Napoleon Group : les nouvelles technologies au service de la gestion d’actifs

Dossier : TrajectoiresMagazine N°747 Septembre 2019
Par Hervé KABLA (84)

Sté­phane Ifrah (92) est un des cofon­da­teurs de Napo­leon Group, groupe qui offre aux pro­fes­sion­nels de l’investissement des outils et des conseils fai­sant appel prin­ci­pa­le­ment aux nou­velles technologies.

Quelle est l’activité de Napoleon Group ?

Napo­leon Group est un jeune groupe, lan­cé il y a deux ans, spé­cia­li­sé en finance quan­ti­ta­tive et en blo­ck­chain. Trois enti­tés opé­ra­tion­nelles com­posent ce groupe. Napo­leon Capi­tal (CIF, Conseil en inves­tis­se­ment finan­cier) pro­pose aux inves­tis­seurs pro­fes­sion­nels des conseils d’allocation basés sur des algo­rithmes quan­ti­ta­tifs. Ces outils sont néces­saires à la ges­tion quan­ti­ta­tive des actifs qui est basée sur le trai­te­ment d’un grand nombre de don­nées sur des uni­vers d’investissement très larges et aux pro­fils dif­fé­rents. Napo­leon AM est une socié­té de ges­tion agréée par l’AMF et qui va lan­cer des véhi­cules d’investissement en cryp­to­mon­naie. Enfin, Napo­leon Index est publi­ca­teur et admi­nis­tra­teur d’indices récem­ment enre­gis­tré sous la norme euro­péenne Bench­mark – BMR. La blo­ck­chain est au cœur de son pro­ces­sus opé­ra­tion­nel en pro­po­sant une trace d’audit immuable qui abrite notre savoir-faire.

Comment vous est venue l’idée et quel est le parcours des fondateurs ?

Nous sommes par­tis d’une conver­sa­tion sur les robo-advi­sors lors d’une réunion X‑Finance avec Arnaud Dar­tois (98). J’avais déve­lop­pé de nom­breuses stra­té­gies de ges­tion quan­ti­ta­tive qui fonc­tion­naient bien et ça fai­sait un moment que je cher­chais à les valo­ri­ser. Arnaud, lui, avait un pas­sé d’entrepreneur et cher­chait un nou­veau chal­lenge. Nous avons rapi­de­ment affi­né notre approche en inté­grant aus­si la dimen­sion blo­ck­chain per­met­tant d’offrir une trace d’audit immuable à nos clients. La blo­ck­chain a de nom­breuses uti­li­sa­tions et nous com­men­çons seule­ment à exploi­ter sa richesse fonctionnelle.

Les trois fon­da­teurs à la base de ce pro­jet sont : Jean-Charles Dudek avec lequel j’ai tra­vaillé chez BNP Pari­bas et qui est pas­sé par Dau­phine puis dans des banques côtés buy side et sell side en struc­tu­ra­tion / vente ; Arnaud Dar­tois (98), titu­laire d’un PhD en com­pu­ter science que j’ai ren­con­tré lors d’une for­ma­tion Exe­cu­tive pro­po­sée par l’École sur le thème du big data – Arnaud a un pas­sé entre­pre­neu­rial notam­ment en pri­vate equi­ty – ; et moi-même, j’ai pas­sé une grande par­tie de ma car­rière chez BNP Pari­bas et notam­ment dans leur socié­té de gestion.

Qui sont les concurrents ?

Nous n’avons pas encore ren­con­tré de groupes aus­si jeunes et avec cette vision aus­si large de notre métier. Cepen­dant, la finance quan­ti­ta­tive est en train d’émerger depuis une dizaine d’années par­mi les mai­sons plus tra­di­tion­nelles. La blo­ck­chain est un domaine en plein essor et peu de cas d’utilisation ont com­plè­te­ment abou­ti à ce jour.

“La blockchain a de nombreuses utilisations
et nous commençons seulement
à exploiter sa richesse fonctionnelle”

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?

Il y a d’abord eu le lan­ce­ment de Napo­leon Capi­tal en décembre 2016, puis nous avons inté­gré le pro­gramme d’accélération de X‑Up en mars 2017. Napo­leon Capi­tal a obte­nu son sta­tut de CIF en sep­tembre 2017. Nous avons ensuite lan­cé une ICO, Ini­tial Coin Offe­ring, qui s’est conclue avec suc­cès en février 2018. Une ICO est une méthode de levée de fonds, fonc­tion­nant via l’émission d’actifs numé­riques échan­geables contre des cryp­to­mon­naies, dans notre cas les NPX durant la phase de démar­rage d’un pro­jet offrant des droits à ces déten­teurs. Cela nous a per­mis de lan­cer une pla­te­forme, www.napoleonx.ai, et d’obtenir un agré­ment de socié­té de ges­tion pour Napo­leon AM. Enfin, Napo­leon Index vient tout juste d’obtenir un enre­gis­tre­ment auprès de l’AMF.

Quels sont les grands changements en cours dans l’univers de la gestion d’actifs ?

Le chan­ge­ment fon­da­men­tal de ces dix der­nières années est l’émergence de la ges­tion sys­té­ma­tique. Les ges­tions sys­té­ma­tique, quan­ti­ta­tive ou algo­rith­mique sont des syno­nymes. Cette méthode, à l’inverse de la ges­tion dis­cré­tion­naire, uti­lise des séries numé­riques. Les ges­tion­naires effec­tuent des tests de dif­fé­rentes stra­té­gies sur le pas­sé et essen­tiel­le­ment basés sur des don­nées d’analyse gra­phique, tem­po­relle et défi­nissent ain­si un por­te­feuille de stra­té­gies. Cette approche repose sur des règles pré­dé­fi­nies qui ont pour objec­tif de déce­ler des confi­gu­ra­tions d’achat ou de vente. Fin 2018, les encours ont atteint 1,5 tril­lion USD, en par­tant de presque rien. Ces encours se pré­sentent sous plu­sieurs formes entre des fonds dits risk pari­ty, des ETF (Exchange Tra­ded Funds) smart beta et des CTA (Com­mo­di­ty Tra­ding Advi­sors). Il s’agit de pro­duits d’investissement qui ont émer­gé ces der­nières années et per­mettent de diver­si­fier les inves­tis­se­ments des clients. Cette forte crois­sance tient à deux rai­sons prin­ci­pales. D’une part, il y a eu une véri­table défiance vis-à-vis de la ges­tion dis­cré­tion­naire qui n’a en rien pro­té­gé les inves­tis­seurs lors de la der­nière crise en 2007–2009. D’autre part, avec l’émergence des data et une capa­ci­té à les trai­ter, de nou­velles recherches sont appa­rues. La ges­tion quan­ti­ta­tive est pour nous une évo­lu­tion majeure et appa­raît comme une clé pour le futur des investissements.

Logo de Napoleon Group

On s’est défié de la gestion discrétionnaire, mais la gestion systématique n’est-elle pas porteuse d’un risque d’une autre nature : les emballements mimétiques ?

En effet, ces der­nières décen­nies, les ges­tions dis­cré­tion­naires n’ont pas su anti­ci­per les grands retour­ne­ments de mar­chés ni même les gérer une fois le nou­veau trend enclen­ché. C’est la rai­son prin­ci­pale qui a conduit à une nou­velle approche, basée sur des algo­rithmes. Ces der­niers ont bien enten­du été un petit peu opti­mi­sés sur la période de test, mais glo­ba­le­ment, ils se sont bien com­por­tés ces der­nières années. Cepen­dant, à y regar­der de plus près, nous avons connu plu­sieurs pas­sages un peu inquié­tants, que ce soit à l’été 2015 ou plus récem­ment en fin d’année 2018. De ce qu’on a pu obser­ver, les fonds à contrôle de vola­ti­li­té (risk pari­ty) et les fonds CTA ont ampli­fié des prises de pro­fits par les acteurs plus tra­di­tion­nels. Pour mémoire, le krach de 1987 et la crise asia­tique ont été éga­le­ment déclen­chés par des ges­tions dites sys­té­ma­tiques, donc le sujet n’est pas nouveau.

Le secteur n’évolue-t-il pas vers plus de transparence et de responsabilité sociale ?

Depuis effec­ti­ve­ment un cer­tain temps, on retrouve cette thé­ma­tique d’investissement dans les socié­tés de ges­tion tra­di­tion­nelle. Cepen­dant, l’engagement socié­tal est une notion assez dif­fi­ci­le­ment mesu­rable et quan­ti­fiable. Les pro­ces­sus de repor­ting néces­saires seraient lourds à mettre en œuvre et sans béné­fices cer­tains pour les entre­prises. Donc, per­son­nel­le­ment, je pense qu’au-delà des décla­ra­tions que ne manquent pas de faire les groupes sur ce sujet, il est assez dif­fi­cile d’intégrer ce genre de com­po­santes dans une poli­tique d’investissement. Après, c’est bien évi­dem­ment un déve­lop­pe­ment à encou­ra­ger d’un point de vue plus responsable.

“La formation de nos ingénieurs est parfaitement adaptée
pour se lancer dans une aventure comme celle-ci”

Faut-il craindre que la prochaine crise financière soit d’origine algorithmique ?

C’est une ques­tion très per­ti­nente et dont on a com­men­cé à entre­voir la réponse. Tout d’abord, on a déjà vécu de grands krachs à cause de ce type de ges­tion, comme en 1987 ou lors de la faillite du fonds LTCM (Long Term Capi­tal Mana­ge­ment). Compte tenu du fort déve­lop­pe­ment de ces ges­tions et d’une forme de cor­ré­la­tion entre les dif­fé­rents modèles (notam­ment les fonds risk pari­ty), on constate de plus en plus de mini-évé­ne­ments de cor­rec­tion sévère et rapide. Cela étant, il faut prendre un peu de recul et se rap­pe­ler que his­to­ri­que­ment toutes les grandes crises qui ont frap­pé nos éco­no­mies sont venues du cré­dit après une longue période où les condi­tions de prêt ont été trop laxistes entraî­nant le finan­ce­ment de nom­breux pro­jets / socié­tés non éco­no­mi­que­ment viables.

Le secteur financier semble pourtant attirer moins d’ingénieurs qu’il y a vingt ou trente ans ?

Deux obser­va­tions. D’une part, de nou­veaux domaines pas­sion­nants sont appa­rus comme le trai­te­ment des don­nées. Dans ces domaines-là, les com­pé­tences des ingé­nieurs sont par­fai­te­ment adap­tées. Ce domaine a véri­ta­ble­ment explo­sé ces dix, quinze der­nières années. D’autre part, un élan nou­veau est appa­ru en France avec un essor de l’entrepreneuriat et la créa­tion de nom­breuses start-up. Là encore, la for­ma­tion de nos ingé­nieurs est par­fai­te­ment adap­tée pour résoudre tout un tas de pro­blèmes qui émergent lorsque vous vous lan­cez dans une aven­ture comme celle-ci. Enfin, il ne faut pas oublier que la finance a tra­ver­sé une crise majeure en 2007–2009 et qu’elle ne s’en est jamais vrai­ment remise. Il n’y a qu’à voir les rému­né­ra­tions variables qui ont très for­te­ment chu­té dans la plu­part des banques.

Pourquoi avoir choisi ce nom de Napoleon, si particulier ?

Il faut déjà savoir que Napo­léon est une des « marques » les plus connues au monde, ce qui aide tou­jours lorsqu’on veut se faire connaître. La pre­mière rai­son est liée à notre École qui pour mémoire a acquis son sta­tut mili­taire grâce à Napo­léon Bona­parte en 1804. Entre nos par­cours res­pec­tifs pour Arnaud et moi, notre ren­contre lors de cette for­ma­tion sur le big data en 2015, notre incu­ba­tion dans le par­cours X‑Up, l’École a joué un rôle impor­tant dans ce pro­jet. La deuxième rai­son est que le Napo­léon est aus­si une pièce d’or, sym­bole de l’épargne pour nos ancêtres. Quoi de mieux pour repré­sen­ter nos solu­tions d’investissement ! Enfin, en son temps, Napo­léon a été quelqu’un de très nova­teur, valeur que nous sou­hai­tons incar­ner au tra­vers de notre ancrage dans la finance du futur (finance quan­ti­ta­tive) et dans la blo­ck­chain.

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