Verts qui rient, écolos qui pleurent

Dossier : Libres proposMagazine N°561 Janvier 2001
Par Hervé NIFENECKER (55)

Les effets d’an­nonce concer­nant le recours à des éner­gies renou­ve­lables ou à des éco­no­mies d’éner­gie jouent, en fait, le rôle de masque. Si les Alle­mands avaient cru sérieu­se­ment à la pos­si­bi­li­té de se pas­ser du nucléaire sans recou­rir aux éner­gies fos­siles, il leur aurait été pos­sible de s’en­ga­ger à ne rem­pla­cer en aucun cas les cen­trales nucléaires par des cen­trales à com­bus­tible fos­sile. Alors, oui, on aurait pu se réjouir sans arrière-pensée.

La déci­sion alle­mande, en réa­li­té, consiste à faire le choix des com­bus­tibles fos­siles de pré­fé­rence au nucléaire1.

Ce choix est-il de nature à réjouir ceux qui ont pour sou­ci l’a­ve­nir de notre planète ?

Il faut donc com­pa­rer les incon­vé­nients du nucléaire et ceux des com­bus­tibles fos­siles pro­duc­teurs de gaz à effet de serre.

Les dangers du nucléaire

Ceux du nucléaire sont bien connus : risques d’ac­ci­dent grave, irra­dia­tion dif­fuse, risques liés à la ges­tion des déchets, risques de pro­li­fé­ra­tion. Si ces risques existent bien, ils sont, en géné­ral, lar­ge­ment gros­sis par les oppo­sants sys­té­ma­tiques au nucléaire et sus­citent des réac­tions de peur tout à fait dis­pro­por­tion­nées dans une large part de la popu­la­tion, cette peur étant, d’ailleurs, uti­li­sée sans ver­gogne par les anti­nu­cléaires pro­fes­sion­nels. Il est, bien sûr, hors de ques­tion d’é­tu­dier ces risques en détail ici, mais quelques réflexions per­met­tant de les remettre à leur vraie place me semblent utiles.

Rap­pe­lons, tout d’a­bord, que nous bai­gnons tous dans une radio­ac­ti­vi­té natu­relle dont l’in­ten­si­té varie de plus d’un fac­teur 5 d’un endroit de la pla­nète à un autre. Aucun effet nocif de la radio­ac­ti­vi­té natu­relle n’a jamais pu être démontré.

C’est grâce à l’exis­tence de cette radio­ac­ti­vi­té natu­relle (qui a les mêmes carac­té­ris­tiques que la radio­ac­ti­vi­té arti­fi­cielle), que l’in­dus­trie nucléaire a été une des pre­mières à pou­voir mettre en œuvre le prin­cipe de pré­cau­tion : en limi­tant le sur­croît d’ir­ra­dia­tion dû aux acti­vi­tés humaines à une frac­tion de la radio­ac­ti­vi­té natu­relle, on peut être sûr que l’ef­fet sur la san­té du public sera négli­geable. Ceux qui affirment que toute dose de radia­tion, aus­si faible soit-elle, est dan­ge­reuse pour la san­té sont soit men­teurs, soit igno­rants, et, par là même, faci­le­ment manipulés.

Pour fixer les idées sur la dan­ge­ro­si­té des radia­tions et sur la signi­fi­ca­tion des normes d’ex­po­si­tion consi­dé­rées comme accep­tables, les tableaux sui­vants com­parent les risques dus à l’ir­ra­dia­tion à ceux entraî­nés par la consom­ma­tion de tabac.

Rap­pe­lons que le tabac cause envi­ron 60 000 décès chaque année en France et que les Fran­çais fument envi­ron 5 mil­liards de paquets de ciga­rettes annuel­le­ment. On peut donc esti­mer que la pro­ba­bi­li­té d’un décès pré­ma­tu­ré, essen­tiel­le­ment par can­cer, due à la consom­ma­tion de tabac est de l’ordre de 10-5 par paquet de cigarettes.

En ce qui concerne les effets des radia­tions la Com­mis­sion inter­na­tio­nale de pro­tec­tion contre les radia­tions retient un taux de 4.10-2 par sie­vert pour la pro­ba­bi­li­té d’in­duc­tion d’un can­cer mortel.

La com­pa­rai­son entre radia­tions et fumée de ciga­rettes est per­ti­nente puisque, dans les deux cas, l’ef­fet prin­ci­pal sur la san­té est un accrois­se­ment de l’in­ci­dence des can­cers2.

Cette com­pa­rai­son est faite dans les tableaux I et II, de telle manière que dose de radia­tion et nombre de paquets de ciga­rettes consom­més conduisent au même taux de décès prématurés.

L’é­qui­va­lence pré­sen­tée dans les tableaux I et II per­met de sou­li­gner, une fois encore, le fait que l’ap­pli­ca­tion sans pré­cau­tion de la rela­tion linéaire entre doses et effets à des éva­lua­tions de nombre de décès dus aux radia­tions à faibles doses heurte le bon sens : on consi­dé­re­rait, en effet, qu’il serait équi­valent qu’un seul indi­vi­du fume dix mille paquets de ciga­rettes ou que dix mille indi­vi­dus fument cha­cun un paquet !

Muni de cette équi­va­lence, il est pos­sible de mieux appré­cier la nature des pro­blèmes posés par l’éner­gie nucléaire.

Tableau I.
Com­pa­rai­son de cer­taines expo­si­tions aux radia­tions aux effets de la fumée de cigarettes
Dose annu​elle en millisevert Équi­valent en paquets de ciga­rettes par an
Total irra­dia­tion naturelle 3 15
Radon 2 10
Rayons cosmiques 0,3 1,5
Rayons X médicaux 0,4 2
Séjour d’un an à 2000 mètres 0,8 4
Irra­dia­tion du public due aux cen­trales nucléaires 0,0005 0,0025
Irra­dia­tion moyenne en France due à Tcher­no­byl dans la pre­mière année sui­vant l’accident 0,05 0,25

Tableau II.
Com­pa­rai­son des doses admis­sibles d’ir­ra­dia­tion aux effets de la fumée de cigarettes
Dose annu​elle en mil­li­se­vert par an Équi­va­lent en paquets de ciga­rettes par an
Professionnels 20 100
Public 1 5
Limite d’é­va­cua­tion autour de Tchernobyl 5 25

Les risques d’accident grave

Deux acci­dents graves servent, actuel­le­ment, de réfé­rence : Three Mile Island (TMI) et, sur­tout, Tchernobyl.

Dans le pre­mier cas on n’a à déplo­rer aucun décès. Deux opé­ra­teurs ont été signi­fi­ca­ti­ve­ment irra­diés. Aucune irra­dia­tion du public n’a eu lieu. Mal­gré cela, l’ac­ci­dent de TMI a créé une véri­table panique aux USA, entraî­nant, entre autres consé­quences, la perte de confiance vis-à-vis des experts nucléaires. L’ab­sence de vic­times n’a eu, à cet égard, aucune consé­quence. D’une cer­taine façon on peut dire qu’a­près TMI l’ap­proche du nucléaire est deve­nue com­plè­te­ment irra­tion­nelle, la peur du nucléaire (para­doxa­le­ment c’est uni­que­ment le nucléaire civil qui semble faire peur) pre­nant la place de l’an­ces­trale peur du loup.

La catas­trophe de Tcher­no­byl a eu, bien sûr, une tout autre ampleur que TMI.

Le bilan sani­taire recon­nu, quinze ans après la catas­trophe, s’é­ta­blis­sait à 35 morts par­mi les « liqui­da­teurs » au moment ou peu de temps après l’ac­ci­dent et à 1 500 can­cers de la thy­roïde, essen­tiel­le­ment par­mi les enfants. Par­mi ces can­cers trois s’é­taient avé­rés mor­tels. Les can­cers de la thy­roïde ont été faci­le­ment attri­bués à l’ir­ra­dia­tion par l’iode 131 qui se fixe pré­fé­ren­tiel­le­ment sur cet organe et a une durée de vie de huit jours, car les can­cers de la thy­roïde sont nor­ma­le­ment très rares chez les enfants.

Les autres types de can­cers sont beau­coup plus dif­fi­ciles à attri­buer spé­ci­fi­que­ment à Tcher­no­byl car ils ne peuvent appa­raître que comme une faible aug­men­ta­tion com­prise entre 0 et 3 % du nombre total de can­cers qui seraient appa­ru de toute façon, même si la catas­trophe n’a­vait pas eu lieu.

Envi­ron 5 mil­lions de per­sonnes en Ukraine et Bié­lo­rus­sie vivent dans un fond de radia­tion plu­sieurs fois plus éle­vé que ne l’é­tait celui dû à la radio­ac­ti­vi­té natu­relle avant la catas­trophe. Cette radio­ac­ti­vi­té sup­plé­men­taire est due au césium 137 dont la durée de vie est de trente ans.

Sur une telle popu­la­tion le nombre atten­du de can­cers mor­tels se décla­rant chaque année, en l’ab­sence de l’ir­ra­dia­tion sup­plé­men­taire due à l’ac­ci­dent, est de l’ordre de 20 000, alors que le sur­croît dû à Tcher­no­byl serait, au maxi­mum, en uti­li­sant la rela­tion linéaire entre dose et effet, de l’ordre de 500 par an. Pour l’ins­tant aucune aug­men­ta­tion sta­tis­ti­que­ment signi­fi­ca­tive n’a été observée.

Bien qu’é­tant lourd ce bilan est très infé­rieur aux 200 000 à 500 000 morts que cer­tains pro­phètes de mal­heur s’é­taient plu à prophétiser.

Ces mêmes pro­phètes ou leurs émules ont, récem­ment, fait valoir que 15 000 morts auraient été décomp­tés par­mi les « liqui­da­teurs », rece­vant, en l’oc­cur­rence, une confir­ma­tion de la bouche du Ministre russe des catastrophes.

Il se trouve que les tables de mor­ta­li­té uti­li­sées par les actuaires pré­voient que 15 000 décès devraient être obser­vés en quinze ans dans une popu­la­tion de 250 000 per­sonnes âgées de 20 à 30 ans, repré­sen­ta­tive de celle des « liqui­da­teurs ». Le nombre total de liqui­da­teurs ayant été de 600 000, on voit que l’an­nonce de 15 000 décès par­mi eux depuis quinze ans n’a pas grande signi­fi­ca­tion, en l’ab­sence de don­nées plus pré­cises sur la popu­la­tion concer­née et les causes des décès.

En toute hypo­thèse les consé­quences de Tcher­no­byl pour les Ukrai­niens et les Bié­lo­russes seront bien infé­rieures à celles dues à la taba­gie et à l’al­coo­lisme. La catas­trophe de Tcher­no­byl est consi­dé­rée comme l’ar­ché­type de la plus grave catas­trophe du nucléaire civil envi­sa­geable. Les experts de la sûre­té nucléaire consi­dèrent que la pro­ba­bi­li­té pour qu’une catas­trophe de cette ampleur puisse se pro­duire avec les réac­teurs de type occi­den­tal est de l’ordre de un mil­lio­nième par réac­teur et par année de fonctionnement.

Pour la France, cela signi­fie­rait qu’un tel évé­ne­ment pour­rait se pro­duire tous les 20 000 ans. D’autres types d’ac­ci­dents sus­cep­tibles de pro­vo­quer davan­tage de vic­times (rup­ture de bar­rage, explo­sion d’un métha­nier, incen­die ou explo­sion chi­mique, chute de météo­rite, tem­pête tro­pi­cale, chute d’a­vion gros por­teur, etc.) ont une bien plus grande pro­ba­bi­li­té de se pro­duire. De même qu’une catas­trophe nucléaire, tous ces acci­dents auraient des consé­quences locales et (ou) régio­nales, mais, en aucun cas (à l’ex­cep­tion de la chute d’un très gros météo­rite), glo­bale. En aucun cas la bio­sphère ne serait mena­cée, ni même aucune espèce particulière.

Les déchets nucléaires

Il est cou­tu­mier de faire de la ques­tion des déchets nucléaires la rai­son majeure mili­tant en faveur de l’a­ban­don du nucléaire civil. On insiste sur la longue durée de vie de ces déchets en oubliant de dire que, contrai­re­ment aux déchets chi­miques, la dan­ge­ro­si­té des déchets nucléaires est inver­se­ment pro­por­tion­nelle à leur durée de vie : plus un noyau a une grande durée de vie, moins nom­breuses sont ses dés­in­té­gra­tions par uni­té de temps.

Un exemple très éclai­rant est don­né par la com­pa­rai­son entre deux types d’iode radio­ac­tive : l’iode 131 (res­pon­sable des can­cers de la thy­roïde de Tcher­no­byl) dont la durée de vie est de huit jours envi­ron, et l’iode 129 dont la durée de vie est d’en­vi­ron quinze mil­lions d’an­nées. Cette grande dif­fé­rence de durée de vie fait que l’iode 129 est près d’un mil­liard de fois moins dan­ge­reux que l’iode 131.

L’iode 129 est le déchet nucléaire dont la durée de vie est la plus longue. Il est pro­duit par la fis­sion de l’u­ra­nium 235 qui a, lui, une durée de vie de sept cents mil­lions d’an­nées. Pour 1 000 noyaux de ce der­nier qui fis­sionnent, seule­ment trois noyaux d’iodes sont produits.

La « dan­ge­ro­si­té » de l’iode 129 est donc du même ordre que celle du noyau d’u­ra­nium 235 dont il est issu. D’une façon géné­rale la fis­sion réduit le nombre de noyaux radio­ac­tifs de grande durée de vie.

Il est vrai que, dans les pre­miers mil­liers d’an­née, la « dan­ge­ro­si­té » des déchets nucléaires est plus grande que celle des noyaux qui ont fis­sion­né. Jus­qu’à quel point la radio­ac­ti­vi­té géné­rée par ces déchets pré­sente-t-elle un risque pour la biosphère ?

À court terme la radio­ac­ti­vi­té des déchets nucléaires est bien confi­née et sous contrôle, au point que les consé­quences pour la san­té des déchets sto­ckés est extrê­me­ment faible sinon nulle. La sûre­té des sto­ckages pro­fonds ne pour­rait, à l’é­vi­dence, qu’être bien meilleure encore que celle des sto­ckages en sur­face ou sub-sur­face. On s’ac­corde, géné­ra­le­ment, pour consi­dé­rer que la radio­ac­ti­vi­té res­te­rait confi­née pen­dant au moins mille ans dans ces sto­ckages pro­fonds. Ceux-ci étant situés à des pro­fon­deurs de 500 à 1 000 mètres, on peut com­pa­rer la radio­ac­ti­vi­té sus­cep­tible d’être décon­fi­née au bout de mille ans à celle des pre­miers mille mètres de la croûte terrestre.

On trouve, ain­si (en l’ab­sence de retrai­te­ment et d’in­ci­né­ra­tion des déchets qui pour­raient réduire leur dan­ge­ro­si­té par un fac­teur 100), dans le cas de la France, que la radio­ac­ti­vi­té cor­res­pon­dant à cent ans de pro­duc­tion par 100 réac­teurs (actuel­le­ment il y en a 57 en ser­vice en France) serait infé­rieure à un pour cent de la radio­ac­ti­vi­té natu­relle de la croûte.

On voit donc que le sto­ckage pro­fond ne pré­sente aucun dan­ger dans le court et moyen terme (sauf acci­dent de trans­port éven­tuel) pour les rive­rains, et que sur le long terme il ne consti­tue pas de risque au niveau glo­bal de la bio­sphère. Des risques locaux pour­raient exis­ter en admet­tant une intru­sion for­tuite dans un site par­ti­cu­lier, par un forage, par exemple. Il faut remar­quer que la grande durée de vie des déchets sub­sis­tant à l’ho­ri­zon du mil­lé­naire fait que, dans le cas d’un décon­fi­ne­ment, ils se dis­per­se­ront dans la bio­sphère avant de se dés­in­té­grer, ce qui devrait limi­ter les risques locaux. En conclu­sion on retrouve, en moins grave tou­te­fois, les carac­té­ris­tiques des acci­dents nucléaires en ce qui concerne le carac­tère local et, à la limite régio­nal, des risques encou­rus et l’ab­sence de consé­quences au niveau global.

La dif­fé­rence réside dans l’é­chelle de temps, et, là encore, un grain de bon sens ten­drait à faire croire que, toutes choses étant égales par ailleurs, un dan­ger se concré­ti­sant éven­tuel­le­ment dans mille ou dix mille ans est pré­fé­rable à un dan­ger qui menace dès aujourd’­hui ou dans le pro­chain siècle.

La ques­tion du trai­te­ment des déchets nucléaires illustre les inco­hé­rences et (ou) la mau­vaise foi de la majo­ri­té des oppo­sants au nucléaire. Tout d’a­bord il faut rap­pe­ler que, quoi qu’il arrive, il fau­dra bien trou­ver une solu­tion rai­son­nable à la ges­tion des 200 000 tonnes de com­bus­tibles irra­diés qui auront été pro­duits d’i­ci 2010, et ceci même en cas de sor­tie géné­ra­li­sée du nucléaire.

Quelle est donc la solu­tion à ce pro­blème pro­po­sée par les par­ti­sans de la sor­tie du nucléaire ?

Il est recon­nu que les seules solu­tions pos­sibles sont la trans­mu­ta­tion des déchets dans des réac­teurs nucléaires, éven­tuel­le­ment d’un type nou­veau et (ou) l’en­fouis­se­ment en site pro­fond. Le sto­ckage en sur­face ou sub-sur­face ne peut qu’être une solu­tion d’at­tente. La trans­mu­ta­tion exige le retrai­te­ment et l’ir­ra­dia­tion en réacteur.

Les oppo­sants au nucléaire refusent la mise en œuvre de ces pro­cé­dés en exi­geant l’ar­rêt des usines de retrai­te­ment et celui des réac­teurs. Exit donc, selon eux, la pos­si­bi­li­té de la trans­mu­ta­tion. Il est d’ailleurs piquant de consta­ter que les mêmes réclament, à juste titre, le tri sélec­tif de tous les déchets autres que nucléaires. Où est la logique ici ?

La seule solu­tion reste donc l’en­fouis­se­ment en pro­fon­deur. Mais, nos oppo­sants refusent, éga­le­ment et bruyam­ment, la réa­li­sa­tion des labo­ra­toires sou­ter­rains qui devraient per­mettre la défi­ni­tion des meilleurs sites. Que faire alors, si ce n’est attendre un miracle ? Ou bien serait-ce que le sort des déchets n’in­té­resse les oppo­sants au nucléaire que dans la mesure où il per­met d’af­fo­ler les populations ?

Les dangers de prolifération

Les maté­riaux de base uti­li­sés pour la fabri­ca­tion de l’ex­plo­sif nucléaire sont l’u­ra­nium 235 et le plu­to­nium 239. L’u­ra­nium 235 est pré­sent dans l’u­ra­nium natu­rel dans la pro­por­tion de 0,7 %, alors qu’une concen­tra­tion en cet iso­tope de plus de 90 % est néces­saire pour la fabri­ca­tion d’une bombe. Il s’en­suit qu’il est néces­saire de pro­cé­der à une opé­ra­tion d’en­ri­chis­se­ment isotopique.

Jusque dans les années soixante-dix deux tech­niques lourdes, oné­reuses et grandes consom­ma­trices de cou­rant étaient uti­li­sées : la sépa­ra­tion élec­tro­ma­gné­tique et la sépa­ra­tion par dif­fu­sion gazeuse.

Désor­mais deux nou­velles tech­niques plus légères et plus dis­crètes sont deve­nues acces­sibles : la sépa­ra­tion par cen­tri­fu­ga­tion gazeuse et la sépa­ra­tion par laser.

En uti­li­sant ces dif­fé­rentes méthodes, tout pays dis­po­sant des com­pé­tences humaines et d’un mini­mum de moyens est en mesure de pro­duire suf­fi­sam­ment d’u­ra­nium 235 hau­te­ment enri­chi pour fabri­quer plu­sieurs bombes. C’est ce qu’a fait le Pakis­tan récem­ment et ce que l’I­rak était en train de faire. L’I­rak ne pos­sé­dait pas de réac­teur. Le Pakis­tan pos­sé­dait un réac­teur de puis­sance de type cana­dien, mais n’u­ti­li­sa pas ce réac­teur pour pro­duire la matière fis­sile néces­saire à ses pre­mières bombes.

L’autre maté­riau fis­sile, le plu­to­nium 239, est pro­duit dans des réac­teurs. Tous les réac­teurs fonc­tion­nant avec de l’u­ra­nium, natu­rel ou fai­ble­ment enri­chi, pro­duisent donc du plu­to­nium qu’il est rela­ti­ve­ment aisé d’ex­traire par des méthodes chi­miques. En réa­li­té, aucune des puis­sances nucléaires mili­taires ne l’est deve­nue en uti­li­sant des réac­teurs construits pour la pro­duc­tion d’électricité.

La démarche nucléaire civil vers nucléaire mili­taire ne s’est, donc, pas, à ma connais­sance, pro­duite. Au contraire, la démarche inverse du mili­taire vers le civil a été fré­quente et explique cer­taines carac­té­ris­tiques de l’in­dus­trie nucléaire civile qui ne se seraient peut-être pas impo­sées sans cela : par exemple l’u­ti­li­sa­tion de l’u­ra­nium enri­chi dans les réac­teurs à eau.

Il est vrai, aus­si, que des puis­sances nucléaires mili­taires ou ayant la volon­té de le deve­nir ont géré des réac­teurs de puis­sance pour en extraire du plu­to­nium de bonne qua­li­té mili­taire. Ce fut le cas de la France avec les réac­teurs gra­phite-gaz, et de l’U­nion sovié­tique avec les réac­teurs RMBK (type de Tchernobyl).

En réa­li­té il appa­raît que les États dési­rant s’é­qui­per de réac­teurs de puis­sance com­mer­ciaux sont ame­nés à signer le trai­té de non-pro­li­fé­ra­tion, et par là renoncent à la réa­li­sa­tion d’un arme­ment nucléaire.

On voit donc qu’en ce qui concerne les États les craintes de voir des cen­trales nucléaires civiles détour­nées à des fins mili­taires se sont avé­rées vaines jus­qu’à pré­sent. Les États ayant déci­dé d’ac­qué­rir un arme­ment nucléaire ont pu le faire s’ils pos­sé­daient les com­pé­tences humaines (phy­si­ciens, ingé­nieurs) et les moyens maté­riels pour le faire. En ce qui concerne des groupes ter­ro­ristes qui vou­draient pra­ti­quer le chan­tage nucléaire, il est à craindre que l’ef­fon­dre­ment de l’U­nion sovié­tique leur ait déjà, mal­heu­reu­se­ment, don­né les moyens de s’équiper.

En réa­li­té, si l’on veut sérieu­se­ment évi­ter une confla­gra­tion nucléaire dont les consé­quences éven­tuelles seraient sans com­mune mesure avec Tcher­no­byl, il faut s’at­ta­quer fer­me­ment et for­te­ment à l’ar­me­ment nucléaire et l’on aime­rait voir les anti­nu­cléaires mon­trer ne serait-ce qu’au­tant d’ar­deur dans un com­bat contre les arme­ments nucléaires des grandes puis­sances que contre l’in­dus­trie nucléaire civile !

Il est vrai que s’at­ta­quer au lob­by mili­ta­ro-indus­triel est autre­ment dif­fi­cile que de s’at­ta­quer à un lob­by nucléaire civil dont on aime­rait savoir de qui et de quoi il se com­pose. D’ailleurs, comme nous allons le voir main­te­nant les » Verts » sont étran­ge­ment dis­crets à l’é­gard des vrais lob­bys puis­sants comme celui des pétroliers.

Les dangers des combustibles fossiles

Nous n’in­sis­te­rons pas, ici, sur les dan­gers bien connus liés à la pro­duc­tion, au trans­port et à l’u­ti­li­sa­tion des com­bus­tibles fos­siles : acci­dents dans les mines de char­bon, incen­dies de pipe-lines (5 000 morts au Nige­ria il y a quelques années), explo­sion de gazo­ducs (Sibé­rie, Mexi­co), et, bien enten­du, en ce qui concerne le gaz, explo­sions domes­tiques (près de 100 morts par an en France).

Nous n’in­sis­te­rons pas non plus sur les marées noires, l’im­pact envi­ron­ne­men­tal de l’ex­ploi­ta­tion du Grand Nord, les guerres cau­sées par la volon­té de contrô­ler les res­sources ou les pipe­lines (Bia­fra, Koweit, Tchét­ché­nie, Ango­la, etc.).

Tous ces dan­gers, toutes ces guerres liées à l’u­ti­li­sa­tion des com­bus­tibles fos­siles, pour dra­ma­tiques et meur­triers (beau­coup plus que Tcher­no­byl !) qu’ils soient res­tent des dan­gers cir­cons­crits au niveau local et régio­nal, et ne mettent pas en cause la bio­sphère elle-même, sauf si les conflits régio­naux dégé­né­raient un jour en conflit mondial.

Nous por­te­rons notre argu­men­ta­tion sur l’é­mis­sion de gaz à effet de serre.

L’u­ti­li­sa­tion des com­bus­tibles fos­siles conduit à la pro­duc­tion de gaz à effet de serre : gaz car­bo­nique, dans tous les cas, en quan­ti­té plus ou moins grande (deux fois moins, à tech­no­lo­gie égale, pour le gaz que pour le char­bon) et méthane, dans le cas du gaz natu­rel du fait des fuites.

Ces fuites sont esti­mées à 5 % envi­ron dans le cas du pétrole sibé­rien qui sera, sans doute, lar­ge­ment mis à contri­bu­tion par l’Al­le­magne pour rem­pla­cer les cen­trales nucléaires.

Or le méthane est vingt fois plus effi­cace que le gaz car­bo­nique, si bien que l’u­ti­li­sa­tion du gaz sibé­rien est équi­va­lente à celle du char­bon, en ce qui concerne l’ef­fet de serre, et tant que l’é­tat des gazo­ducs et des méthodes de pro­duc­tion ne sera pas amé­lio­ré et contrô­lé en Rus­sie. Il faut, tou­te­fois, remar­quer que la durée de vie du gaz car­bo­nique dans l’at­mo­sphère, de l’ordre de deux cents ans, est dix fois plus grande que celle du méthane, si bien que des mesures cor­rec­tives concer­nant ce der­nier auraient des effets rela­ti­ve­ment rapides.

L’é­mis­sion des gaz à effet de serre pro­voque une aug­men­ta­tion de tem­pé­ra­ture. Les modèles de pré­vi­sion cli­ma­tique manquent encore de pré­ci­sion quant à l’am­pli­tude de cette aug­men­ta­tion qui se situe­rait entre 0,5 et 4 degrés au cours du xxie siècle, avec une valeur pro­bable de 2 degrés. Les effets locaux et régio­naux de cette aug­men­ta­tion sont encore plus dif­fi­ciles à prévoir.

Nom­breux sont les cli­ma­to­logues qui estiment que, dès main­te­nant, l’aug­men­ta­tion de la tem­pé­ra­ture moyenne du globe de 0,5 degré depuis 1900, et qui semble s’ac­cé­lé­rer est due aux émis­sions anthropiques.

Nom­breux aus­si sont ceux qui estiment, sans pou­voir l’af­fir­mer avec cer­ti­tude, que l’aug­men­ta­tion de la vio­lence des cyclones et tem­pêtes est due à cette crois­sance rapide de la température.

Cer­tains prennent argu­ment des incer­ti­tudes des pré­vi­sions pour consi­dé­rer qu’une action déter­mi­née de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre est prématurée.

Une telle atti­tude est com­plè­te­ment contraire à l’ap­pli­ca­tion du prin­cipe de pré­cau­tion qui veut, au contraire, que l’on prenne en consi­dé­ra­tion l’é­vo­lu­tion la plus défa­vo­rable envi­sa­geable rai­son­na­ble­ment. Celle-ci pré­voit donc une aug­men­ta­tion de 4 degrés au cours du siècle prochain.

Bien pire, la très longue durée de vie du gaz car­bo­nique dans l’at­mo­sphère se tra­dui­ra par une aug­men­ta­tion de la tem­pé­ra­ture moyenne du globe d’au moins deux degrés, même si les émis­sions sont réduites d’un fac­teur trois dès 2050. Dans le cas où nous ne pren­drions pas de mesures éner­giques, cer­tains scé­na­rios pré­voient une aug­men­ta­tion de tem­pé­ra­ture attei­gnant 7 degrés au xxiie siècle.

Alors que l’on peut espé­rer qu’une aug­men­ta­tion de deux degrés reste accep­table glo­ba­le­ment, même si elle peut conduire à des catas­trophes locales et régio­nales, je ne pense pas qu’on sache véri­ta­ble­ment à quoi pour­rait conduire une aug­men­ta­tion de 7 degrés. Rap­pe­lons que la tem­pé­ra­ture moyenne de la Terre n’é­tait que de 4 degrés infé­rieure à la tem­pé­ra­ture actuelle lors des der­nières gla­cia­tions. L’o­céan qui absorbe, actuel­le­ment, envi­ron la moi­tié du gaz car­bo­nique anthro­pique conti­nue­ra-t-il à jouer ce rôle modé­ra­teur, ou, au contraire, se met­tra-t-il à deve­nir une source addi­tion­nelle de gaz carbonique ?

La bio­masse conti­nue­ra-t-elle à aug­men­ter grâce à des condi­tions cli­ma­tiques plus favo­rables aux hautes lati­tudes, en par­ti­cu­lier, ou, au contraire, la dis­pa­ri­tion de nom­breuses espèces due à des condi­tions cli­ma­tiques extrêmes condui­ra-t-elle à sa diminution ?

Au cas où l’o­céan et la bio­sphère ter­restre devien­draient des sources de gaz car­bo­nique à leur tour, la Terre pour­rait ren­trer dans un régime instable, l’aug­men­ta­tion de tem­pé­ra­ture fai­sant en quelque sorte boule de neige. La concen­tra­tion en gaz car­bo­nique croî­trait tan­dis que celle en oxy­gène se met­trait à décroître. On pour­rait alors envi­sa­ger que la Terre devienne un monde aus­si étouf­fant et sté­rile que Vénus.

Qui peut, actuel­le­ment, affir­mer qu’un tel scé­na­rio est tota­le­ment impos­sible ? Le prin­cipe de pré­cau­tion exige que toutes les mesures pos­sibles soient prises pour évi­ter une telle évo­lu­tion catas­tro­phique. Les réunions de Rio et Kyo­to ont mar­qué une prise de conscience du dan­ger mais l’ob­jec­tif de sta­bi­li­sa­tion des émis­sions fixé par Kyo­to n’est pas à la hau­teur de l’en­jeu. Une simple sta­bi­li­sa­tion des émis­sions, qui ne prend d’ailleurs même pas le che­min d’être réa­li­sée, est tota­le­ment insuf­fi­sante pour empê­cher la crois­sance de la tem­pé­ra­ture. Tout au plus en ralen­ti­ra-t-elle le rythme. Pour obte­nir une sta­bi­li­sa­tion de la tem­pé­ra­ture à une valeur de deux degrés supé­rieure à l’ac­tuelle il fau­drait, comme indi­qué plus haut, divi­ser par trois les rejets.

La timi­di­té de Kyo­to est d’au­tant plus regret­table qu’il serait pos­sible dans les dix ans de réduire de trente pour cent les rejets sans, pour autant, que l’é­co­no­mie en souffre sérieusement.

Les priorités

De ce qui pré­cède on voit que le dan­ger poten­tiel des émis­sions de gaz à effet de serre est sans com­mune mesure avec celui pré­sen­té par le nucléaire ou d’autres méthodes de pro­duc­tion d’éner­gie. Il faut donc, en toute prio­ri­té, s’en­ga­ger dans la voie de la « sor­tie des com­bus­tibles fos­siles ». Ce n’est qu’en seconde prio­ri­té qu’on pour­rait envi­sa­ger la « sor­tie du nucléaire » si l’on peut démon­trer que des méthodes de pro­duc­tion d’éner­gie plus sûres, moins pol­luantes, et rai­son­na­ble­ment com­pé­ti­tives sont, effec­ti­ve­ment, pos­sibles à l’é­chelle nécessaire.

Les solutions

La France et la Suède, en par­ti­cu­lier, ont mon­tré qu’il était pos­sible de pro­duire l’élec­tri­ci­té en ne recou­rant pas du tout aux com­bus­tibles fos­siles. Elles l’ont fait en recou­rant au nucléaire et à l’hy­dro­élec­tri­ci­té. Cer­tains affirment que, par le recours à des éner­gies renou­ve­lables comme l’éo­lien ou le solaire, des résul­tats ana­logues pour­raient être obtenus.

Il est donc pos­sible que les pays indus­tria­li­sés s’en­gagent à ne plus construire de cen­trales de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té uti­li­sant des com­bus­tibles fos­siles, que ce soit au char­bon, au gaz ou au pétrole. Le fait que cette hypo­thèse ne soit même pas évo­quée dans les scé­na­rios du Conseil mon­dial de l’éner­gie montre quel est le poids du lob­by des indus­tries pétro­lières et gazières, et, aus­si, à quel point la peur du « Vert » peut conduire à des conduites aber­rantes sur le plan de l’environnement.

Rap­pe­lons que la France a construit son parc de réac­teurs en une dizaine d’an­nées. Il devrait être pos­sible aux USA, à l’Al­le­magne, au Royaume-Uni, etc., de faire aus­si bien ; qu’il s’a­gisse de réac­teurs nucléaires ou d’autres méthodes de pro­duc­tion d’éner­gie, puis­qu’on nous affirme que de telles méthodes sont envisageables.

Pour sor­tir de l’hy­po­cri­sie qu’at­tendent les Grü­nen pour exi­ger qu’en aucun cas l’éner­gie pro­duite par les réac­teurs nucléaires ne soit pro­duite par des cen­trales au char­bon ou à gaz, ou impor­tée de pays tiers uti­li­sant de telles techniques ?

Le simple recours aux éner­gies renou­ve­lables ou nucléaires pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té devrait per­mettre une réduc­tion de l’ordre de 20 % au moins des émis­sions de gaz à effet de serre. Une dimi­nu­tion du même ordre pour­rait être obte­nue en inter­di­sant l’u­ti­li­sa­tion des com­bus­tibles fos­siles pour le chauf­fage des immeubles col­lec­tifs, puis indi­vi­duels. L’u­ti­li­sa­tion de la bio­masse pour­rait être encou­ra­gée à condi­tion qu’elle ne se tra­duise pas par une défo­res­ta­tion, comme c’est le cas, actuel­le­ment, dans de nom­breux pays en voie de déve­lop­pe­ment, et qu’elle n’a­bou­tisse pas à un trop grand appau­vris­se­ment de la flore.

En ce qui concerne les pays en voie de déve­lop­pe­ment, il serait néces­saire, dans une pre­mière étape, de les encou­ra­ger à renon­cer, en prio­ri­té, à l’u­ti­li­sa­tion du char­bon, leur réser­vant une option prio­ri­taire sur l’u­ti­li­sa­tion du gaz. Il est d’ailleurs pro­bable que des grands pays comme la Chine et l’Inde déve­lop­pe­ront rapi­de­ment le recours aux éner­gies renou­ve­lables, y com­pris l’hy­drau­lique, et au nucléaire.

La ques­tion est plus dif­fi­cile en ce qui concerne les trans­ports. Assez rapi­de­ment il devrait être pos­sible de réser­ver la cir­cu­la­tion intra-urbaine à des trans­ports propres, élec­triques ou à air com­pri­mé. De même le trans­port à longue dis­tance par rail devrait être encou­ra­gé autant que possible.

Sur le long terme il faut envi­sa­ger l’u­ti­li­sa­tion de l’hy­dro­gène obte­nu par décom­po­si­tion de l’eau, grâce à de l’éner­gie élec­trique (encore). L’as­so­cia­tion des éner­gies renou­ve­lables inter­mit­tentes à la pro­duc­tion d’hy­dro­gène pour­rait être le signal de l’a­vè­ne­ment de ces éner­gies à une grande échelle, et peut-être, d’une sor­tie du nucléaire qui ne soit pas une catas­trophe écologique.

La séques­tra­tion du gaz car­bo­nique par la refo­res­ta­tion des zones déser­ti­fiées et, éven­tuel­le­ment, par des méthodes chi­miques pour­rait être encou­ra­gée par des sub­ven­tions finan­cées par une taxe sur les rejets de gaz à effet de serre.

Le sys­tème des per­mis d’é­mis­sion pour­rait trou­ver là une appli­ca­tion à condi­tion qu’il ne per­mette pas de détour­ner l’in­ter­dic­tion d’u­ti­li­ser les com­bus­tibles fos­siles pour la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té et de cha­leur à basse tem­pé­ra­ture (chauf­fage des locaux).

Les enjeux économico-politiques

La sor­tie du fos­sile se heur­te­ra, bien enten­du, à des inté­rêts beau­coup plus puis­sants que celle du nucléaire. Inté­rêts des indus­tries char­bon­nières, pétro­lières et gazières au pre­mier chef. Ces indus­tries sont, par excel­lence, en par­ti­cu­lier les deux der­nières men­tion­nées, repré­sen­tantes du pro­ces­sus de mondialisation.

La loi du mar­ché qui pri­vi­lé­gie les inves­tis­se­ments ren­tables à court terme favo­rise, actuel­le­ment, la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té par le gaz, les inves­tis­se­ments étant, pour une cen­trale à gaz, trois fois moins impor­tants que pour une cen­trale nucléaire, et six fois moins que pour une ferme d’éoliennes.

La France n’a pas à rou­gir du choix du nucléaire qu’elle a fait dans les années soixante-dix. Grâce à ce choix, elle est, avec la Suède, un des États indus­tria­li­sés qui émettent le moins de gaz à effet de serre, deux fois moins par uni­té d’éner­gie consom­mée que le Dane­mark, si sou­vent don­né en exemple.

La pro­blé­ma­tique des éner­gies renou­ve­lables et celle de l’éner­gie nucléaire ont, à cet égard, beau­coup de points com­muns : toutes deux sont exi­geantes en matière d’in­ves­tis­se­ment, toutes deux se carac­té­risent par de faibles frais de fonc­tion­ne­ment, en par­ti­cu­lier en ce qui concerne le com­bus­tible, toutes deux assurent une indé­pen­dance éner­gé­tique aux pays qui s’y engagent, toutes deux s’op­posent ain­si à la logique de la mon­dia­li­sa­tion et rendent un pou­voir aux citoyens.

À cet égard on aime­rait que l’exi­gence légi­time de trans­pa­rence dont on fait preuve à l’é­gard du nucléaire soit, éga­le­ment, appli­quée aux éner­gies fos­siles, au plan natio­nal aus­si bien qu’international.

Le lob­by des indus­tries pétro­lières et gazières est un des plus puis­sants de la pla­nète, tout le monde le sait, mais il est rare­ment mis en cause par les orga­ni­sa­tions éco­lo­gistes qui pré­fèrent dénon­cer un soi-disant lob­by nucléaire qui fut, en son temps, tout au plus, une tech­no­cra­tie d’É­tat, sou­cieuse de ce qu’elle esti­mait, à tort ou à rai­son, être l’in­té­rêt géné­ral, mais cer­tai­ne­ment pas de quel­conques inté­rêts privés.

La ridi­cule gué­rilla contre la Coge­ma a, dans ce contexte, une bien triste allure, puis­qu’elle sert d’a­li­bi à un silence assour­dis­sant concer­nant les inté­rêts des gaziers et autres pétro­liers, sauf lorsque, comme dans le cas de l’Eri­ka, ce silence devien­drait car­ré­ment suspect.

Sortir de la langue de bois et des faux-semblants

La France doit retrou­ver la parole en ce qui concerne les ques­tions éner­gé­tiques sans accep­ter de se voir don­ner des leçons par les plus grands pol­lueurs euro­péens que sont l’Al­le­magne et le Danemark.

Que les éco­lo­gistes sin­cères acceptent de recon­si­dé­rer leurs prio­ri­tés et leur com­bat. Ils ver­ront alors que le dan­ger numé­ro un est bien le risque d’une catas­trophe cli­ma­tique, et que tous les efforts doivent être consa­crés, en prio­ri­té, à en écar­ter la pers­pec­tive. Ceci ne sau­rait empê­cher, bien enten­du, de res­ter vigi­lant à l’é­gard du nucléaire, et aus­si vis-à-vis d’autres méthodes de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té comme l’hy­drau­lique et la bio­masse, la meilleure éner­gie res­tant celle qu’on ne consomme pas.

Elle doit se faire l’a­vo­cate d’une sor­tie aus­si rapide que pos­sible des com­bus­tibles fossiles.

Dans un pre­mier temps il y a lieu d’exi­ger que les nou­velles ins­tal­la­tions de pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té et de chauf­fage ne puissent, en aucun cas, recou­rir à des com­bus­tibles fos­siles. Il faut, aus­si, s’in­ter­dire l’im­por­ta­tion d’élec­tri­ci­té pro­duite à l’aide de ces combustibles.

Si cer­tains États pensent pou­voir asso­cier cet enga­ge­ment à une sor­tie du nucléaire, ils feront ain­si la preuve de leur sin­cé­ri­té éco­lo­gique et pour­ront alors, mais alors seule­ment, être pris au sérieux dans leur sou­ci de pré­ser­ver l’environnement.

Que les hommes poli­tiques sou­cieux de l’a­ve­nir de la pla­nète ne laissent pas l’ex­clu­si­vi­té des prises de posi­tion publiques sur les sujets envi­ron­ne­men­taux à ceux que les a prio­ri aveuglent. 

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1. Il est aus­si pos­sible que les Alle­mands envi­sagent d’im­por­ter leur élec­tri­ci­té sans por­ter grande atten­tion à l’o­ri­gine de celle-ci, nucléaire ou fossile.
2. Voir une com­pa­rai­son plus com­plète des effets du tabac et de la radio­ac­ti­vi­té sur le site de la Socié­té Fran­çaise de Phy­sique : http://sfp.in2p3.fr/

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