Des données mieux exploitées, un risque mieux maîtrisé

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°749 Novembre 2019
Par Stéphane RIO (91)

Ren­contre avec Sté­phane Rio (91), CEO de ICA. Il nous en dit plus sur cette start-up qui révo­lu­tionne la maî­trise des risques dans les banques et les ins­ti­tu­tions finan­cières en misant sur une exploi­ta­tion plus fine et per­for­mante des données.

La complexification de l’environnement financier et réglementaire ainsi que l’accélération des transformations technologiques vous impactent au même titre que vos clients. Comment appréhendez-vous cette dimension ?

Ces deux aspects sont en effet stra­té­giques pour le monde ban­caire et plus géné­ra­le­ment, pour les ins­ti­tu­tions finan­cières. Les règle­men­ta­tions ne cessent de se dur­cir et changent dras­ti­que­ment leur environnement.

Récem­ment, par­mi les der­nières règle­men­ta­tions finan­cières déployées, il y a notam­ment les pro­grammes F R T B (Fun­da­men­tal Review of the Tra­ding Book ) et MiFID 2 , qui demandent, en par­ti­cu­lier aux banques, de cal­cu­ler et/ ou de sto­cker beau­coup plus de don­nées. Les banques ne peuvent pas répondre à ces impé­ra­tifs en s’appuyant uni­que­ment sur les tech­no­lo­gies existantes.
Cette situa­tion a pous­sé ces acteurs finan­ciers à sor­tir de leur “zone de confort tech­no­lo­gique” et à consi­dé­rer de nou­velles alternatives.

« Cette situation a poussé ces acteurs financiers
à sortir de leur “zone de confort technologique”
et à considérer de nouvelles alternatives. »

En paral­lèle, on assiste à l’émergence de tech­no­lo­gies inno­vantes qui ont fait leurs preuves dans d’autres sec­teurs d’activités et qui pour­raient appor­ter au sec­teur finan­cier des solu­tions aux enjeux régle­men­taires et légis­la­tifs, ain­si que des pers­pec­tives d’amélioration et d’efficience.

Ces trans­for­ma­tions tech­no­lo­giques issues du monde du digi­tal demandent une réflexion et une approche très dif­fé­rente de ce que les banques et les ins­ti­tu­tions finan­cières ont connu jusque-là. Elles étaient habi­tuées à des chan­ge­ments incré­men­taux et pro­gres­sifs autour de déve­lop­pe­ments internes ou du recours à des pro­gi­ciels qui ten­taient d’évoluer jusqu’à ce qu’il faille pas­ser à la géné­ra­tion sui­vante. Leur défi actuel est de se réin­ven­ter dans un monde où il n’est plus pos­sible de tout faire seul : la dimen­sion col­la­bo­ra­tive devient essen­tielle dans un envi­ron­ne­ment de plus en plus « open source ».

Cela amène ces acteurs finan­ciers à se poser aus­si la ques­tion de savoir ce qui doit être conser­vé en interne et ce qui doit être exter­na­li­sé. Le gagnant de demain sera, en effet, celui qui pour­ra inté­grer et absor­ber la tech­no­lo­gie le plus rapi­de­ment et de la manière la plus effi­ciente possible.
De note côté, ICA se posi­tionne sur cette rup­ture tech­no­lo­gique en offrant une pla­te­forme de big data ana­ly­tique qui répond à ces nou­veaux enjeux et qui peut faci­le­ment s’intégrer au archi­tec­tures des acteurs de la finance.

Expert sur l’analyse des risques dans le domaine des marchés financiers, quels enjeux percevez-vous chez les institutions financières ? Comment les banques et autres institutions financières répondent-elles à ce problème ?

Depuis la crise de 2008 , la majo­ri­té des ins­ti­tu­tions finan­cières sont sou­mises à une impor­tante pres­sion : deve­nir plus ren­tables mal­gré un envi­ron­ne­ment éco­no­mique défa­vo­rable et une régle­men­ta­tion qui amène à enga­ger des coûts supplémentaires.
Nous assis­tons en par­ti­cu­lier au ren­for­ce­ment des équipes « com­pliance », mais aus­si au déve­lop­pe­ment des com­pé­tences infor­ma­tiques pour répondre à ces exi­gences régle­men­taires. Se dégagent de cette situa­tion 4 axes d’amélioration dans les domaines des risques et de la donnée :

  • Pou­voir ana­ly­ser encore plus fine­ment les risques, tout en ayant accès à des his­to­riques plus impor­tants per­met­tant de meilleures ana­lyses et ain­si la mini­mi­sa­tion de poten­tielles pertes ;
  • Être plus effi­cace opé­ra­tion­nel­le­ment en ren­dant les pro­ces­sus plus auto­ma­ti­sés et effi­cients, sans perte de qualité ;
  • Trou­ver des solu­tions tech­niques adap­tées (per­for­mantes, peu coû­teuses, « sca­lables »…) répon­dant aux nou­velles dimen­sions des cal­culs et du sto­ckage de don­nées à effectuer.
  • Enga­ger une réflexion sur la mutua­li­sa­tion des moyens humains et techniques.

Plus particulièrement, quel est le cœur de métier d’ICA ? Quelles sont vos principales solutions ?

Nous avons fait le choix de nous foca­li­ser sur la don­née, et plus par­ti­cu­liè­re­ment sur la don­née numé­rique qui est mani­pu­lée au quo­ti­dien par les ins­ti­tu­tions finan­cières. Ces der­nières stockent, en effet, des tril­lions de don­nées (1012) quo­ti­dien­ne­ment. Des pro­jets de data lakes ont été mis en place pour nor­ma­li­ser, stock er et archi­ver toutes ces don­nées. S’est ensuite posée la ques­tion de la res­ti­tu­tion et de l’exploitation de ces don­nées, puis de la capa­ci­té à faci­le­ment y « bran­cher » des ana­ly­tiques poussées.

Les solu­tions « natives » des data lakes sont très lentes et sont réser­vées aux experts tech­niques. Les solu­tions les plus uti­li­sées aujourd’hui consistent à « mon­ter en mémoire » les don­nées numé­riques, mais elles sont limi­tées en termes de capa­ci­té (seuls des extraits du data lake sont exploi­tés) et ont des coûts d’infrastructure extrê­me­ment éle­vés. Pour répondre à cette pro­blé­ma­tique cru­ciale de l’industrie finan­cière, nous avons déve­lop­pé une solu­tion dis­rup­tive qui per­met aux uti­li­sa­teurs finaux (risk mana­gers, asset mana­gers, tra­ders) d’avoir accès très sim­ple­ment à l’intégralité des don­nées sto­ckées, sans avoir à les mettre en mémoire. Nette solu­tion inno­vante per­met de mani­pu­ler d’énormes quan­ti­tés de don­nées et com­bine simul­ta­né­ment l’agilité d’un Excel, la per­for­mance des solu­tions en mémoire, la « sca­la­bi­li­té » des data lakes et la spé­cia­li­sa­tion dans la ges­tion des risques (cal­cu­la­teur de risques régle­men­taires inté­grés tel que FRTB).


A propos d’ICA

  • Créa­tion en 2015 ;
  • 18 employés à Paris et à Londres ;
  • Des clients à Paris, Londres et New York ;
  • Objec­tif : révo­lu­tion­ner le data mining.

En parallèle, quels sont les sujets qui vous intéressent ? Vos perspectives de développement ? 

Nos col­la­bo­ra­tions avec de grandes ins­ti­tu­tions finan­cières, telles que la Socié­té Géné­rale, sont très fruc­tueuses, sur plu­sieurs plans :

  • D’une part, nous rédui­sons mas­si­ve­ment les coûts d’infrastructure (par un fac­teur de 30 à 80 com­pa­ré à des solu­tions en mémoire)
  • D’autre part, nous ren­dons les pro­ces­sus plus effi­cients en don­nant un accès simple et agile aux uti­li­sa­teurs finaux en lieu et place de déve­lop­pe­ments infor­ma­tiques longs et coûteux.
  • Et enfin, nous ren­dons pos­sible une mutua­li­sa­tion entre acteurs aux besoins simi­laires, et per­met­tons éga­le­ment une mutua­li­sa­tion opé­ra­tion­nelle pour ceux qui bas­culent en mode SaaS (notre solu­tion est opé­rable tant en SaaS sur n’importe quel cloud public, qu’en mode « on pre­mise » sur une infra­struc­ture privée).

« Le secteur des hedge funds est très prometteur. »

ICA tra­vaille éga­le­ment étroi­te­ment avec un hedge fund amé­ri­cain (l’un des top 5 mon­diaux). Le sec­teur des hedge funds est très pro­met­teur compte tenu de la réac­ti­vi­té de ses acteurs et de leur recherche per­ma­nente des meilleurs outils pour amé­lio­rer leur com­pé­ti­ti­vi­té. Par ailleurs, nous avons éga­le­ment iden­ti­fié de nom­breux « use cases » avec d’autres acteurs de la finance (banque de détail, asset mana­gers, assu­rances…). Enfin, nous étu­dions aus­si com­ment notre tech­no­lo­gie pour­rait appor­ter des solu­tions à d’autres sec­teurs et indus­tries, tout en conser­vant cette valeur impor­tante de double maî­trise de la tech­no­lo­gie et du « métier ».

En termes de déve­lop­pe­ments géo­gra­phiques, nous allons ren­for­cer nos équipes de R & D à Paris, déve­lop­per for­te­ment notre bureau à Londres et nous pré­voyons éga­le­ment une implan­ta­tion à New York dès 2020. Pour sou­te­nir notre déve­lop­pe­ment, nous recru­tons donc des talents et des com­pé­tences tech­niques. Au sein de l’équipe, nous avons déjà plu­sieurs X (dont le CEO et CTO) et nous serions ravis d’accueillir de nou­veaux poly­tech­ni­ciens par­mi nous. Nos métiers s’adressent plus par­ti­cu­liè­re­ment à des pro­fils qui s’intéressent au monde de la data, de l’ingénierie de la data à la data science, et qui veulent construire les outils ana­ly­tiques de demain dans un envi­ron­ne­ment sti­mu­lant à la fois tech­ni­que­ment exi­geant et humai­ne­ment décontracté.


Jean-François Grégoire, Head of Global Markets, Société Générale

« Dans le contexte actuel, Socié­té Géné­rale doit per­mettre à ses tra­ders et risk mana­gers d’accéder au niveau d’information le plus gra­nu­laire et sur de longs his­to­riques pour ana­ly­ser les risques sous de nou­veaux angles. Nous étions limi­tés sur le volume de don­nées acces­sibles simul­ta­né­ment, ralen­tis par des temps de mani­pu­la­tions inadap­tés et contraints par les coûts d’infrastructure néces­saires. En uti­li­sant des inno­va­tions externes et en col­la­bo­rant avec ICA, nous avons réso­lu ces pro­blèmes et per­met­tons à nos uti­li­sa­teurs d’analyser et pilo­ter avec plus de jus­tesse et d’efficacité nos risques et nos allo­ca­tions de capital. »


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