Le Plateau à vol d’oiseau : Petite chronique ornithologique platâlienne

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°748 Octobre 2019Par Mathieu RASSON (2017)

Le Pla­teau de Palai­seau est riche d’une vie intel­lec­tuelle scien­ti­fique bouillon­nante. Mais, pour qui sait la voir et l’entendre, une autre vie se dévoile, entre les arbres, aux alen­tours des bâti­ments et aux abords du plan d’eau.
Des­sins d’E­loïse Letour­nel (2017)

Les portes du RER s’ouvrent. Un pan­neau bleu indique clai­re­ment Lozère, tan­dis que l’École se glisse en petits carac­tères juste en-des­sous. Un tun­nel sous les voies ; une route à tra­ver­ser ; une allée à emprun­ter. C’est une fata­li­té, il faut monter.

Promenons-nous

Un peu plus haut, un car­re­four. De courtes marches s’élèvent sur un sen­tier étroit vers la gauche ; un che­min plus large et moins escar­pé se glisse entre les arbres vers la droite. Bien évi­dem­ment, le rai­dillon mène plus rapi­de­ment au Pla­tâl. Mais, pour­quoi ne pas conti­nuer un peu entre les arbres ? Pour­quoi ne pas prendre le temps de décou­vrir ce dont les alen­tours de l’École regorgent ? Du vert, rien que du vert. Vingt minutes, ce n’est qu’un court délai pour prendre conscience de la richesse natu­relle de notre cam­pus. Fai­sons un détour.

Les hôtes de ces bois

Les hauts arbres qui bordent le pla­teau sont pro­pices aux cor­vi­dés d’Île-de-France. Si cor­neilles et pies sont faci­le­ment visibles, il faut faire quelques pas à l’ombre des branches pour qu’un cri rauque et sonore tra­hisse la pré­sence d’un troi­sième habi­tant, moins connu. Le Geai des chênes, Gar­ru­lus glan­da­rius, est une autre espèce du groupe des cor­beaux, rela­ti­ve­ment cou­rante, qui affec­tionne les parcs des grandes villes. Farouche, il est fré­quem­ment obser­vé en vol, lorsqu’il fuit, alors que ses ailes déployées laissent aper­ce­voir deux beaux miroirs bleus sur ses rémiges. Son cri d’alarme accom­pagne sa recherche d’un envi­ron­ne­ment plus serein, puis, à l’abri entre les feuilles, il sur­veille le pas­sage de l’intrus.

Migrateurs par avion

Notre sen­tier débouche sur la route des Jon­che­rettes. Il n’y a qu’un pas à faire pour péné­trer dans la forêt du même nom. Au som­met des chênes en lisière, de grands oiseaux verts s’affairent, dont la sil­houette et le bec rouge cro­chu rap­pellent les cli­mats tro­pi­caux. Les Per­ruches à col­lier, Psit­ta­cu­la kra­me­ri, ori­gi­naires d’Afrique et d’Asie équa­to­riales, se sont adap­tées au conti­nent euro­péen en se répan­dant depuis les aéro­ports inter­na­tio­naux. Les pre­miers indi­vi­dus seraient issus de bra­con­nage. Désor­mais, ces vola­tiles exo­tiques se sentent chez eux sous la pluie et dans le brouillard de Palaiseau.

Des équilibristes chamarrés

Dans des branches un peu plus basses, un Écu­reuil roux se mesure aux équi­li­bristes syl­vestres, ama­teurs d’escalade sur écorce : les pics et les grim­pe­reaux. Pics verts et épeiches, ce der­nier d’un plu­mage noir et blanc rehaus­sé d’une calotte rouge, habitent le bois des Jon­che­rettes toute l’année. Ils sont aus­si déli­cats à appro­cher que le geai, si bien qu’ils sont tous deux plus recon­nais­sables à leur cri d’alarme, qui résonne dans la forêt lorsqu’un pro­me­neur les dérange.

Le Grim­pe­reau des jar­dins, Cer­thia bra­chy­dac­ty­la, est un autre acro­bate des troncs, bien plus dis­cret cepen­dant. Au prin­temps, son chant doux et aigu révèle sa pré­sence alors qu’il se nour­rit d’insectes vivant dans les écorces. Malin, il n’est pas simple à obser­ver. Dès qu’il se sent épié, il se plaît à faire le tour du tronc afin de res­ter tou­jours hors de por­tée de l’observateur. Ten­ter de se dépla­cer pour ne pas le perdre de vue devient bien vite un gag de car­toon, dans lequel Tom pour­suit Jer­ry autour d’un arbre. Nul ne sert de s’entêter, ce petit vola­tile brun est sur son ter­ri­toire. Pas­sons notre chemin.

Ô temps ! Suspends ton vol

Les che­mins fores­tiers éclai­rés par des rais de lumière se fau­fi­lant par­mi les ramures mènent au rond-point d’entrée de l’École poly­tech­nique. De là, une voie car­ros­sable conduit plein ouest aux abords du lac, géné­reu­se­ment colo­ré d’une teinte rose lorsque le cré­pus­cule approche. Tant qu’il demeure de la lumière, une svelte sil­houette blanche sur­veille la sur­face de l’eau. Sou­dain, elle se fige en l’air, en vol sta­tion­naire fré­né­tique. Elle pique, elle plonge, puis regagne les airs hors de l’onde, fière du pois­son qu’elle vient de sai­sir. Ain­si pêche la Sterne pier­re­ga­rin, Ster­na hirun­do, aus­si poé­ti­que­ment nom­mée hiron­delle des mers. Habi­tuée des zones por­tuaires et des lacs proches de la côte, la voir ain­si s’installer sur le lac de l’École est un signe très posi­tif. Un couple a niché et éle­vé un petit cette année, avant de prendre son envol pour la migra­tion hiver­nale, voyage qui le mène­ra dans l’autre hémisphère.

L’autre défilé aérien

Notre pro­me­nade s’achève de l’autre côté du plan d’eau, Cour des céré­mo­nies, où le ciel doré d’un soir de sep­tembre se peuple d’une foule de petits oiseaux tur­bu­lents : des Hiron­delles rus­tiques, Hirun­do rus­ti­ca, qui se regroupent, elles aus­si avant de migrer. Les jeux aériens consti­tuent leur passe-temps favo­ri. Leurs parades nup­tiales donnent à voir de belles figures de vol­tige, et, la plu­part du temps, ces agiles dépla­ce­ments servent à attra­per des proies en vol. Les hiron­delles fendent les nuages de mou­che­rons, dans l’espoir d’en gober un au pas­sage. La dou­ceur du cré­pus­cule s’emplit de leur gazouillis déli­cat, tan­dis que les der­niers rayons de soleil vivi­fient les reflets bleus de leur plu­mage. Bien­tôt, ce sera l’heure du départ.

Un écrin à découvrir

Que ce soit pour vingt minutes ou pour toute une jour­née, il est tou­jours pos­sible de s’évader sur le che­min du Conscrit. Être ins­tal­lé en région pari­sienne dans un tel écrin de ver­dure est une réelle chance, qu’il faut savoir appré­cier et pro­té­ger. Le pre­mier pas est aisé, il suf­fit de s’émerveiller. Il suf­fit de lever les yeux pour prendre conscience de la vie qui nous entoure, et, sur­tout, de ne pas emprun­ter les che­mins les plus courts.

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