Avra Tzevelekis (1994)

Dossier : Femmes de polytechniqueMagazine N°Avra Tzevelekis (1994)

Une grecque à l’X

Entrer à l’X, c’é­tait d’abord et avant tout réa­li­ser le rêve de mes parents, celui de réus­sir mes études pour réus­sir ma vie (un corol­laire évident, et qui ne manque pas de logique). Fac­teurs aidants : mes parents avaient fait eux-mêmes des études supé­rieures (dans l’armée ou le civil) et étaient ouverts à l’international. Et sur­tout ils firent tou­jours le maxi­mum pour m’assurer les meilleures condi­tions et le meilleur niveau d’éducation. Fac­teurs déci­sifs : avoir fait la moi­tié de ma sco­la­ri­té dans le sys­tème fran­çais (dans des pays étran­gers) et avoir été suf­fi­sam­ment bonne élève et matheuse pour décro­cher le bac C avec les féli­ci­ta­tions du jury et une bourse pour étu­dier en France.

Ce n’était pas un objec­tif, mais j’ai réus­si le concours. Et la beau­té du Pla­teau alliée au pres­tige de l’École ont ren­du ma déci­sion évi­dente. À vrai dire, je ne savais pas ce que je vou­lais faire, et cela me per­met­tait de repous­ser la déci­sion, en choi­sis­sant la voie royale, celle qui lais­sait le plus de portes ouvertes tout en me ras­su­rant sur mon « employabilité ».

Être femme à l’X

Quand j’écoute des femmes de géné­ra­tions plus anciennes, je leur rends hom­mage, car ce que j’entends, c’est qu’à leur époque elles ont fait ce choix par pas­sion, ont accep­té de se vivre et se reven­di­quer très dif­fé­rentes, et ont dû beau­coup se battre pour s’imposer. Elles sont entrées dans un monde très mas­cu­lin, pas for­cé­ment habi­tué à voir des femmes en son sein, peu for­mé à la diver­si­té. Pour moi, que ce soit lors de mes études ou dans ma vie pro­fes­sion­nelle, je ne me suis jamais sen­tie ni en dif­fi­cul­té, ni iso­lée, ni incom­prise. J’appréciais la com­pa­gnie de mes cama­rades, gar­çons ou filles, je pre­nais plai­sir à échan­ger avec eux. Je trou­vais les pro­fes­seurs d’excellent niveau. Un envi­ron­ne­ment en grande majo­ri­té brillant, hon­nête et humain. La seule chose étrange pour moi a été le côté mili­taire. Ayant rejoint l’École sans être pas­sée par l’année de ser­vice mili­taire j’avoue être – bien que mon père ait été mili­taire – res­tée tou­jours un peu en marge de cette culture. L’X m’a d’abord appor­té deux belles années sur un beau cam­pus. Je garde, entre autres, un joli sou­ve­nir du Point Gam­ma. Intel­lec­tuel­le­ment, comme l’ensemble de mes études d’ingénieur, l’X m’a appor­té beau­coup de struc­ture et d’organisation. Affec­ti­ve­ment, quelques amis que je vois encore. Maté­riel­le­ment, une carte de visite et un car­net d’adresses pour ma vie professionnelle.

Et après l’X ?

Après l’étape de l’école d’application, ce fut l’entrée dans la vie active. Et elle eut lieu de façon fluide, grâce à ce par­cours. Mais elle fut aus­si un moment de grand chan­ge­ment avec d’abord la ren­contre de la diver­si­té, et la confron­ta­tion à des choix, dont aucun n’est bon ou mau­vais dans l’absolu, juste une expé­rience dif­fé­rente. Finis les scé­na­rios à par­tir des­quels, compte tenu de don­nées ini­tiales toutes connues, il n’y a qu’une réponse juste. Puis la prise de conscience que, même si je connais la meilleure solu­tion (ou suis convain­cue de la connaître), il faut que je le fasse savoir, que je la fasse connaître auprès des déci­sion­naires (qu’il me faut avoir iden­ti­fiés) et que je convainque qu’elle est la meilleure.

Enfin, pour ma propre pro­gres­sion, qu’il est cru­cial que je fasse savoir mes réus­sites, ce que je fais bien (mes talents), ce que je veux faire à moyen ou long terme. Je dois aus­si déve­lop­per mon réseau en conséquence.

Tout cela, je ne l’avais pas vrai­ment appris. Sans doute était-il plus facile pour moi de m’appuyer sur mes bonnes notes pour être recon­nue. Mais j’avais reçu une clé ouvrant beau­coup de portes. Une clé pour par­tir dans ce voyage de décou­verte du monde et de moi-même, de mes vrais talents et envies, dans de très bonnes condi­tions maté­rielles et avec un esprit curieux, ouvert et aiguisé.

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