L’observation spatiale au service de la vie sur terre

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°747 Septembre 2019
Par Marc-Henri SERRE

Aller plus loin dans la pré­ci­sion et l’agilité consti­tue le défi de Thales Ale­nia Space pour les années à venir. Le groupe relève les chal­lenges de la météo­ro­lo­gie depuis l’espace avec tou­jours plus d’innovation et d’efficacité. Ren­contre avec Marc-Hen­ri Serre, Vice-Pré­sident du Domaine Obser­va­tion et Science au sein de Thales Ale­nia Space en France.

Combinant plus de 40 ans d’expérience, Thales Alenia Space délivre des solutions innovantes pour l’observation de la Terre. Dites-nous en plus sur votre cœur de métier et positionnement.

Thales Ale­nia Space est l’un des prin­ci­paux acteurs mon­diaux dans les solu­tions spa­tiales d’observation de la terre qui couvrent plu­sieurs domaines d’applications par­mi les­quels nous pou­vons citer :

  • Les satel­lites haute et très haute réso­lu­tion des­ti­nés à des appli­ca­tions mili­taires, d’agriculture, de moni­to­ring d’infrastructures, d’urbanisme, de lutte contre les risques natu­rels… Nous avons à ce titre contri­bué à tous les grands pro­grammes d’observation de la défense fran­çaise tels que les pro­grammes Hélios, Pléiades et plus récem­ment CSO aux­quels s’ajoutent de récents pro­grammes d’exportation de satellites ;
  • Les satel­lites d’observation de la terre dédiés à l’environnement et la météo­ro­lo­gie aux côtés de l’Agence Spa­tiale Euro­péenne (ESA) et de l’agence de Météo­ro­lo­gie Spa­tiale Euro­péenne (EUMETSAT). Nous par­ti­ci­pons par exemple au pro­gramme euro­péen Coper­ni­cus. Nous sommes notam­ment maître d’œuvre de la mis­sion Sen­ti­nel 3. Il s’agit d’une série de satel­lites dédiés prin­ci­pa­le­ment à l’observation des océans. Ces satel­lites embarquent plu­sieurs types d’instruments : cer­tains mesurent la hau­teur des océans, des grands lacs et rivières, l’épaisseur des ban­quises et gla­ciers, d’autres four­nissent, quo­ti­dien­ne­ment, les tem­pé­ra­tures à la sur­face de notre pla­nète, d’autres encore ren­seignent sur la concen­tra­tion en chlo­ro­phylle, en matières en sus­pen­sion…. Toutes ces don­nées sont mises gra­tui­te­ment à dis­po­si­tion des uti­li­sa­teurs (scien­ti­fiques, entre­prises…) par le biais des ser­vices Coper­ni­cus. Nous avons éga­le­ment réa­li­sé depuis 30 ans tous les pro­grammes euro­péens de météo­ro­lo­gie en orbite géo­sta­tion­naire (Meteo­sat).

En 2018, dans le cadre du programme Metop‑C, vous avez développé et réalisé un instrument de très haute résolution spectrale. À quelles problématiques répondez-vous concrètement ?

Metop‑C est un satel­lite météo en orbite basse (LEO). Dans ce cadre, nous sommes en charge de l’instrument IASI. Il s’agit d’un son­deur infrarouge.

Cet ins­tru­ment par­ti­cipe à la sur­veillance du cli­mat en mesu­rant régu­liè­re­ment la com­po­si­tion de l’atmosphère et son évo­lu­tion par­tout dans le monde. Il four­nit des pro­fils ver­ti­caux de tem­pé­ra­ture, de pres­sion, d’humidité qui donnent une image 3D de l’atmosphère. Ces don­nées sont clé pour les météo­ro­lo­gistes puisqu’elles per­mettent d’alimenter leurs modèles et d’améliorer les pré­vi­sions. Concrè­te­ment, grâce aux per­for­mances du cap­teur IASI, la fia­bi­li­té des pré­vi­sions météo­ro­lo­giques est pas­sée de 3 à 8 jours et les météo­ro­logues ont une meilleure capa­ci­té d’anticipation des tem­pêtes. Les mesures du cap­teur IASI per­mettent éga­le­ment d’affiner les modèles tra­di­tion­nels en appor­tant des infor­ma­tions sur la qua­li­té de l’air.

Dans cette continuité, vous vous focalisez actuellement sur la fabrication de la troisième génération des satellites Meteosat qui va révolutionner la météorologie européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet, ses objectifs et ses spécificités ?

Le pro­gramme Meteo­sat troi­sième géné­ra­tion (MTG) est com­po­sé de 6 satel­lites géo­sta­tion­naires cou­vrant 2 types de mis­sions : une mis­sion clas­sique d’imageur météo (4 satel­lites) et une mis­sion de son­dage atmo­sphé­rique (2 satellites).

L’imageur de MTG com­por­te­ra des avan­cées tech­no­lo­giques majeures. D’abord, contrai­re­ment aux pré­cé­dents satel­lites qui tour­naient sur eux­mêmes (satel­lites spi­nés), notre nou­veau satel­lite sera sta­bi­li­sé 3 axes ce qui per­met­tra d’améliorer dras­ti­que­ment la période de rafraî­chis­se­ment des images météo. Désor­mais, on aura un rafraî­chis­se­ment toutes les 10 minutes, voire toutes les 2,5 minutes dans des zones comme l’Europe, contre 30 minutes aupa­ra­vant. C’est une révo­lu­tion. Par ailleurs, la réso­lu­tion spa­tiale sera for­te­ment amé­lio­rée, on passe de 3 km à 1 km voire 500 m en mode haute réso­lu­tion. Enfin, ce nou­vel ima­geur four­ni­ra des don­nées dans 16 bandes spec­trales contre 11 sur l’ancienne géné­ra­tion. La mis­sion de son­dage atmo­sphé­rique, est actuel­le­ment une pre­mière. Il s’agira du pre­mier son­deur infra-rouge en orbite géo­sta­tion­naire de cette robus­tesse et de ce niveau de pré­ci­sion dans le monde. Là aus­si, cela per­met­tra de réa­li­ser des avan­cées majeures. Ce son­deur ima­geur hérite de la tech­no­lo­gie de IASI et appor­te­ra lui aus­si des don­nées atmo­sphé­riques abso­lu­ment déter­mi­nantes pour les modèles météo. Ces don­nées pour­ront être rafraî­chies toutes les 30 minutes grâce au posi­tion­ne­ment en orbite géo­sta­tion­naire. C’est inédit.

Plus concrètement, qu’apportez-vous à l’humanité et aux citoyens de la terre ?

La ques­tion du sens don­né à nos actions est abso­lu­ment clé pour une entre­prise comme la nôtre. Ce sens se tra­duit par notre devise : Space for Life ! Concrè­te­ment, cela signi­fie que nous nous posi­tion­nons sur les solu­tions spa­tiales qui per­met­tront d’améliorer au quo­ti­dien la vie sur Terre. La pré­ven­tion des risques natu­rels grâce à nos solu­tions météo­ro­lo­giques opé­rées par Eumet­sat est un exemple. Avec l’ESA et la Com­mis­sion euro­péenne, nous tra­vaillons sur des solu­tions per­met­tant de mesu­rer objec­ti­ve­ment la pol­lu­tion atmo­sphé­rique et les émis­sions de gaz à effet de serre d’origine anthro­pique. À cela s’ajoute la pos­si­bi­li­té d’apporter un sup­port à une agri­cul­ture plus durable, ou bien à lut­ter contre la défo­res­ta­tion. La sécu­ri­té des hommes et des femmes est aus­si une pré­oc­cu­pa­tion essen­tielle. Nous avons ain­si mis au point des appli­ca­tions de géo­lo­ca­li­sa­tions de balises de détresse.

Quels sont les challenges à venir et les principales tendances de l’industrie spatiale ? Comment cela se traduit-il au sein de Thales Alenia Space ? Pouvezvous nous donner quelques exemples ?

L’industrie spa­tiale est en train de connaître de pro­fondes muta­tions. L’innovation est au cœur de l’identité de cette indus­trie depuis tou­jours. Cela conti­nue­ra. Ce qui a chan­gé, c’est l’arrivée de nou­veaux entre­pre­neurs qui viennent bous­cu­ler le posi­tion­ne­ment des grands groupes indus­triels et pro­posent de nou­veaux modèles éco­no­miques basés sur une appré­cia­tion renou­ve­lée des risques indus­triels et des risques en orbite. C’est en par­tie ce qu’on nomme le New Space. Dans ce contexte, nous nous réin­ven­tons en per­ma­nence. Par exemple, nous inves­tis­sons actuel­le­ment pour déve­lop­per l’observation de la Terre à très haute revi­site. C’est-à-dire la pos­si­bi­li­té d’observer une même zone plu­sieurs fois par jour à par­tir d’une orbite basse. Pour cela, nous avons inves­ti dans Spa­ce­Flight Indus­tries, pour déve­lop­per la constel­la­tion Blacks­ky. Ensemble, nous avons créé l’usine Leos­tel­la à Seat­tle pour construire cette constel­la­tion de petits satel­lites moins lourds, moins cou­teux. Nous avons aus­si noué un par­te­na­riat avec Kineis pour lan­cer une constel­la­tion de petits satel­lites dans le domaine de l’IoT (Intel­li­gence of Things) dédiée aux objets connec­tés. La sur­veillance de l’espace, Space Sur­veillance Awar­ness (SSA), consti­tue un autre enjeu fon­da­men­tal vu le nombre crois­sant d’objets en orbite. Pour cela, nous avons inves­ti et col­la­bo­rons avec la start-up cana­dienne Norths­tar. L’idée est de pou­voir obser­ver depuis l’espace les mou­ve­ments des satel­lites en orbite, mieux pré­voir leurs tra­jec­toires et, à terme, four­nir des don­nées per­met­tant la ges­tion du tra­fic et des risques de col­li­sion. Stra­to­bus, notre bal­lon stra­to­sphé­rique est un autre exemple. Il offri­ra la pos­si­bi­li­té d’une obser­va­tion per­ma­nente depuis la stra­to­sphère. Je pour­rais par­ler aus­si de “ser­vice en orbite“. Pour gérer le nombre gran­dis­sant de satel­lites, nous ima­gi­nons des solu­tions de repla­ce­ment en orbite, de refue­ling. Enfin, les défis ne manquent pas et la pas­sion de la com­mu­nau­té spa­tiale pour les rele­ver reste tou­jours intacte !


EN BREF

  • 2.5 mil­liards d’euros de chiffre d’affaires ;
  • 8 000 col­la­bo­ra­teurs au monde ;
  • Plus de 250 satel­lites déjà fabri­qués et lancés.

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