Égalité des chances ou égalitarisme

Dossier : ExpressionsMagazine N°644 Avril 2009Par : Michel TARDIEU

Compte rendu d’une conférence de Lionel Stoleru dans le cadre des » Rencontres avec des hommes remarquables »

Compte rendu d’une conférence de Lionel Stoleru dans le cadre des » Rencontres avec des hommes remarquables »

On ne peut que mettre en pra­tique une cer­taine éga­li­té des chances en com­men­çant par l’é­cole où tous les enfants peuvent s’é­du­quer et s’é­pa­nouir. Mais l’é­vo­lu­tion de l’é­cole au siècle der­nier a été en recul. Les ins­ti­tu­teurs ne jouent plus le rôle de détec­teur de talents. L’é­ga­li­té des chances dans les grandes écoles a régres­sé et la pro­por­tion d’en­fants de familles modestes baisse.

Réduire les inéga­li­tés par le bas au départ et au cours de la vie, c’est pos­sible et souhaitable

Cette ségré­ga­tion des élites n’est pas satis­fai­sante. La dis­cri­mi­na­tion posi­tive intro­duite par Sciences Po est une avan­cée posi­tive. Le tuto­rat étu­diant fonc­tionne bien. Mais l’en­jeu est tel que cela devrait être la prio­ri­té du sys­tème édu­ca­tif. On peut faire bou­ger les lignes, mais avec une limite, celle de notre devise répu­bli­caine » Liber­té, Éga­li­té, Fra­ter­ni­té » qui rend anti­cons­ti­tu­tion­nelle toute mesure dis­cri­mi­na­toire. Ain­si la dis­cri­mi­na­tion » posi­tive » n’est pas consti­tu­tion­nel­le­ment pos­sible. À ces limites près, lut­ter contre les inéga­li­tés par le bas, avec des filets de sécu­ri­té est donc possible.

L’envie n’a pas sa place

Peut-on aus­si lut­ter par le haut en pla­fon­nant les hauts reve­nus, les pro­fits exor­bi­tants et les richesses exces­sives ? Cette ques­tion est liée à celle de l’en­vie : Ber­thold Brecht a dit jus­te­ment » L’en­vie d’huîtres tue autant que la faim de pain. » On retrouve là le dixième commandement.

Réduire les inéga­li­tés par le haut à l’arrivée, c’est impos­sible et dangereux

L’é­co­no­mie de mar­ché n’est pas com­pa­tible avec le pla­fon­ne­ment des inéga­li­tés par le haut. Son fon­de­ment est en effet la maxi­mi­sa­tion des pro­fits et, si on les limite, on tue l’en­tre­prise et le sys­tème, même si cer­tains pro­fits et bonus sont exces­sifs. Dans le sys­tème actuel (et on n’en a pas trou­vé d’autre), cha­cun doit satis­faire ses besoins abso­lus sans regar­der son voi­sin et s’y com­pa­rer. L’en­vie n’y a pas sa place.

De fait l’é­ga­li­té des chances que l’on peut aider à favo­ri­ser par­tiel­le­ment au départ implique l’i­né­ga­li­té à l’ar­ri­vée. Les hommes ne sont pas égaux et on ne devrait pas faire croire au citoyen que tout le monde est égal. À force d’être PPG (« proche des pré­oc­cu­pa­tions des gens ») et de leur dire que nous sommes pareils, les citoyens pensent que tout le monde peut rem­pla­cer tout le monde.

Toutes les opinions ne se valent pas

À la radio, ce sont les audi­teurs qui font le jour­nal et au lieu de faire appel à des experts pour com­prendre les évé­ne­ments, on fait des » micros-trot­toirs » assez lamen­tables. C’est dan­ge­reux car cela se tra­duit par le rejet des élites. L’i­dée que toutes les opi­nions sont res­pec­tables et se valent est absurde et détruit l’é­chelle des valeurs. Cer­tains ont des qua­li­tés que d’autres n’ont pas. Il faut donc sor­tir de cette éga­li­té for­melle et accep­ter l’i­né­ga­li­té natu­relle qui est colos­sale, tout en fai­sant le maxi­mum pour réduire les inéga­li­tés de départ, mal­gré les nom­breuses limites qui existent. Les hommes sont égaux en digni­té, mais pas en qua­li­té et doivent être jugés en fonc­tion de ce qu’ils font.

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