Eric Labaye souhaite faire de l’X une institution mondialement connue et reconnue

Faire de l’X une institution mondialement connue et reconnue

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°745 Mai 2019

Six mois après sa prise de fonc­tion, le nou­veau pré­sident de l’X évoque le par­cours qui l’a conduit à son poste et fait le point sur les nom­breux chan­tiers en cours en matière d’éducation, de recherche, de fonc­tion­ne­ment, d’aménagement du cam­pus, de diver­si­té, de rayon­ne­ment et de déve­lop­pe­ment des res­sources propres, chan­tiers qui visent à ame­ner l’École poly­tech­nique au niveau d’un lea­der­ship d’excellence mondial.

Quel a été ton cursus jusqu’à ton entrée dans la vie professionnelle et quelle a été l’empreinte de l’X sur ce parcours ?

Ori­gi­naire du Ber­ry, né dans une famille d’enseignants, j’ai très vite eu le goût des maths, de la phy­sique et de toutes les matières scien­ti­fiques. C’est ce qui m’a conduit à Louis-le-Grand puis à l’X. De mon pas­sage à l’École, je retiens d’abord la ren­contre avec des gens for­mi­dables, leur agi­li­té intel­lec­tuelle, leurs qua­li­tés humaines, et en par­ti­cu­lier au sein de l’équipe de hand­ball où je me suis fait des amis pour tou­jours. Autre sou­ve­nir : la période mili­taire dans la cava­le­rie qui a consti­tué une expé­rience humaine irrem­pla­çable. D’abord à Sau­mur où j’ai connu des gens remar­quables et ensuite, pen­dant sept mois, à Ber­lin où je me suis vu confier de vraies res­pon­sa­bi­li­tés à la tête d’un pelo­ton de chars. On prend conscience qu’on repré­sente la France, on y déve­loppe aus­si son sens du lea­der­ship. De la période d’études, je garde évi­dem­ment le sou­ve­nir de pro­fes­seurs excep­tion­nels comme Roger Balian (52) ou Jean-Louis Bas­de­vant. J’ai beau­coup aimé la façon dont ils nous fai­saient décou­vrir la pro­fon­deur de la science et le recul qu’ils nous don­naient. J’ai appris à abor­der les pro­blèmes en fai­sant la part entre cer­ti­tudes et incer­ti­tudes. Autre période mar­quante : le stage de trois mois dans les labo­ra­toires du CEA. Enfin, un sou­ve­nir pit­to­resque que seule la pro­mo­tion 1980 a connu : défi­ler de nuit sur les Champs-Ély­sées un 14 juillet, une déci­sion de Fran­çois Mit­ter­rand. De toute cette période, je retiens sur­tout la for­mi­dable ouver­ture au monde que consti­tue le pas­sage à l’X.

Qu’est-ce qui te conduit alors à entrer chez McKinsey ?

J’étais très atti­ré par les nou­velles tech­no­lo­gies – infor­ma­tique, télé­com­mu­ni­ca­tions… – et ai donc choi­si le corps des télé­com­mu­ni­ca­tions. Pen­dant l’école d’application, j’ai fait un stage d’un an à New York avec comme mis­sion d’aider des entre­prises fran­çaises à entrer sur le mar­ché amé­ri­cain récem­ment déré­gu­lé. Cette expé­rience m’a don­né le goût de l’international et en ren­trant à Paris, j’ai déci­dé de quit­ter la direc­tion géné­rale des télé­com­mu­ni­ca­tions, qui n’offrait pas alors ce genre de pers­pec­tives. Aux USA, j’avais été pas­sion­né par un livre écrit par deux direc­teurs asso­ciés de McKin­sey : In search of excel­lence. Ayant contac­té ce cabi­net, il m’a pro­po­sé une bourse pour suivre le MBA de l’Insead. Au départ, j’ai tra­vaillé sur les appli­ca­tions des nou­velles tech­no­lo­gies, et de 1990 à 1996, j’ai été trans­fé­ré à New York où j’ai été élu direc­teur asso­cié de McKin­sey. À mon retour en France, j’ai pris la res­pon­sa­bi­li­té du sec­teur TMT et de 2002 à 2010, j’ai diri­gé le bureau fran­çais. J’ai ensuite été nom­mé au comi­té exé­cu­tif mon­dial en charge des fonc­tions « Know­ledge » et « Com­mu­ni­ca­tion ». Un rôle capi­tal car le cabi­net inves­tit annuel­le­ment 500 mil­lions de dol­lars en recherche et dis­sé­mi­na­tion des connais­sances. C’est éga­le­ment l’époque où j’ai pris la pré­si­dence du McKin­sey Glo­bal Ins­ti­tute, le think tank macroé­co­no­mique du cabi­net. J’ai aus­si été élu par mes pairs au conseil d’administration mon­dial du cabi­net pen­dant dix ans. Ces res­pon­sa­bi­li­tés m’ont ame­né à m’intéresser par­ti­cu­liè­re­ment aux ques­tions d’éducation et de recherche. Parce que dans les métiers du conseil il est cru­cial de déve­lop­per les per­sonnes, c’est tout natu­rel­le­ment que je me suis enga­gé dans les ins­tances de gou­ver­nance de l’Essec, de Télé­com Paris­Tech et de Sciences Po Paris.

Qu’est-ce qui t’a amené à prendre ton poste actuel ?

Un cabi­net de recru­te­ment m’a sol­li­ci­té l’an der­nier. Au départ, je me suis deman­dé si un tel chan­ge­ment n’était pas un peu pré­ma­tu­ré, mais j’ai vite été séduit par ce chal­lenge. J’avais pas­sé les deux tiers de mon acti­vi­té à aider des entre­prises fran­çaises à prendre place par­mi les lea­ders mon­diaux dans leurs domaines et l’idée d’en faire autant pour l’École poly­tech­nique me plai­sait. Je savais, par mon expé­rience, que l’École com­mence à être connue dans un cer­tain nombre de milieux – déci­deurs, uni­ver­si­tés, centres de recherche… – mais qu’il y a encore beau­coup à faire pour son rayon­ne­ment. Il faut que le réflexe consis­tant à pen­ser à l’X pour une for­ma­tion, un recru­te­ment, un par­te­na­riat, une recherche de poste… soit auto­ma­tique. C’est ce défi qui me motive. J’ajoute que la créa­tion de l’Institut Poly­tech­nique de Paris est un atout en ce sens, car elle per­met d’augmenter les moyens et d’atteindre une masse cri­tique pour être visible mon­dia­le­ment et ain­si atti­rer les meilleurs ensei­gnants et les meilleurs élèves. Cette alliance a le mérite de faire tra­vailler ensemble des éta­blis­se­ments qui ont de nom­breux atouts et valeurs en commun.

“Il faut que le réflexe consistant à penser à l’X
pour une formation, un recrutement, un partenariat, une recherche de poste… soit automatique”

Quels constats fais-tu au terme des six premiers mois passés à la tête de l’École ?

Le pre­mier est le dyna­misme et la créa­ti­vi­té des élèves et étu­diants que nous for­mons : en attestent les quelque 250 binets en acti­vi­té sur le pla­teau. Le second est le très fort atta­che­ment du per­son­nel à notre éta­blis­se­ment. Le troi­sième est la richesse de nos 23 labo­ra­toires de recherche : on est d’abord éton­né – waouh ! – puis on se demande pour­quoi ce n’est pas plus connu à l’extérieur. Qui sait que le LMD (labo­ra­toire de météo­ro­lo­gie dyna­mique) ali­mente le GIEC en don­nées et en modèles ? Ou que le far­tage des skis du cham­pion olym­pique Mar­tin Four­cade a été mis au point avec l’aide de notre labo­ra­toire d’hydrodynamique (LadHyX) ? Et de tels exemples sont très nom­breux. Le qua­trième constat, c’est l’ampleur des trans­for­ma­tions en cours avec en par­ti­cu­lier les nou­veaux pro­grammes qu’il fau­dra mener à bien. Autres constats : l’X dis­pose aus­si d’un très beau réseau inter­na­tio­nal qui lui vaut d’être recon­nue par ses pairs et d’être le plus inter­na­tio­nal de tous les éta­blis­se­ments fran­çais d’enseignement supé­rieur (27e mon­dial et 1er fran­çais au clas­se­ment THE) ; elle a aus­si la chance de pou­voir s’appuyer sur un réseau d’anciens très actif, grâce à l’AX et la FX ; le dyna­misme des start-up créées et héber­gées dans nos murs est incroyable et crée une forte sym­biose entre étu­diants, cher­cheurs et inves­tis­seurs. Deux points sont à amé­lio­rer : le fonc­tion­ne­ment admi­nis­tra­tif qui devrait gagner en agi­li­té et le cam­pus qui mérite d’être plus accueillant.

Parlons maintenant du futur et de tes ambitions pour l’École…

La pre­mière ambi­tion est d’assurer le plein suc­cès de tous les nou­veaux cur­sus qui viennent d’être lan­cés, c’est-à-dire faire que l’X soit une des­ti­na­tion de choix pour tous les jeunes, qu’ils visent la for­ma­tion d’ingénieur, de bache­lor, celle de mas­ter ou de doc­teur… ou encore l’Exe­cu­tive edu­ca­tion pour ceux qui sont déjà en poste. En un mot, rendre l’X encore plus attrac­tive, ce qui implique de déployer une offre visible, lisible et reconnue.

La seconde ambi­tion est de nous ren­for­cer dans des domaines de recherche plu­ri­dis­ci­pli­naires et en par­ti­cu­lier éner­gie, intel­li­gence arti­fi­cielle, bio­mé­di­cal, et cyber­sé­cu­ri­té. L’X doit deve­nir un lieu prio­ri­taire pour tous ceux qui veulent ren­con­trer des cher­cheurs ou trou­ver de très bons étu­diants. Ceci implique de construire une offre et de la faire connaître. Par exemple en invi­tant des diri­geants du CAC40, qui vont volon­tiers voir des ins­ti­tu­tions étran­gères et ignorent qu’à leur porte il y a des choses remarquables.

La troi­sième ambi­tion est de voir au moins une des vingt à trente start-up qui chaque année naissent ou sont héber­gées dans nos murs, accé­der dans les cinq ans au rang de « licorne ».

À côté de ces suc­cès impor­tants pour le rayon­ne­ment de notre ins­ti­tu­tion, il y a trois ambi­tions qui me tiennent par­ti­cu­liè­re­ment à cœur. Celle d’améliorer le cam­pus et d’en faire un lieu de vie où il se passe tou­jours quelque chose et où les élèves et étu­diants soient épa­nouis. Celle de déve­lop­per la diver­si­té. Je me réjouis de pen­ser que la der­nière pro­mo­tion d’ingénieurs compte 22 % de femmes, mais nous devons conti­nuer à pro­gres­ser ce qui nous oblige à tra­vailler très en amont avec tous les acteurs du monde édu­ca­tif. Et enfin, l’ambition de bien éta­blir l’Institut Poly­tech­nique de Paris.

Où en est la création de l’Institut polytechnique de Paris ?

Le pro­jet avance vite. En sept mois, nous avons éta­bli les sta­tuts d’un éta­blis­se­ment qui sera créé dès ce mois de mai. Il sera habi­li­té à déli­vrer des diplômes com­muns. Pour l’instant, ce seront des titres de mas­ter ou doc­teur. La ques­tion des bache­lors sera étu­diée ulté­rieu­re­ment. Nous avons aus­si can­di­da­té pour les Écoles euro­péennes de recherche (EUR). Le comi­té exé­cu­tif de l’établissement réunit le pré­sident de l’X, qui sta­tu­tai­re­ment pré­side cette ins­tance, et les direc­teurs géné­raux des cinq écoles asso­ciées dans cette alliance : l’X, l’Ensta, l’Ensae, Télé­com Paris et Télé­com Sud­Pa­ris. Un cer­tain nombre de fonc­tions seront par­ta­gées, comme par exemple nous per­mettre de dou­bler notre force de frappe dans le domaine de la com­mu­ni­ca­tion ou de l’international.

Faire de l’X une institution mondialement connue et reconnue est l'ambition d'Eric Labaye
© École poly­tech­nique – J. Barande

La première mission de l’École est la formation. Quels sont tes rapports avec les élèves ?

Pen­dant toute ma car­rière pro­fes­sion­nelle chez McKin­sey, j’ai recru­té des jeunes X et cela m’a per­mis de gar­der le lien avec les élèves. Je retrouve aujourd’hui des pro­fils ana­logues, même s’ils évo­luent avec leur temps. Je tiens beau­coup à ren­con­trer régu­liè­re­ment des élèves, incluant les kes­siers et les repré­sen­tants élus des autres for­ma­tions. C’est un grand plai­sir de tra­vailler avec ces jeunes géné­ra­tions. Nos échanges portent notam­ment sur l’enseignement – le feed­back qu’ils me donnent est essen­tiel –, le sta­tut mili­taire de l’École, les par­cours, la diver­si­té, le clas­se­ment, etc.

Un mot pour conclure ?

L’X fait régu­liè­re­ment des échanges avec de grandes uni­ver­si­tés euro­péennes dans le cadre de l’association Euro­Tech, un réseau d’universités avec DTU (Copen­hague), TUM (Munich), TU (Eind­ho­ven), EPFL (Lau­sanne) et le Tech­nion. Récem­ment, nous avons été invi­tés par la TUM, notre par­te­naire de Munich qui a pré­sen­té sa feuille de route pour le futur avec trois axes majeurs : la plu­ri­dis­ci­pli­na­ri­té, le lea­der­ship et les grands sujets de socié­té. À l’heure où l’École célèbre son 225e anni­ver­saire, il était heu­reux de retrou­ver là les valeurs qui animent l’X depuis sa création.

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