Hanoî s'agite

Viêtnam : carnet de route

Dossier : Le Viêtnam en 2005Magazine N°609 Novembre 2005Par Jean-Philippe KALFON

Des mon­tagnes déchi­que­tées posées sur l’eau, des pitons rocheux émer­geant des rizières, le silence péné­trant des hautes mon­tagnes boi­sées, les méandres pares­seux des eaux brunes du Mékong… Au Viêt­nam, la nature est apai­sante, majes­tueuse, sur­réa­liste ! Elle est mère nour­ri­cière, éter­nel théâtre d’un temps qui passe au ralen­ti au rythme d’un labeur archaïque sous les cha­peaux coniques (non la), le long des labours len­te­ment creu­sés par un buffle ou sur les barques inso­lites des mar­chés flot­tants du Mékong…


 
Hanoî fébrile
Hanoi, la ville s’agite, fébrile, tel un dense tour­billon de motos klaxon­nant sans cesse…

Dans les villes, c’est l’ef­fer­ves­cence, le tour­billon anar­chique et fré­né­tique ! Comme pour chas­ser une misère encore pré­sente… Droit devant, vite ! Le Viêt­nam est en marche…

Il bruine sur le pont supé­rieur. Le ciel est bas. L’eau est d’huile et le navire che­mine pai­si­ble­ment dans le silence péné­trant d’une mer infi­nie sau­pou­drée d’é­tranges mon­tagnes aux formes lon­gi­lignes et déchi­que­tées. Nous croi­sons quelques pêcheurs par­mi les pains de sucre émer­geant de l’eau. Der­rière les mon­tagnes, le soleil levant baigne d’une lumière oran­gée les mai­sons de bois colo­ré posées sur des barges flot­tantes. Quelques lampes s’al­lument, les enfants jouent, des pêcheurs sillonnent déjà le vil­lage qui s’é­veille, blot­ti quelque part, au creux de la baie… Dans la brume fine et silen­cieuse, la baie d’A­long res­pire, terre et eau sur­réa­listes, cachée der­rière le monde…

le lac Hoan Kiem. à Hanoï
... et le calme… le lac Hoan Kiem.
Delta du Mékong.
Del­ta du Mékong.

Hanoi, la ville s’a­gite, fébrile, tel un dense tour­billon de motos klaxon­nant sans cesse. Pour­tant, on ne s’y sent pas oppres­sé. C’est peut-être le soleil, la pierre jau­nie des façades colo­niales déla­brées, les rues étroites aux allures de pro­vince, le calme impas­sible des com­mer­çants assis par terre de chaque côté de la rue, ou le visage serein des conduc­teurs de ces machines infer­nales qui défilent dans une anar­chie orga­ni­sée dont eux seuls connaissent les règles ? Bor­dé d’une pro­me­nade ombra­gée, le lac Hoan Kiem est un havre de calme, un lieu de vie, de balade et de cau­se­rie sur les bancs. Quelques vieillards y pra­tiquent une gym­nas­tique relaxante, ados­sés aux branches d’un arbre qui sur­plombe l’eau. Nous y croi­sons M. Thinh, ancien pro­fes­seur d’é­co­lo­gie. En riant très fort, il nous explique dans un fran­çais par­fait qu’il aime les femmes, et nous montre fiè­re­ment une pho­to de lui auprès du géné­ral Giap, vain­queur de Diên Biên Phu…

Un marché du delta du Mékong.
Un mar­ché du del­ta du Mékong.

Les yeux encore mi-clos, je pose un pied sur la petite barque de bois. La jeune Bui démarre le moteur sous l’œil atten­tif de son grand frère res­té sur la berge. Nous nous fau­fi­lons len­te­ment entre les canaux étroits bor­dés d’une dense forêt de coco­tiers. Le soleil se lève sur les eaux brunes du Mékong. Sur la rive, les habi­tants des petites mai­sons de bois font leur toi­lette mati­nale. En quit­tant les canaux, nous retrou­vons un large bras du fleuve où quatre ran­gées d’im­po­santes barques de bois brun à deux étages sont ali­gnées sur quelques cen­taines de mètres. Sur cha­cune, une longue perche indique, par un échan­tillon accro­ché, la varié­té de fruits ou légumes que l’on y trouve.

Les femmes dans un marché.
Les femmes dans un marché.

Nous sommes arri­vés au mar­ché flot­tant de Cai Rang, le plus impor­tant du del­ta du Mékong. Autour, de petits bateaux en bois, à rames ou à moteur, accostent ou repartent. Char­ge­ments, dis­cus­sions, échanges, c’est l’a­bon­dance ! Sur les berges, le mar­ché s’a­gite dans les ruelles étroites. Der­rière les canaux, les pêcheurs jettent leurs filets entre les barques des ven­deurs et trient les quelques pois­sons attra­pés par­mi les nom­breux détri­tus pris dans les mailles… Le Mékong est calme. Il res­pire la vie dans ses eaux boueuses. Une vie qui grouille, au ralenti !

Un portrait.
Un por­trait.
La baie d’Along...
Et la fameuse baie d’Along…

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