« À Polytechnique on apprend à apprendre »

Dossier : 225e anniversaire de l'École polytechniqueMagazine N°749 Novembre 2019
Par Joël BARRE (74)

Entre­tien avec Joël Barre (74), Délé­gué Géné­ral pour l’Armement. Il revient pour nous sur ses fonc­tions, sa for­ma­tion à l’École poly­tech­nique et les pers­pec­tives de car­rière que peut offrir le sec­teur de l’armement.

Vous avez réalisé l’intégralité de votre carrière dans le domaine de l’armement et de la défense. Comment avez-vous vu évoluer ce secteur ?

Il y a, d’abord, l’évolution du contexte géos­tra­té­gique. J’ai rejoint la Direc­tion Géné­rale de l’Armement (DGA) en pleine guerre froide. J’ai ensuite connu la chute du mur de Ber­lin et de l’URSS. À ce moment-là, beau­coup ont dit que nous allions enfin tou­cher « les divi­dendes de la paix », alors que pour d’autres, c’était tout sim­ple­ment « la fin de l’histoire » avec la vic­toire du modèle démo­cra­tique à l’Occidental, tel que nous le connais­sons en France.

Aujourd’hui, le contexte est de nou­veau mena­çant avec l’apparition et le déve­lop­pe­ment du ter­ro­risme, le retour aux stra­té­gies de puis­sance dans cer­tains pays, l’émergence de nou­veaux champs de conflic­tua­li­té comme la cyber sécu­ri­té ou encore l’espace, qui fera à l’avenir sans aucun doute l’objet de ten­ta­tives de confrontation.

En paral­lèle, nous avons assis­té à une prise de conscience de la néces­si­té d’avoir une Europe de la défense et une auto­no­mie stra­té­gique. Cette idée pénètre non seule­ment les esprits, mais aus­si les actes de nos par­te­naires euro­péens comme l’illustre la coopé­ra­tion euro­péenne dans le domaine de l’armement, qui s’élargit et se géné­ra­lise notam­ment dans le cadre de la loi sur la pro­gram­ma­tion mili­taire et l’Initiative Euro­péenne d’Intervention ini­tiée en 2017 par le pré­sident de la Répu­blique afin de bâtir une culture stra­té­gique euro­péenne com­mune. L’Europe com­mu­nau­taire a com­men­cé à réflé­chir à la ques­tion et a pro­po­sé un fonds euro­péen de défense dans l’agenda 2021.

Aujourd’hui, les nouvelles technologies comme l’IA ouvrent de nouvelles perspectives. Quel regard portez-vous ce sujet ?

Il est évident que la supé­rio­ri­té tech­no­lo­gique est néces­saire pour avoir une supé­rio­ri­té opé­ra­tion­nelle des armées. Plus que jamais, dans le contexte actuel, il est indis­pen­sable de main­te­nir une supé­rio­ri­té tech­no­lo­gique qui est notam­ment défi­nie dans la loi de pro­gram­ma­tion mili­taire afin de garan­tir la capa­ci­té d’intervention et d’opération des armées. Nous avons assis­té au cours des der­nières années à une accé­lé­ra­tion signi­fi­ca­tive de l’évolution tech­no­lo­gique, per­mise notam­ment par les tech­no­lo­gies civiles dans le domaine du numé­rique, de la robo­tique, de l’intelligence artificielle.

C’est une ten­dance nou­velle que nous ne connais­sions pas. L’intelligence arti­fi­cielle est un excellent exemple. C’est un fac­teur d’augmentation de l’efficacité de nos sys­tèmes d’armes : elle va par exemple faci­li­ter le pilo­tage des avions de com­bat, le dérou­le­ment des manœuvres ter­restres, le trai­te­ment des don­nées issues de nos outils de ren­sei­gne­ments. Nous tra­vaillons sur toutes ces pistes afin de les implé­men­ter dans les sys­tèmes d’armes que nous livrons à nos armées.

Ancien X, que retenez-vous de votre formation à l’École polytechnique ?

La qua­li­té et la richesse de l’enseignement que nous connais­sons à l’école ! Son ensei­gne­ment scien­ti­fique de base apporte à tous les élèves les capa­ci­tés de rigueur, d’analyse, de syn­thèse. Concrè­te­ment, à Poly­tech­nique, on apprend à apprendre. C’est aus­si l’ouverture sur les sciences humaines éco­no­miques. Mais aus­si une expé­rience per­son­nelle humaine enri­chis­sante. Aujourd’hui, en ma qua­li­té de Délé­gué géné­ral pour l’armement, je contri­bue à la tutelle de l’école qui n’a pas ces­sé d’évoluer en termes d’ouverture sur le monde et d’excellence aca­dé­mique avec la récente créa­tion de l’institut poly­tech­nique Paris.

Un mot à nos lecteurs qui envisagent une carrière dans l’armement ?

C’est avant tout une car­rière au ser­vice de l’État, de la France et de sa défense. L’armement, c’est aus­si des pro­jets divers, d’envergure, à haute tech­ni­ci­té dans le domaine mari­time, ter­restre, de l’aviation ou encore du renseignement.

C’est un uni­vers mar­qué par l’ouverture sur le monde : la coopé­ra­tion euro­péenne, les par­te­na­riats inter­na­tio­naux avec nos alliés his­to­riques comme les Etats-Unis ou l’Australie, ain­si qu’avec d’autres grands pays dans le monde tels que le Bré­sil ou l’Inde.

Enfin, avec ses 10 000 per­sonnes, ses 10 centres d’expertise et essais au sein des ter­ri­toires, c’est une plu­ra­li­té d’opportunités pro­fes­sion­nelles avec des pers­pec­tives au sein du minis­tère des armées ou encore dans l’industrie.

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