­tion, pour savoir mettre en valeur les expé­riences extra­s­co­laires, il faut un accom­pa­gne­ment que beau­coup de can­di­dats ne trouvent pas dans leurs familles.

Les com­mis­sions d’examen des vœux pour chaque for­ma­tion, qui doivent en exa­mi­ner un grand nombre en peu de temps, n’ont pas d’autres infor­ma­tions que les notes de ter­mi­nale et les éva­lua­tions du pro­fes­seur prin­ci­pal et du chef d’établissement. Or on sait que les fils et les filles de parents ins­truits ont plus de chances que les autres d’avoir de bonnes notes et de bonnes évaluations.

Soupçon d’inégalités

Ce der­nier argu­ment a fait l’objet d’une com­mu­ni­ca­tion à un col­loque orga­ni­sé en 2019 par l’université Paris-Sud sur le thème de la sélec­tion dans le monde aca­dé­mique. Un infor­ma­ti­cien belge, Hugues Ber­si­ni, pro­fes­seur à l’université libre de Bruxelles, a sou­te­nu que Par­cour­sup non seule­ment repro­dui­sait les inéga­li­tés, mais qu’il les ampli­fiait. Admet­tant que les com­mis­sions d’examen des vœux clas­saient par ordre de pré­fé­rence les can­di­dats en fonc­tion de l’excellence de leur dos­sier sco­laire, il consta­tait que, du côté des can­di­dats aux classes pré­pa­ra­toires, il exis­tait aus­si un autre ordre de pré­fé­rence, celui du clas­se­ment de ces der­nières en fonc­tion de la renom­mée de leur suc­cès dans les résul­tats d’intégration à l’X.

Ce clas­se­ment offi­cieux, en déter­mi­nant le choix des lycéens, condui­sait l’algorithme à affec­ter les meilleurs can­di­dats dans les classes pré­pas les plus renom­mées, ceux venant en second dans les classes en seconde posi­tion dans l’ordre de pré­fé­rence et ain­si de suite…, d’où un ren­for­ce­ment des inéga­li­tés. Mais cela ne concerne que les classes pré­pa­ra­toires car, pour les uni­ver­si­tés, il n’existe pas un ordre de pré­fé­rence com­mun à tous les can­di­dats. Or les uni­ver­si­tés accueillent beau­coup plus d’étudiants que les classes préparatoires.

Ce qu’en disent des présidents d’université

J’ai recueilli les avis de trois pré­si­dents d’université dont l’un d’eux, en tant que pré­sident de la Confé­rence des pré­si­dents d’université (CPU), s’exprimait devant une com­mis­sion du Sénat. Leurs avis sont plu­tôt favo­rables à la pro­cé­dure car Par­cour­sup per­met d’ajuster de façon équi­table les admis­sions aux places dis­po­nibles, assu­rant ain­si le rem­plis­sage sans trop-plein de toutes les for­ma­tions. De plus, la pro­cé­dure Par­cour­sup pré­voit la pos­si­bi­li­té, pour assu­rer la réus­site des étu­diants qui s’inscrivent sans avoir les bases néces­saires, de subor­don­ner leur admis­sion au sui­vi d’une for­ma­tion de remise à niveau en sou­tien pro­po­sée par l’université. Aucun pré­sident n’a men­tion­né le cas des uni­ver­si­tés qui, à cause du manque de moyens, n’avaient pas mis en œuvre ces formations.

Un dispositif nécessaire et perfectible

Je conclus en citant le pré­sident de l’université de Cer­gy-Pon­toise pour lequel « Par­cour­sup est une plate-forme néces­saire et per­fec­tible ». La CPU a pro­po­sé la mise en place d’un comi­té de sui­vi « qui soit à la fois poli­tique et tech­nique » et dans lequel seraient repré­sen­tés tous les acteurs de la pro­cé­dure, notam­ment les lycéens. Ce comi­té aurait pour fonc­tion d’analyser le fonc­tion­ne­ment, avec ses points faibles et ses points forts, et de faire des pro­po­si­tions notam­ment pour ce qui concerne la fixa­tion, pour chaque for­ma­tion, d’un taux mini­mum de bour­siers et d’un taux maxi­mum d’affectations d’étudiants rési­dant hors secteur. 

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