Philippe Dupuis (51), l’artisan du GSM

Dossier : TrajectoiresMagazine N°744 Avril 2019Par Marc-Antoine DUPUIS

Phi­lippe Dupuis est décé­dé le 7 février 2019 à Paris. Expert en radio­com­mu­ni­ca­tions, il a for­te­ment contri­bué à la créa­tion du GSM, pre­mier stan­dard ouvert de télé­pho­nie mobile numé­rique, aux cinq mil­liards d’utilisateurs. 

Phi­lippe Dupuis est né en 1931 à Saint-Romain-de-Col­bosc (Seine-Mari­time). En 1949, il est lau­réat en mathé­ma­tiques du concours géné­ral des lycées et col­lèges. Après Poly­tech­nique et l’ENST, il rejoint en 1956 le dépar­te­ment des com­mu­ni­ca­tions mobiles de l’administration des télé­com­mu­ni­ca­tions fran­çaise. Il y super­vise notam­ment le fonc­tion­ne­ment tech­nique du pre­mier réseau fran­çais de télé­pho­nie mobile cou­vrant la région pari­sienne en VHF.

En 1962, il rejoint France Câbles & Radio, entre­prise publique exploi­tant des ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions inter­na­tio­naux dans plu­sieurs pays. Après avoir diri­gé leurs opé­ra­tions en Afrique de l’Ouest de 1962 à 1965, en rési­dence au Séné­gal, il a créé à Paris une équipe d’ingénieurs ayant mis au point des tech­no­lo­gies rédui­sant consi­dé­ra­ble­ment le coût des sta­tions ter­riennes pour les pays en développement.

En 1972, il intègre l’administration fran­çaise des télé­com­mu­ni­ca­tions pour gérer la divi­sion char­gée des opé­ra­tions des ser­vices inter­na­tio­naux. En 1978, il devient direc­teur géné­ral de Sofre­com, socié­té fran­çaise four­nis­sant des ser­vices de conseil tech­nique aux opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions du monde entier.

Un premier modèle GSM taille valise, sur le porte-bagages de sa moto

En 1981, il devint conseiller du direc­teur géné­ral des télé­com­mu­ni­ca­tions pour les ser­vices mobiles. Sa double com­pé­tence en réseaux radio et en coopé­ra­tion inter­na­tio­nale l’a conduit à jouer un rôle clé pour la réus­site de l’élaboration de la norme GSM, en contri­buant à la mise en place de la coopé­ra­tion de R & D fran­co-alle­mande. Il fal­lait en par­ti­cu­lier éta­blir la fai­sa­bi­li­té d’un réseau mobile cel­lu­laire entiè­re­ment numé­rique. Phi­lippe Dupuis a diri­gé la délé­ga­tion fran­çaise pour le GSM à la CEPT puis à l’ETSI. Prin­ci­pal lea­der dans la créa­tion du consen­sus pour l’adoption de la norme GSM en 1987 entre les prin­ci­paux par­te­naires euro­péens, il aura aus­si joué un rôle fon­da­men­tal dans le choix de la tech­no­lo­gie radio uti­li­sée, avec notam­ment l’inclusion du saut lent de fré­quence. Deve­nu consul­tant indé­pen­dant en 1992, Phi­lippe Dupuis a suc­cé­dé à Tho­mas Haug à la pré­si­dence du groupe GSM. Jusqu’à sa retraite en 1996, il aura contri­bué à la main­te­nance de la norme GSM et à l’amorçage des tra­vaux sur les mobiles 3G.

L’intérêt général avant tout

Per­son­na­li­té rigou­reuse, fiable, dotée d’un grand humour, bien­veillant auprès des siens, il maî­tri­sait par­fai­te­ment l’anglais, grâce en par­tie à sa seconde épouse anglaise. Ses com­pères étran­gers évo­quaient sa grande inté­gri­té, ses capa­ci­tés à éla­bo­rer des stra­té­gies et les mettre en appli­ca­tion « avec sou­plesse ». Il fai­sait par­tie de ces grands ingé­nieurs d’après-guerre, qui ont œuvré au ser­vice de l’intérêt géné­ral. Euro­péen convain­cu, il a sou­vent cri­ti­qué la concur­rence inégale éta­su­nienne et l’appétit sans limites de cer­taines entre­prises amé­ri­caines. Plus récem­ment, il consta­tait avec tris­tesse que les smart­phones s’étaient conver­tis en outils au ser­vice des GAFA.

Une reconnaissance scientifique forte

La coat­tri­bu­tion en 2018 avec son ami Tho­mas Haug, de la médaille James Clerck Max­well, remise par l’Institut amé­ri­cain des ingé­nieurs élec­tri­ciens et élec­tro­ni­ciens et la Socié­té royale d’Édimbourg, des mains du prince William, duc de Cam­bridge, a repré­sen­té pour Phi­lippe Dupuis un très grand hon­neur. En effet, son admi­ra­tion était très forte pour ce mathé­ma­ti­cien et phy­si­cien écos­sais, né à exac­te­ment un siècle d’écart, et à l’origine des équa­tions sur les ondes électromagnétiques.

Enfant, il sou­hai­tait faire « une révo­lu­tion » ; per­sonne, ni lui-même, n’imaginait que la révo­lu­tion GSM et ses évo­lu­tions 3G/4G seraient aus­si fulgurantes.

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