L’IA source d’innovations disruptives

Dossier : Supplément Nouvelles technologies & performance des entreprisesMagazine N°751 Janvier 2020
Par Phillipe VINCENT (61)

Vous êtes le Président du Groupe INOVATIC. Pouvez-vous nous dire en quelques mots quelle est sa spécialité, son ADN ?

Le métier d’INOVATIC est l’extraction des don­nées de docu­ments semi-struc­tu­rés pour ali­men­ter en Data des logi­ciels finan­ciers ou comp­tables, ces docu­ments étant lisibles à l’œil mais non direc­te­ment assi­mi­lables par des ordi­na­teurs. Exemple : liasses fis­cales, Comptes de Résul­tats, bul­le­tins de salaires (CIR)… Notre ADN ? Le cha­lenge tech­nique, la satis­fac­tion des clients, le tra­vail d’équipe, l’esprit de conquête. Notre devise ? C’était impos­sible, nous l’avons fait !

Retracez-nous les étapes marquantes de votre parcours professionnel.

Mon par­cours pro­fes­sion­nel a été domi­né par une pas­sion qui s’est pour­sui­vie tout au long des 55 der­nières années ! Une pas­sion et une fas­ci­na­tion : celle de créer des machines dotées de pro­prié­tés nor­ma­le­ment attri­buées au cer­veau, et notam­ment la lec­ture auto­ma­tique, puis la com­pré­hen­sion intel­li­gente des docu­ments les plus divers. Il y a eu un côté Homo Deus dans cette volon­té sacri­lège de se faire l’égal du Créa­teur en dotant des machines de pou­voir com­pa­rables à ceux de l’esprit humain. Tout a com­men­cé dans une église, rue de la chaise à Paris (7e). En 1963, après mes deux années à Poly­tech­nique, j’avais été affec­té pour mon ser­vice mili­taire à la Direc­tion des Recherches et Moyens d’Essais (DRME), orga­nisme récem­ment créé pour une col­la­bo­ra­tion Défense-Recherche uni­ver­si­taire-Indus­trie, sous l’égide d’Hugues de l’Estoile (X51) et de Pierre Aigrain comme Direc­teur Scientifique.

La DRME avait été pro­vi­soi­re­ment ins­tal­lée dans des locaux pré­fa­bri­qués à l’intérieure d’une église désaf­fec­tée… J’avais rejoint une équipe plu­ri­dis­ci­pli­naire qui, sous la direc­tion de Jean-Louis Nico­las (X55), était char­gée de la veille tech­no­lo­gique concer­nant une nou­velle dis­ci­pline : la Bio­nique.

« Créer des machines dotées de propriétés
normalement attribuées au cerveau. »

L’idée appa­rue outre-Atlan­tique était de s’inspirer des méca­nismes vivants pour créer des machines inté­grant des fonc­tions de haut niveau. La pro­prié­té la plus remar­quable des êtres vivants est leur apti­tude à se situer dans leur envi­ron­ne­ment à tra­vers leurs sens et leur capa­ci­té céré­brale à recon­naître des formes. Avec l’invention de l’écriture, l’homme change d’échelle en se créant un uni­vers de com­mu­ni­ca­tion où son cer­veau doit recon­naître les formes qu’il a lui-même créées : la recon­nais­sance des carac­tères. Avec l’informatisation de nos socié­tés, le besoin d’automatiser cette fonc­tion s’imposait, et de fait, les pre­miers déve­lop­pe­ments de la Bio­nique ont por­té sur la Lec­ture Auto­ma­tique des Docu­ments (LAD). Frank Rosen­blatt, figure tuté­laire de la Bio­nique, inven­ta les réseaux de neu­rones, modèle sup­po­sé simu­ler le fonc­tion­ne­ment du cer­veau, et long­temps pré pour la recon­nais­sance des caractères.

Dès mon pas­sage à la DRME, j’ai émis des réserves concer­nant les tra­vaux de Rosen­blatt, consi­dé­rant que son modèle de réseaux de neu­rones était trop sim­pliste pour expli­quer le fonc­tion­ne­ment du cer­veau. C’était comme de pré­tendre que la connais­sance des tran­sis­tors per­met­tait de com­prendre le fonc­tion­ne­ment d’un logi­ciel ! La struc­ture du cer­veau me sem­blait néces­sai­re­ment plus hié­rar­chi­sée et com­plexe. Par la suite, je n’ai jamais chan­gé d’avis, et me suis rap­pro­ché de l’Ecole « struc­tu­ra­liste » du Pr. Jean-Claude Simon (X44), sui­vant avec assi­dui­té pen­dant les années 70 son sémi­naire de Paris 6.

« La structure du cerveau me semblait nécessairement
plus hiérarchisée et complexe. »

Ma tech­no­lo­gie de recon­nais­sance des carac­tères est res­tée jusqu’à ce jour conforme à cette approche. En paral­lèle, Je tra­vaillais chez Schlum­ber­ger (pétrole) à l’analyse de courbes géo­lo­giques (bre­vets de cor­ré­la­tion fine entre courbes géo­lo­giques… « par recon­nais­sance des formes »). En 1985, je lance sur le mar­ché le pre­mier logi­ciel bureau­tique de lec­ture auto­ma­tique de docu­ments (Read­Star), dans une pre­mière Socié­té INOVATIC. La seule offre concur­rente ne tour­nait que sur gros ordi­na­teurs (pour l’édition de livres en Braille) et son auteur était un cer­tain… Ray Kurz­well, actuel direc­teur des recherches de Google !

De 1994 à ce jour, le Groupe INOVATIC n’a ces­sé de déve­lop­per des pro­duits de lec­ture intel­li­gente de docu­ments, ciblés sur les besoins et oppor­tu­ni­tés du Mar­ché. Ain­si, en 2002, nous lan­çons une acti­vi­té où nous avons impo­sé notre lea­der­ship : la lec­ture auto­ma­tique des liasses fis­cales pour les banques et autres orga­nismes finan­ciers. Les résul­tats de ces lec­tures sont for­ma­tés selon le stan­dard deman­dé par les ser­vices infor­ma­tiques des banques, et ali­mentent auto­ma­ti­que­ment leur ana­lyse de risques. Avec une crois­sance moyenne à deux chiffres depuis 2004, et des béné­fices attei­gnant des niveaux record de 28 % du CA, ce ser­vice bureau bilan nous per­met de sou­te­nir une poli­tique ambi­tieuse de recherche et déve­lop­pe­ment, condui­sant à des sauts tech­no­lo­giques amé­lio­rant nos pres­ta­tions et nos services.

Aujourd’hui, quel rôle peut jouer l’IA dans l’évolution du monde économique et industriel ?

Celui d’un for­mi­dable sti­mu­lant pour boos­ter la pro­duc­ti­vi­té du monde éco­no­mique, indus­triel et admi­nis­tra­tif, quitte à bous­cu­ler quelques véri­tés bien éta­blies et autres pro­cé­dés à revi­si­ter. L’IA est le prin­ci­pal moteur de l’automatisation des tâches répé­ti­tives et pénibles. C’est aus­si la source prin­ci­pale d’Inno­va­tions Dis­rup­tives qui vont cham­bou­ler les orga­ni­sa­tions et pro­cé­dés en place.À un ins­tant de l’évolution des tech­niques, les pro­blèmes posés ont été réso­lus en pre­nant en compte les contraintes et croyances du moment, consi­dé­rées comme véri­tés pre­mières inté­grées sans que nous nous en ren­dions compte dans l’élaboration des solu­tions. Il suf­fit qu’une inno­va­tion vienne contre­dire l’un des termes du rai­son­ne­ment, remet­tant en cause ce que nous pen­sions acquis, pour rendre obso­lète ce qui sem­blait si logique.

Dans votre domaine, avez-vous des exemples à nous donner ?

Dans le cadre du Cré­dit d’Impôt Recherche (CIR/CII), les entre­prises doivent cal­cu­ler les coûts sala­riaux des cher­cheurs en excluant une dizaine de charges patro­nales poten­tiel­le­ment pré­sentes sur les bul­le­tins de salaires, l’administration refu­sant de les prendre en charges car elles sont répu­tées facul­ta­tives. Ces cal­culs doivent être faits par inter­ven­tion manuelle cou­teuse pour les entre­prises et les véri­fi­ca­teurs du fisc, par­tant du prin­cipe qu’il n’est pas pos­sible d’accéder à ces valeurs par lec­ture auto­ma­tique : on sait bien que tout logi­ciel d’OCR contient tou­jours un risque rési­duel d’erreur, non loca­li­sé donc obli­geant à tout véri­fier… Pour dimi­nuer les temps de sai­sie, l’administration a auto­ri­sé les entre­prises à édi­ter des états réca­pi­tu­la­tifs annuels pour chaque cher­cheur, limi­tant les reports manuels à un réca­pi­tu­la­tif par chercheur.

Inno­va­tion Dis­rup­tive : en 2019, nous savons en tout auto­ma­tique lire les Bul­le­tins de salaires, loca­li­ser les charges à exclure en dépit des variantes de ter­mi­no­lo­gie, et créer un fichier Excel réa­li­sant tous les cal­culs et per­met­tant un contrôle visuel. L’argument de temps de cal­cul réduits ne tient pas face à la solu­tion 0 cal­culs manuels. Sans comp­ter que l’Inspecteur du fisc doit faire confiance à l’éditeur du réca­pi­tu­la­tif, alors qu’un bul­le­tin de salaire a une authen­ti­ci­té mieux garantie.

Notre pro­duit Inova­CIR sera dis­po­nible sur notre Por­tail Inova­Clic pour début 2020… Autre exemple dis­rup­tif : l’analyse finan­cière à par­tir des liasses fis­cales. La solu­tion actuelle est de faire sai­sir tous les comptes annuels et les repro­duire dans un fichier infor­ma­tique stan­dard lisible par un ordi­na­teur, par­tant du prin­cipe qu’il n’était pas pos­sible pour un ordi­na­teur de lire direc­te­ment et en temps réel un fichier image de liasse fiscale.

Inno­va­tion Dis­rup­tive : notre tech­no­lo­gie de lec­ture auto­ma­tique a atteint la capa­ci­té de recon­naitre une liasse fis­cale « native » en temps réel (sans inter­ven­tion humaine et garan­tie sans fautes) ! C’était impos­sible, nous l’avons fait ! Le fichier natu­rel d’entrée des don­nées comp­tables dans les logi­ciels d’analyse finan­cière devient ain­si la liasse fis­cale « native ». Toutes les entre­prises l’ont sur leur ordi­na­teur. Cette inno­va­tion sera dis­po­nible sur notre por­tail Inova­Clic pour la fin de l’année, pour réa­li­ser en temps réel des ana­lyses finan­cières ados­sées à un logi­ciel expert par­te­naire ! La liasse fis­cale native devient Le fichier d’échange des don­nées comp­tables entre ordi­na­teurs ! Et en plus, on peut la regar­der à l’écran, sous sa forme fami­lière pour tout financier !

Faut-il avoir peur de l’IA ? Sera-t-elle source de chômages ?

Bonne ques­tion ! Oui, et il faut veiller à contrer les dérives pos­sibles, qui peuvent avoir des consé­quences sociales et socié­tales désas­treuses. En per­met­tant d’automatiser de nom­breuses tâches, l’IA va réduire le nombre d’emplois, mais dans notre monde hyper infor­ma­ti­sé, j’ai obser­vé que l’IA est sou­vent source d’applications abu­sives abou­tis­sant à une déshu­ma­ni­sa­tion de la socié­té. Ain­si, les appli­ca­tions rem­pla­çant les stan­dar­distes par des robots dits intel­li­gents ne font que nous trans­for­mer en client-robot ! (voir enca­dré). Pour évi­ter de telles dérives, je pro­pose l’idée d’un Huma­nisme Digi­tal qui ferait d’une pierre deux coups :

  • recy­cler les forces humaines libé­rées par l’automatisation légi­time des tâches pénibles grâce à l’IA, en les réaf­fec­tant aux postes d’accueil et de contacts avec les clients (avec for­ma­tion à l’appui).

Ain­si, on sup­prime le chô­mage géné­ré par l’IA tout en cor­ri­geant les excès per­vers de l’informatique : L’IA pour réhu­ma­ni­ser l’informatique, évi­ter le Big Bro­ther du tout digi­tal et redon­ner à l’homme la maî­trise de son destin.

Quelles sont vos perspectives pour le groupe INOVATIC dans les Années qui viennent ?

Com­plé­ter la mise en place de l’équipe de Direc­tion des­ti­née à me suc­cé­der en pro­lon­geant l’esprit de mes Recherches et de notre dyna­misme par­ta­gé, pour leur propre épa­nouis­se­ment et celui du Groupe INOVATIC. À court terme, fina­li­ser les pro­duits actuels, amor­cer l’adaptation de nos pro­duits pour les pays voi­sins et pro­po­ser à l’UE un grand pro­jet fédé­ra­teur, mais là c’est top secret…

Et pensez-vous parfois à autre chose que l’IA ?

J‘ai des pas­sions per­son­nelles que je cultive depuis de nom­breuses années :

  • la poé­sie,
  • l’écriture de nou­velles : membre du groupe X‑Mines auteurs, plu­sieurs fois lau­réat de leurs Concours de nouvelles,
  • la phi­lo­so­phie est aus­si ma passion
  • Plus de temps pas­sé avec mon épouse pour les voyages et la culture…


Du mauvais usage de l’IA, dialogue avec un robot :

  • « tapez 1 pour avoir le ser­vice com­mer­cial, 2 pour la main­te­nance…, sinon dites ce que vous voulez » ;
  • « Je veux vous dire mon mécon­ten­te­ment devant la mau­vaise qua­li­té de vos produits » ;
  • « Je n’ai pas com­pris votre ques­tion, mer­ci de la reformuler ».
  • « Vos pro­duits, c’est de la merde *@ grrr » ;
  • « Je n’ai pas com­pris votre question… ».

Par­fait pour écar­ter les cri­tiques qui fâchent !


Site Inter­net d’INOVATIC

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