Bizet Carmen

Georges Bizet : Carmen

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°744 Avril 2019Rédacteur : Marc DARMON (83)

Georges Bizet, Carmen Anna Caterina Antonacci, Jonas Kaufmann, Covent Garden, Dir Antonio PappanoIl aura fal­lu que cette rubrique ait quinze ans, il aura fal­lu cette pro­duc­tion idéale de Covent Gar­den, pour que je parle ici de l’opéra le plus joué au monde, Car­men de Bizet.

Pour­tant les réa­li­sa­tions de qua­li­té en vidéo ne manquent pas, dont la prise de rôle de la grande Anne Sofie von Otter (un DVD Opus Arte, avec Laurent Naou­ri en toréa­dor), mais aus­si bien enten­du le film de Fran­ces­co Rosi avec Plá­ci­do Domin­go, Rug­ge­ro Rai­mon­di et Julia Migenes dans le rôle de la bohé­mienne, célèbre pro­duc­tion de Gau­mont de 1984 qui a contri­bué à popu­la­ri­ser cet opé­ra, et un des meilleurs exemples de films d’opéra. Car­men reste un grand sou­ve­nir de ma jeu­nesse d’amateur d’opéra, je garde un sou­ve­nir vrai­ment pré­cis des repré­sen­ta­tions de 1980 au palais Gar­nier, avec une dis­tri­bu­tion impen­sable à Paris aujourd’hui : sous la direc­tion de Clau­dio Abba­do, Tere­sa Ber­gan­za, Pla­ci­do Domin­go, Rug­ge­ro Rai­mon­di et Katia Ricciarelli !

Excep­tion­nel­le­ment, nous ne dirons rien de l’intrigue de cet opé­ra qui reprend fidè­le­ment la nou­velle que Méri­mée écri­vit en 1845, cinq ans après son autre drame célèbre empli lui aus­si de ven­geance, de tra­di­tion fami­liale et d’amour contra­rié, Colom­ba. Les décors simples mais justes (vrai feu de bois au milieu de la scène, vrai che­val pour sou­te­nir le toréa­dor…) de cette pro­duc­tion sont un écrin par­fait pour une per­for­mance musi­cale remar­quable. Pour une fois com­men­çons par le chef, Anto­nio Pap­pa­no, qui nous prend à la gorge dès l’ouverture, son orchestre étant par­ti­cu­liè­re­ment bien enre­gis­tré et d’une stu­pé­fiante qua­li­té (les solos de flûte pen­dant les entractes !).

Mais bien enten­du, si je me suis pré­ci­pi­té sur ce DVD, c’est pour la grande Anna Cate­ri­na Anto­nac­ci, que je connais­sais bien comme Cas­sandre hyp­no­tique dans Les Troyens de Ber­lioz (DVD com­men­té ici en jan­vier 2007), for­mi­dable Cléo­pâtre de Ber­lioz en concert (ma fille m’avait emme­né de force la ren­con­trer dans sa loge, tel­le­ment elle m’avait vu enchan­té). Nous étions éga­le­ment à sa prise de rôle dans Car­men, dans la froi­deur d’un décor et d’une mise en scène à l’Opéra Bas­tille qui des­ser­vait sa voix et son enga­ge­ment. Elle avait par­ta­gé son sen­ti­ment avec moi après le spectacle.

Là, à Covent Gar­den, elle est incroyable. Elle com­bine une musi­ca­li­té super­la­tive, un sens du théâtre avec l’agressivité et le « chien » que doit avoir la bohé­mienne, une voix d’une grande cha­leur et un fran­çais par­fait. Sa Haba­ne­ra (« L’amour est enfant de bohème ») est brillante, sa Ségue­dille trente minutes plus tard est encore supérieure.

Le plus grand ténor actuel, Jonas Kauf­mann, aborde ici son second grand rôle fran­çais après un Wer­ther qui a fait date. Excep­tion­nel­le­ment avec les che­veux longs (noués quand il est sol­dat, dénoués quand il est bri­gand), il est natu­rel­le­ment remar­quable, avec sa voix à la fois brillante et chaude. Et pré­ci­sons qu’à Londres tous les chan­teurs (sauf peut-être le toréa­dor Esca­mil­lo), même les enfants sol­dats, ont un fran­çais clair et intel­li­gible, bien plus qu’à la der­nière repré­sen­ta­tion à Paris.

Avec le film de Fran­ces­co Rosi, à l’image un peu vieillie, c’est la ver­sion de Car­men en vidéo que je recom­mande sans hésiter.


Georges Bizet, Car­men
Anna Cate­ri­na Anto­nac­ci, Jonas Kauf­mann, Covent Gar­den, Dir Anto­nio Pappano

Un Blu-ray Decca

Poster un commentaire