Météorologie, saisons et climat : une nouvelle donne

Dossier : La météorologie partie 2Magazine N°748 Octobre 2019
Par Lauriane BATTÉ (2004)
Par David SALAS Y MELIA (91)

Depuis main­te­nant une ving­taine d’années, Météo-France pro­duit des pré­vi­sions au-delà des échelles tem­po­relles clas­siques de la pré­vi­sion météo­ro­lo­gique. Ces pré­vi­sions sai­son­nières sont pro­ba­bi­listes, et visent à four­nir une infor­ma­tion sur les ano­ma­lies du cli­mat dans les semaines et mois à venir. Elles s’appuient sur un modèle de cli­mat glo­bal, très proche du modèle ser­vant aux pro­jec­tions cli­ma­tiques qui ali­mentent les tra­vaux du GIEC.

Des pré­vi­sions météo­ro­lo­giques de qua­li­té per­mettent la mise en œuvre d’actions pré­ven­tives pour la sécu­ri­té des per­sonnes et des biens. Dis­po­ser d’une infor­ma­tion fiable plu­sieurs semaines ou mois à l’avance per­met­trait d’anticiper cer­tains risques (sai­son plus chaude ou sèche que les années pré­cé­dentes, pos­si­bi­li­té d’un nombre accru de jours chauds…) et de conce­voir des stra­té­gies afin d’atténuer ceux-ci. Mal­heu­reu­se­ment, la nature for­te­ment chao­tique de l’atmosphère rend illu­soire de pré­voir l’évolution de l’atmosphère à l’aide des modèles numé­riques déter­mi­nistes de pré­vi­sion du temps au-delà de dix, quinze jours. En effet, une dif­fé­rence infi­ni­té­si­male entre deux états ini­tiaux de l’atmosphère entraîne une diver­gence des solu­tions numé­riques dans ce délai : il est impos­sible de dis­tin­guer les deux pré­vi­sions de deux autres champs atmo­sphé­riques pris au hasard par­mi d’autres années.

“La nature fortement chaotique de l’atmosphère rend illusoire
une prévision du temps au-delà de dix, quinze jours”

Une prévision de nature probabiliste

Cet « effet papillon », démon­tré par E. Lorenz dans les années 1960, pré­sente tou­te­fois un avan­tage : à par­tir de petites per­tur­ba­tions de champs tri­di­men­sion­nels de l’atmosphère, on peut géné­rer des ensembles de pré­vi­sion qui per­met­tront d’évaluer l’incertitude aux plus longues échelles. Chaque inté­gra­tion, ou membre de l’ensemble, repré­sente ain­si une évo­lu­tion pos­sible de l’atmosphère au cours du mois ou la sai­son à venir. La pré­vi­sion devient alors pro­ba­bi­liste, et, à l’échelle de la sai­son, on ne consi­dé­re­ra pas la chro­no­lo­gie d’événements, mais plu­tôt les sta­tis­tiques carac­té­ri­sant le cli­mat de la sai­son à venir (moyenne, écart type, den­si­té de pro­ba­bi­li­té, etc.).

Selon l’échéance de pré­vi­sion, on pour­ra affi­ner la fenêtre tem­po­relle d’étude. La pré­vi­sion infra-sai­son­nière, dite « S2S » pour sub­sea­so­nal-to-sea­so­nal, s’intéresse aux ano­ma­lies aux échelles de la semaine ou de la quin­zaine de jours. D’un mois à six mois d’échéance, on s’attachera à don­ner une infor­ma­tion à l’échelle d’une sai­son de trois mois.

Ces pré­vi­sions cli­ma­tiques aux échelles men­suelles, sai­son­nières et décen­nales prennent la forme de pro­ba­bi­li­tés, en pre­nant comme réfé­rence une cli­ma­to­lo­gie des vingt à trente der­nières années.

Comment prévoir ?

Si les condi­tions ini­tiales et les mathé­ma­tiques jouent un rôle impor­tant, la bonne repré­sen­ta­tion de la phy­sique demeure essen­tielle : les prin­ci­pales sources de pré­vi­si­bi­li­té aux échelles du mois à la sai­son pro­viennent de com­par­ti­ments du sys­tème Terre aux dyna­miques plus lentes, tels l’océan, la cryo­sphère ou les sur­faces conti­nen­tales. Les pré­vi­sions sta­tis­tiques ayant trou­vé leurs limites, il faut uti­li­ser un modèle numé­rique repré­sen­tant l’évolution conjointe de cha­cune de ces com­po­santes clés. C’est le cas à Météo-France, où les sys­tèmes de pré­vi­sion sai­son­nière s’appuient sur le modèle cou­plé de cli­mat CNRM-CM, déve­lop­pé conjoin­te­ment par le Centre natio­nal de recherches météo­ro­lo­giques et le Centre euro­péen de recherche et de for­ma­tion avan­cée en cal­cul scien­ti­fique (Cer­facs), et regrou­pant des modules déve­lop­pés par dif­fé­rents par­te­naires de recherche.

De telles pré­vi­sions du cli­mat, infra­sai­son­nières à décen­nales, sont réa­li­sées en ini­tia­li­sant le modèle cou­plé en temps réel, et sur des « re-pré­vi­sions » de sai­sons pas­sées. Celles-ci four­nissent à la fois une éva­lua­tion des per­for­mances du modèle sur les années et cas pas­sés, et per­mettent de com­mu­ni­quer les pré­vi­sions sous forme d’anomalies des dis­tri­bu­tions de probabilité.

“La cryosphère terrestre et marine peut également fournir au climat
une certaine prévisibilité”

Le phénomène El Niño

Impos­sible de par­ler de pré­vi­sion sai­son­nière sans évo­quer le phé­no­mène d’El Niño et l’oscillation aus­trale (ENSO). Ce phé­no­mène de dyna­mique tro­pi­cale est par­mi les mieux pré­vus par les sys­tèmes actuels de pré­vi­sion sai­son­nière (avec un taux de suc­cès de la pré­vi­sion de la phase du phé­no­mène avoi­si­nant les 90 % pour la sai­son d’hiver sur les cas pas­sés). Les ano­ma­lies de tem­pé­ra­ture de sur­face de l’océan et de posi­tion des zones de conver­gence qui y sont asso­ciées impriment sur l’atmosphère une signa­ture durable sur l’ensemble du Paci­fique et au-delà, quoique de façon plus confuse, par télé­con­nexions atmo­sphé­riques et océa­niques. Les effets sur l’Atlantique sont moins sys­té­ma­tiques et for­te­ment modu­lés par la varia­bi­li­té natu­relle du cli­mat aux échelles plus longues, mais la sur­ve­nue d’un phé­no­mène El Niño per­met tout de même une pré­vi­si­bi­li­té accrue sur de nom­breuses par­ties du globe.

La cryo­sphère ter­restre et marine peut éga­le­ment four­nir au cli­mat une cer­taine pré­vi­si­bi­li­té, en inflé­chis­sant for­te­ment les échanges radia­tifs entre la sur­face ter­restre ou océa­nique et l’atmosphère. Plu­sieurs tra­vaux sug­gèrent que la cou­ver­ture de glace des mers de Barents et Kara en octobre peut influen­cer la cir­cu­la­tion atmo­sphé­rique sur l’hémisphère Nord et impac­ter le temps des moyennes lati­tudes. Les cour­roies de trans­mis­sion de tels phé­no­mènes sont encore à explo­rer, et mal repré­sen­tées dans les modèles actuels de climat.

Des Açores à l’Islande

Pour la sai­son esti­vale à nos lati­tudes, des tra­vaux récents sug­gèrent un rôle des condi­tions d’humidité du sol dans l’amplification ou l’atténuation de cer­taines vagues de cha­leur, les­quelles sont liées aux débits des rivières et donc au stock nival. Là encore, les modèles actuels de pré­vi­sion du cli­mat montrent cer­taines limites, en par­ti­cu­lier en rai­son de leur ini­tia­li­sa­tion qui reste per­fec­tible. Les pro­grès vien­dront de la dis­po­ni­bi­li­té de don­nées télé­dé­tec­tées d’humidité du sol super­fi­cielle et d’une meilleure modé­li­sa­tion des couches plus profondes.

Plus per­ti­nent encore aux moyennes lati­tudes, le phé­no­mène d’oscillation Nord-Atlan­tique carac­té­rise la force rela­tive de l’anticyclone des Açores et de la dépres­sion d’Islande. Les sys­tèmes de pré­vi­sion sai­son­nière opé­ra­tion­nels montrent des capa­ci­tés pro­met­teuses à en pré­voir l’état en hiver. Pour les autres sai­sons, les per­for­mances sur la France métro­po­li­taine res­tent très limi­tées, et des méthodes d’ajustement sta­tis­tique des pré­vi­sions sont pri­mor­diales pour en extraire une infor­ma­tion fiable.

Le bâti­ment prin­ci­pal du Centre natio­nal de recherches météo­ro­lo­giques (CNRM, UMR 3589 CNRS – Météo-France), prin­ci­pale uni­té de recherche de Météo-France. C’est au sein du CNRM que sont déve­lop­pés les modèles de cli­mat ser­vant aux pré­vi­sions sai­son­nières et aux autres simu­la­tions cli­ma­tiques. Les modèles d’at­mo­sphère glo­baux et à domaine limi­té uti­li­sés pour la pré­vi­sion du temps et pour les études cli­ma­tiques par­tagent une grande par­tie de leurs 4,5 mil­lions de lignes avec le Centre euro­péen pour les pré­vi­sions météo­ro­lo­giques à moyen terme (Rea­ding, Royaume-Uni) et de nom­breux pays. © Patrick Pichard – Météo-France

L’évaluation des prévisions : un exercice délicat

Les pré­vi­sions sont asso­ciées à des jeux de re-pré­vi­sions ini­tia­li­sées aux mêmes dates mais sur un ensemble d’années pas­sées. Ces re-pré­vi­sions per­mettent à la fois d’évaluer les per­for­mances du sys­tème et de cali­brer les pré­vi­sions de manière à cor­ri­ger les biais et la dis­tri­bu­tion des membres. La prin­ci­pale limite de cette approche est le faible nombre d’années dis­po­nibles, et donc la taille insuf­fi­sante de l’échantillon sta­tis­tique : les réana­lyses glo­bales – elles-mêmes per­fec­tibles – uti­li­sées pour l’initialisation et l’évaluation des pré­vi­sions sont limi­tées aux qua­rante der­nières années, après l’avènement des pre­miers satel­lites météo­ro­lo­giques. Il en résulte de grandes incer­ti­tudes dans ces éva­lua­tions sta­tis­tiques et les cor­rec­tions qui en découlent.

Le sys­tème ter­restre est com­plexe et il est en outre en tran­si­tion consi­dé­rable. Des tra­vaux récents sug­gèrent que la pré­vi­si­bi­li­té elle-même a pu être modu­lée au cours du XXe siècle par la varia­bi­li­té mul­ti­dé­cen­nale de cer­tains modes cli­ma­tiques. Ain­si, le phé­no­mène d’oscillation Nord-Atlan­tique serait depuis vingt ans plus pré­vi­sible que par le pas­sé. À cela s’ajoutent bien évi­dem­ment les chan­ge­ments du cli­mat liés aux acti­vi­tés humaines, qui, sur cer­taines régions, sont consi­dé­rables (d’un ordre de gran­deur simi­laire ou supé­rieur à celui de la varia­bi­li­té natu­relle) et rendent ces approches de cali­bra­tion des pré­vi­sions par­ti­cu­liè­re­ment déli­cates. À titre d’exemple, le rythme actuel de la fonte de la ban­quise en Arc­tique implique qu’une cor­rec­tion sta­tis­tique des pré­vi­sions de cou­ver­ture de ban­quise ne peut être faite direc­te­ment à par­tir de pré­vi­sions passées…

Dès lors, on ne peut s’appuyer uni­que­ment sur les cor­rec­tions sta­tis­tiques pour pal­lier les défi­ciences des modèles actuels. D’autres approches per­mettent de com­pen­ser leurs erreurs, comme la pré­vi­sion mul­ti-modèle. Mais la recherche fon­da­men­tale sur les méca­nismes du temps et du cli­mat demeure essen­tielle si nous vou­lons espé­rer per­ce­voir notre avenir.

“L’intelligence artificielle
pourra également
contribuer à l’amélioration des modèles”

Répondre aux attentes des utilisateurs

L’initiative Cli­mate Change Ser­vice du pro­gramme Coper­ni­cus de la Com­mis­sion euro­péenne, délé­guée au Centre euro­péen pour les pré­vi­sions météo­ro­lo­giques à moyen terme, com­porte depuis 2016 une com­po­sante de pré­vi­sion sai­son­nière et regroupe les pré­vi­sions en temps réel et les re-pré­vi­sions de 5 centres euro­péens, dont Météo-France. Cela per­met d’unir plu­sieurs sys­tèmes en un grand ensemble mul­ti­sys­tème, et ain­si de tenir compte des incer­ti­tudes intrin­sèques à chaque sys­tème de modé­li­sa­tion. On accorde ain­si plus d’importance et de fia­bi­li­té à un signal cohé­rent entre plu­sieurs systèmes. 

Cette pré­vi­sion mul­ti­sys­tème est le fruit de nom­breuses années de col­la­bo­ra­tion des labo­ra­toires de recherche et d’instituts météo­ro­lo­giques natio­naux et euro­péens, notam­ment dans le cadre de pro­jets de recherche euro­péens tels Deme­ter ou Ensembles, aux­quels Météo-France a acti­ve­ment par­ti­ci­pé. Elle est cri­ti­que­ment dépen­dante des obser­va­tions glo­bales faites aujourd’hui, ain­si que de la recol­lecte d’observations du pas­sé, mais aus­si, de façon déter­mi­nante, de la puis­sance de cal­cul dis­po­nible chez cha­cun des membres pour faire tour­ner des ensembles suf­fi­sants de modèles réalistes.

Prévisions et big data

L’arrivée de ces nom­breuses don­nées s’accompagne d’un essor des ser­vices météo-cli­ma­tiques asso­ciés, dans de mul­tiples sec­teurs comme la ges­tion de l’eau, l’agriculture, l’éner­gie, le tou­risme ou encore la san­té. Même si les per­for­mances des pré­vi­sions sont limi­tées, elles per­mettent d’apporter une infor­ma­tion supé­rieure à l’utilisation de nor­males cli­ma­tiques dans de nom­breuses régions du globe. Cela per­met d’a­mé­lio­rer la fia­bi­li­té des infor­ma­tions four­nies par les modèles d’impact, et ain­si de favo­ri­ser l’a­dap­ta­tion de nom­breux sec­teurs socio-éco­no­miques, dans le cadre d’un cli­mat en évolution.

L’intérêt des uti­li­sa­teurs ne se can­tonne pas uni­que­ment à l’échelle du mois à l’année, l’information deman­dée doit sou­vent cou­vrir un conti­nuum d’échelles allant des échéances déter­mi­nistes (la semaine) à l’année, voire au-delà. Un grand défi des ser­vices météo-cli­ma­tiques consiste à exploi­ter les dif­fé­rentes sources d’information dis­po­nibles afin de four­nir des infor­ma­tions à la fois cohé­rentes et fiables à cha­cune de ces échelles.


Une « météo folle » ?

Au sor­tir de l’hiver, et tant que l’été n’est pas ins­tal­lé, il est fré­quent que la tem­pé­ra­ture joue aux mon­tagnes russes.
Ce fut par­ti­cu­liè­re­ment le cas depuis le début de 2019, où les obser­va­tions de Météo-France confirment cette per­cep­tion d’une forte varia­bi­li­té. Après un début d’année contras­té, alter­nant entre épi­sodes de cha­leur remar­quables de fin février ou gelées en mai dans le Sud-Ouest, le mois de l’é­té n’a pas été en reste, avec des cha­leurs excep­tion­nelles. Que pen­ser de ces phé­no­mènes ? Qu’en disent les climatologues ?
En pre­mier lieu, pour com­men­ter l’actualité météo­ro­lo­gique, ils rap­pellent que l’alternance de périodes froides et chaudes au prin­temps sous nos lati­tudes est… la carac­té­ris­tique du prin­temps, sai­son de contrastes et de tran­si­tion entre l’hiver et l’été. Ils s’appuient pour cela sur une cohorte d’indices et d’indicateurs.


Perspectives

L’augmentation des res­sources de cal­cul liée à un gain de per­for­mance des super­cal­cu­la­teurs uti­li­sés en météo­ro­lo­gie et cli­mat rend pos­sible la réa­li­sa­tion de pré­vi­sions à des réso­lu­tions hori­zon­tales et ver­ti­cales accrues, cela afin de mieux repré­sen­ter les phé­no­mènes phy­siques atmo­sphé­riques et océa­niques. Tou­te­fois, les pro­grès sur ce plan dépen­dront de la capa­ci­té des centres de recherche à déve­lop­per des modèles numé­riques adé­quats pour résoudre ces plus fines échelles avec un modèle glo­bal, tout en en gom­mant les sources d’erreurs systématiques. 

En paral­lèle d’un accrois­se­ment de la réso­lu­tion, la taille des ensembles pour­ra éga­le­ment être éten­due afin de réduire les incer­ti­tudes des pré­vi­sions et amé­lio­rer leur rap­port signal sur bruit. Enfin, l’initialisation des modèles à par­tir de sys­tèmes cou­plés assi­mi­lant un plus grand nombre d’observations sur une période longue, de manière cohé­rente entre re-pré­vi­sions et pré­vi­sions en temps réel, limi­te­ra les dis­cor­dances des dis­tri­bu­tions de pro­ba­bi­li­té et amé­lio­re­ra la fia­bi­li­té des informations.

Nouvelles voies

L’intelligence arti­fi­cielle pour­ra éga­le­ment contri­buer à l’amélioration des modèles ain­si qu’à une meilleure adap­ta­tion sta­tis­tique des pré­vi­sions, notam­ment en ému­lant un plus grand nombre de membres de la pré­vi­sion d’ensemble. Cela néces­si­te­ra tou­te­fois une base de don­nées d’apprentissage consé­quente, un des objec­tifs des ini­tia­tives actuelles de pré­vi­sion mul­ti­mo­dèle comme S2S ou Coper­ni­cus Cli­mate Change Service.

Le déve­lop­pe­ment et l’intégration de nou­velles com­po­santes modé­li­sant un plus grand éven­tail de pro­ces­sus qui régissent l’évolution de notre pla­nète Terre, comme la bio­géo­chi­mie marine, l’utilisation des sols et l’anthropisation des milieux, ou encore la com­po­si­tion atmo­sphé­rique, sont éga­le­ment des voies pro­met­teuses pour le déve­lop­pe­ment de la pré­vi­sion du cli­mat aux échelles infra­sai­son­nières à décennales.


Le 28 juin 2019, Météo-France a enre­gis­tré un nou­veau record de cha­leur en France métro­po­li­taine, avec 46 °C à Vérargues dans l’Hé­rault, pul­vé­ri­sant l’an­cien record de 44,1 °C datant de 2003. © kobra78

Détection et attribution des événements climatiques

Est-il pos­sible de déga­ger des évo­lu­tions cli­ma­tiques lorsque la météo connaît de telles varia­tions ? La réponse est, depuis plu­sieurs décen­nies, posi­tive pour les tem­pé­ra­tures : depuis le début des années 1960, le réchauf­fe­ment sur la France est de l’ordre de 1,5 °C, soit la dif­fé­rence de tem­pé­ra­ture moyenne annuelle entre Paris et Tou­louse. Des chan­ge­ments de pré­ci­pi­ta­tions, en quan­ti­té et en régime, ont éga­le­ment été mis en évi­dence – on parle de « détec­tion » – dans plu­sieurs régions, avec notam­ment une aug­men­ta­tion des pluies intenses dans le Sud-Est.

Une ques­tion plus déli­cate est de faire le lien entre un évé­ne­ment météo­ro­lo­gique ou cli­ma­tique don­né et le chan­ge­ment cli­ma­tique – c’est l’« attri­bu­tion ». Dans l’absolu, on ne peut jamais affir­mer qu’un évé­ne­ment iso­lé, fût-il excep­tion­nel, est lié au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Même en pré­ci­sant que la mul­ti­pli­ca­tion de tels évé­ne­ments est bien impu­table au réchauf­fe­ment cli­ma­tique, une telle réponse, bien qu’exacte, laisse géné­ra­le­ment les médias ou les déci­deurs sur leur faim.

Allier statistiques et modélisation

Une nou­velle approche consiste à quan­ti­fier dans quelle mesure l’évolution cli­ma­tique en cours modi­fie la pro­ba­bi­li­té d’un évé­ne­ment don­né. Ain­si, en alliant méthodes sta­tis­tiques et modé­li­sa­tion, Météo-France a mon­tré qu’une cani­cule telle que celle de fin juin 2019 a aujourd’­hui envi­ron 30 fois plus de risques de se pro­duire qu’il y a un siècle. Un tel exer­cice nous per­met éga­le­ment d’avoir un aper­çu de ce que pour­rait être la météo future dans un contexte de chan­ge­ment cli­ma­tique. Ain­si, la période de retour d’un mois de juin aus­si chaud qu’en 2017 sur la France métro­po­li­taine est de l’ordre de vingt ans pour le cli­mat de la fin des années 2010, mais se réduit à dix ans pour le cli­mat des années 2030 et cinq ans pour 2050.

Quant aux vagues de froid, bien que cela puisse paraître un peu para­doxal compte tenu du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, elles conti­nue­ront cer­tai­ne­ment à ponc­tuer les hivers au cours des décen­nies à venir, mais devraient être de moins en moins intenses. Il est éga­le­ment pos­sible d’estimer l’évolution future d’événements météo­ro­lo­giques très loca­li­sés comme les orages (ain­si que la grêle et les vents asso­ciés) ou les pluies extrêmes. Cela passe notam­ment par des outils de modé­li­sa­tion de nou­velle géné­ra­tion comme le modèle de pré­vi­sion du temps Arome de Météo-France, qui, uti­li­sé à une réso­lu­tion de l’ordre du kilo­mètre, a une excel­lente capa­ci­té à anti­ci­per les évé­ne­ments météo­ro­lo­giques à fort enjeu. Les pre­mières simu­la­tions longues du cli­mat récent réa­li­sées avec Arome montrent notam­ment une très bonne repré­sen­ta­tion des pluies extrêmes d’automne sur le pour­tour médi­ter­ra­néen, et les simu­la­tions du cli­mat des pro­chaines décen­nies nous per­met­tront de mieux appré­hen­der la météo du futur.

Poster un commentaire