Laura Chaubard

Laura Chaubard (99) DG de l’établissement public de La Villette

Dossier : TrajectoiresMagazine N°752 Février 2020
Par Laura CHAUBARD (99)
Par Robert RANQUET (72)

Robert Ran­quet (72) est allé ren­con­trer Lau­ra Chau­bard à La Vil­lette, dont elle dirige l’é­ta­blis­se­ment public. Retour sur le par­cours de cette poly­tech­ni­cienne de la pro­mo 99.

J & R : Comment es-tu passée d’un cursus plutôt classique d’ingénieure de l’armement à La Villette ?

Lau­ra Chau­bard : À vrai dire, mon cur­sus comme ingé­nieure de l’armement n’a pas été si clas­sique que ça : après un début de car­rière plu­tôt tech­nique sur des pro­grammes de ren­sei­gne­ment, je me suis vite concen­trée sur les ques­tions d’innovation, de sou­tien aux PME et de trans­for­ma­tion numé­rique, qui étaient à l’époque encore peu explo­rées par les Armées. Jusqu’à mon der­nier poste au cabi­net de la ministre Flo­rence Par­ly dans lequel j’ai notam­ment contri­bué à la créa­tion de l’Agence de l’innovation de défense ain­si que d’un fonds de capi­tal-risque dédié aux PME de défense…

Mon arri­vée à La Vil­lette répon­dait à plu­sieurs envies.

D’abord, j’avais envie d’un poste de direc­tion géné­rale, avec une vraie auto­no­mie et une res­pon­sa­bi­li­té « 360 degrés » ; ensuite, j’éprouvais le besoin d’élargir mon hori­zon, même si mes fonc­tions au cabi­net de Flo­rence Par­ly me don­naient une vue très large sur les ques­tions de défense et le fonc­tion­ne­ment de ce grand minis­tère. Enfin, j’avais une appé­tence per­son­nelle pour le monde de la culture.

Il se trouve que la direc­trice géné­rale pré­cé­dente était une cama­rade de pro­mo, Marie Vil­lette (quel nom pré­des­ti­né !). C’est elle qui m’a encou­ra­gée à can­di­da­ter pour sa suc­ces­sion. Elle m’avait déjà aiguillée quelques mois aupa­ra­vant vers le poste de DG de la Cité des sciences, mais cela n’avait pas mar­ché. Et, quand elle est par­tie comme secré­taire géné­rale du minis­tère de la Culture (encore un beau par­cours ori­gi­nal pour une X !), j’ai reten­té ma chance en fai­sant acte de can­di­da­ture auprès du pré­sident de l’établissement Didier Fusillier et du ministre Franck Ries­ter, et là, ça a mar­ché, et cette fois pour la direc­tion géné­rale de l’ensemble de l’établissement public de La Villette !

J & R : Peux-tu rappeler à nos lecteurs ce qu’est l’Établissement public du Parc et de la Grande Halle de La Villette (EPPGHV) ?

Lau­ra Chau­bard : Un nom et un acro­nyme bien longs ! Au départ, c’est une belle idée, née dans les années 80, de créer LE parc cultu­rel du XXIe siècle, asso­ciant culture, sport et nature. Aujourd’hui, nous sommes trois éta­blis­se­ments publics prin­ci­paux sur le site : la Cité des sciences et de l’industrie, dans les fameux anciens abat­toirs ; la Cité de la musique avec la nou­velle Phil­har­mo­nie ; et l’établissement de La Vil­lette que je dirige, qui est le plus petit par le nombre de per­ma­nents, mais qui embrasse la pro­gram­ma­tion de la Grande Halle et une mul­ti­tude de conces­sions cultu­relles dont le Zénith, le Caba­ret sau­vage, un théâtre, un centre équestre, etc., au total plus de 30 acteurs cultu­rels ou spor­tifs à coordonner…

J & R : Deux mois après ta nomination, un rapport d’étonnement ?

Lau­ra Chau­bard : C’est un endroit for­mi­dable ! Bien sûr, je le connais­sais déjà, pour y être venue régu­liè­re­ment avec mes enfants. Mais j’ai vrai­ment décou­vert une richesse et un foi­son­ne­ment d’activités aux­quels je ne m’attendais pas. Et puis, c’est un milieu pro­fes­sion­nel très dif­fé­rent de celui que j’avais connu jusqu’ici au minis­tère des Armées. On y retrouve des valeurs com­munes, comme l’engagement et la soli­da­ri­té au sein des équipes. Mais j’ai décou­vert par exemple le rôle de l’éducation cultu­relle et artis­tique dans la construc­tion citoyenne, notam­ment au tra­vers de nos acti­vi­tés de proxi­mi­té avec les éta­blis­se­ments sco­laires du 19e arron­dis­se­ment ou des quar­tiers du 93 au-delà du périphérique.

C’est aus­si un mode de fonc­tion­ne­ment très par­ti­cu­lier : ici, il n’y a pas de bar­rière, le parc est entiè­re­ment ouvert, sans clô­ture ni portes d’entrée. Il n’y a pas non plus d’horaires ; c’est un flux conti­nu d’activités cultu­relles ou spor­tives. On sent que l’utopie ori­gi­nelle est tou­jours très pré­gnante dans les équipes. C’est aus­si un milieu très opé­ra­tion­nel : on est dans le monde du spec­tacle, et on a constam­ment à l’esprit qu’il faut assu­rer le concert ou le spec­tacle du soir. Et bien sûr il y a l’attention à por­ter au public : plus de 12 mil­lions de visi­teurs et spec­ta­teurs par an !

En pro­po­sant une pro­gram­ma­tion de très haut niveau et en relan­çant une poli­tique d’investissement sur le parc, le pro­jet de l’établissement, por­té par Didier Fusillier, est de res­ter tout à fait fidèle à l’esprit de l’architecte Ber­nard Tschu­mi qui avait conçu ce parc comme le « parc urbain popu­laire du XXIe siècle » par­se­mé de 26 « folies » rouges.

J & R : Et quels sont maintenant tes projets ?

Lau­ra Chau­bard : J’ai devant moi trois défis impor­tants : avant tout, main­te­nir la pro­gram­ma­tion plu­ri­dis­ci­pli­naire de grande qua­li­té du site et de la Grande Halle. L’année 2019 a été mar­quée par le suc­cès record de l’exposition Tou­tan­kha­mon, mais aus­si par de très beaux spec­tacles de danse, de cirque ou de théâtre, il fau­dra faire aus­si beau en 2020 !

Le deuxième défi sera d’assurer notre rôle de site olym­pique. La Vil­lette est dans le péri­mètre olym­pique, d’abord avec des épreuves spor­tives qui se dérou­le­ront au Zénith, et aus­si parce que le Parc a été choi­si comme un des deux sites de vie olym­pique, avec le Tro­ca­dé­ro. Ce sera un lieu de célé­bra­tion popu­laire autour des Jeux, asso­ciant sport et culture (notre marque de fabrique !). Nous avons d’ores et déjà lan­cé une pro­gram­ma­tion dédiée avec par exemple cette année une créa­tion théâ­trale sur les épreuves olym­piques confiée à Fré­dé­ric Fer­rer ou l’accueil de com­pé­ti­tions natio­nales de danses urbaines.

Le der­nier défi est le déploie­ment du pro­jet « Micro­fo­lies », por­té par le minis­tère de la Culture et pilo­té par La Vil­lette, en par­te­na­riat avec une quin­zaine de grands éta­blis­se­ments cultu­rels : le Louvre, le Grand Palais, etc. Ce pro­jet consiste à déployer un peu par­tout en France, des lieux cultu­rels d’un nou­veau type regrou­pant : un musée numé­rique, qui donne accès aux col­lec­tions des grands musées, à des opé­ras, à des expo­si­tions de la Cité des sciences… ; un « FabLab », avec des ate­liers de créa­tion ; de la média­tion, avec l’accueil de classes sco­laires pour des confé­rences en par­te­na­riat avec les grandes ins­ti­tu­tions ; et une pro­gram­ma­tion de spec­tacles, avec du ciné­ma, du cirque…

La Vil­lette est le coor­don­na­teur de l’ensemble du pro­jet et char­gé de la for­ma­tion des ani­ma­teurs. Nos équipes ont déjà déployé près de 80 Micro­fo­lies en France et à l’étranger et le ministre a annon­cé sa volon­té d’en voir 1 000 ouvrir leurs portes d’ici à 2022. Un sacré challenge !

J & R : Un dernier mot, sur ton parcours en tant que femme dirigeante. C’est un sujet qui préoccupe beaucoup en ce moment !

Lau­ra Chau­bard : À La Vil­lette, j’ai décou­vert un milieu beau­coup plus fémi­ni­sé que celui que j’ai connu aux armées, où je ne comp­tais plus les réunions où j’étais la seule femme, avec la ministre, autour de la table. Ici, les équipes sont glo­ba­le­ment à la pari­té hommes-femmes, et cela donne de fait une culture d’entreprise très dif­fé­rente. Mais je dois dire que je n’ai jamais souf­fert de mon sta­tut de femme au minis­tère des Armées ou à la DGA, où l’ambiance a tou­jours été bienveillante. 

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