Une politique européenne de transports « durables »

Dossier : Europe et énergieMagazine N°629 Novembre 2007
Par Claude GRESSIER (63)

Les trans­ports des pays déve­lop­pés seront « durables » s’ils sont cohé­rents avec les objec­tifs du déve­lop­pe­ment durable. Ils doivent ain­si simul­ta­né­ment per­mettre le pro­grès éco­no­mique, la satis­fac­tion des besoins sociaux des indi­vi­dus, et la divi­sion par quatre, à l’ho­ri­zon 2050, des émis­sions de gaz à effet de serre. Que seront les trans­ports en 2050 ? La démarche pros­pec­tive récem­ment conduite par le Conseil géné­ral des Ponts et Chaus­sées apporte plu­sieurs enseignements.

Une croissance modérée

La crois­sance des flux de trans­ports sera plus modé­rée, compte tenu notam­ment du ralen­tis­se­ment démo­gra­phique, des limites du temps pas­sé dans les trans­ports, de la matu­ri­té de l’é­qui­pe­ment moto­ri­sé des ménages et de la sta­bi­li­té des vitesses de trans­port, de l’é­vo­lu­tion vers une éco­no­mie moins indus­trielle et avec une part accrue des services.

Priorité à la route

Une démarche en quatre étapes
La démarche sui­vie pour l’enquête pros­pec­tive 2050 s’est dérou­lée en quatre étapes : 
com­pré­hen­sion de l’évolution pas­sée sur les 30 à 50 der­nières années avec un fort accrois­se­ment du volume de trans­ports de voya­geurs et de mar­chan­dises avec le main­tien d’un prix bas de l’énergie ;
pro­jec­tion d’avenirs pos­sibles à par­tir de deux variables prin­ci­pales : la gou­ver­nance euro­péenne et mon­diale pour déve­lop­per des éner­gies alter­na­tives au pétrole et lut­ter contre le chan­ge­ment cli­ma­tique ; la dyna­mique de déve­lop­pe­ment démo­gra­phique et éco­no­mique intra-européenne ; 
quan­ti­fi­ca­tion des scé­na­rios en pré­ci­sant les valeurs pos­sibles de cha­cune des variables de demande et d’offre de trans­ports, y inclus notam­ment le prix des trans­ports qui com­bine le coût des élé­ments externes et les pro­grès de la pro­duc­ti­vi­té interne ;
chif­frage des flux de trans­ports, en dis­tin­guant les voyages inté­rieurs, les voyages inter­na­tio­naux aériens et les mar­chan­dises terrestres.

Le mode rou­tier res­te­ra pré­do­mi­nant, même avec de fortes crois­sances des modes de trans­port com­plé­men­taires à la route.

Le réseau rou­tier apporte en effet un ser­vice uni­ver­sel, pour toute liai­son « ori­gine-des­ti­na­tion » alors que les autres modes (fer­ro­viaire, flu­vial, aérien) offrent une des­serte limi­tée à cer­taines liai­sons entre des sta­tions d’au­to­cars ou de métro, des gares fer­ro­viaires, des aéro­ports ou des chan­tiers de trans­bor­de­ment fer­ro­viaires et flu­viaux. Pour rem­plir un train de mar­chan­dises (équi­valent à 30 camions) ou un gros convoi flu­vial (équi­valent à 200 camions), il est néces­saire d’o­pé­rer des regrou­pe­ments impor­tants qui ne sont ren­tables que sur des axes massifiés.

Peu de sensibilité au prix de l’énergie

Les volumes de tra­fic seront rela­ti­ve­ment peu sen­sibles au prix de l’éner­gie, même en fai­sant varier for­te­ment (entre 60 et 180 $ le baril) le prix du pétrole (avec taxe car­bone) ou celui – équi­valent – des car­bu­rants de substitution.

Une réduction des émissions de CO2

Taxe et efficacité
Le scé­na­rio le plus volon­ta­riste sur la ques­tion éner­gé­tique envi­sage à la fois des véhi­cules plus effi­caces, de type hybride élec­trique, consom­mant 3 litres/100 km, avec auto­no­mie élec­trique pour les tra­jets de proxi­mi­té ; une taxe C02 de 60 $ par baril et une moindre dépen­dance aux car­bu­rants pétro­liers, les res­sources éner­gé­tiques se diver­si­fiant entre un tiers bio­masse (fabri­quées avec une éner­gie non émet­trice de CO2), un tiers élec­tri­ci­té d’origine nucléaire ou par séques­tra­tion du CO2, et un tiers pétrole fossile
Ce scé­na­rio conduit à une divi­sion par un fac­teur de 2,5 des émis­sions de gaz à effet de serre des trans­ports, compte tenu de la crois­sance des tra­fics rou­tiers et aériens.

Une réduc­tion impor­tante des émis­sions de CO2 dans les trans­ports appa­raît pos­sible, même avec une pré­do­mi­nance du mode rou­tier, moyen­nant le déve­lop­pe­ment à grande échelle de véhi­cules éco­nomes et de car­bu­rants propres, dont les tech­no­lo­gies sont déjà acces­sibles. Cepen­dant, les bou­le­ver­se­ments tech­no­lo­giques néces­saires à cette réduc­tion des émis­sions ne peuvent résul­ter que d’un pro­grès net de la gou­ver­nance mon­diale, ou à tout le moins d’une gou­ver­nance euro­péenne. Ils doivent en effet être pro­vo­qués par des mesures de régu­la­tion, telles que « taxe car­bone », per­mis négo­ciables et normes tech­niques des véhi­cules et des car­bu­rants dont on voit mal com­ment elles pour­raient être prises à l’é­chelle d’un seul pays ni même, pour cer­taines, d’un ensemble régio­nal comme l’Europe.

Paral­lè­le­ment aux tra­vaux de « pros­pec­tive 2050 », le minis­tère des Trans­ports s’est livré à un exer­cice de pro­jec­tions éco­no­mé­triques des « flux de trans­ports à l’ho­ri­zon 2025 », dans le contexte éco­no­mique, éner­gé­tique et fis­cal que nous connais­sons aujourd’­hui ou que nous pou­vons pré­voir avec vraisemblance.

La crois­sance du Pro­duit inté­rieur brut est sup­po­sée de 1,9 % par an en moyenne.

Le nombre de voyageurs/kilomètres aug­men­te­rait de 40 à 70 % dont la route assu­re­rait entre 75 et 80 % (80 % en 2002), le fer de 18 à 20 % (17 % en 2002) et l’aé­rien inté­rieur stag­ne­rait à 4 %.

Quant aux trans­ports inté­rieurs de mar­chan­dises, leur volume expri­mé en tonnes-kilo­mètres aug­men­te­rait de 33 à 40 % dont la route assu­re­rait entre 78 et 82 % (82 % en 2002).

À par­tir de ces esti­ma­tions et en tenant compte de la pour­suite de la mise en œuvre de « l’ac­cord volon­taire des construc­teurs auto­mo­biles » visant à réduire à 140 g CO2/km en 2008, puis à 120 g CO2/km en 2012, les émis­sions des voi­tures neuves ven­dues et en tenant compte éga­le­ment des mesures du plan cli­mat en France, les émis­sions de gaz à effet de serre du sec­teur des trans­ports sont pré­sen­tées sur le tableau ci-après.

On constate que, mal­gré la crois­sance des tra­fics, les émis­sions de gaz à effet de serre du sec­teur des trans­ports ou du trans­port rou­tier sont infé­rieures aux émis­sions de 2002 mais supé­rieures d’en­vi­ron 20 % aux émis­sions de 1990.

De la route vers le fer

Les pre­mières mesures pos­sibles concernent l’in­ter­mo­da­li­té : pour éco­no­mi­ser 1 mil­lion de tonnes de CO2 par an, il faut trans­fé­rer 15 mil­liards de tonnes-kilo­mètres de la route vers le fer, soit aug­men­ter le fret fer­ro­viaire de près de 40 % par rap­port à son niveau de 2005. La mise en ser­vice de trois auto­routes fer­ro­viaires de 600 kilo­mètres cha­cune, soit une cir­cu­la­tion de deux fois 40 navettes (3 fois 13) par jour, ferait éco­no­mi­ser 0,5 mil­lion de tonnes de CO2/an. La mise en ser­vice des 1 600 km de LGV fera éco­no­mi­ser 0,6 mil­lion de tonnes de CO2/an. La non-réa­li­sa­tion des 2 000 kilo­mètres d’au­to­routes nou­velles ferait éco­no­mi­ser 2 mil­lions de tonnes de CO2/an. Enfin, une dimi­nu­tion de 10 km/heure des vitesses maxi­males auto­ri­sées sur les réseaux rou­tiers inter­ur­bains ferait éco­no­mi­ser 0,7 mil­lion de tonnes de CO2/an.

Normaliser les véhicules

Les poids lourds sont en mesure d’utiliser dès main­te­nant une pro­por­tion impor­tante de biocarburants

D’autres éco­no­mies de CO2 sont réa­li­sables par des mesures rela­tives aux véhi­cules et aux car­bu­rants. La mise aux normes du parc de véhi­cules à 120 g CO2/km éco­no­mi­se­rait 35 mil­lions de tonnes CO2/an et même 50 mil­lions de tonnes de CO2/an à 90 g CO2/km. Le rem­pla­ce­ment de 20 % du pétrole par un car­bu­rant alter­na­tif sans CO2 (élec­tri­ci­té ou bio­car­bu­rant pro­duits sans émis­sion de CO2) rap­por­te­rait 30 mil­lions de tonnes CO2/an. La géné­ra­li­sa­tion des véhi­cules élec­triques dans les flottes publiques urbaines éco­no­mi­se­rait 0,6 mil­lion de tonnes CO2/an.

Vers une politique de transports durables

La lec­ture atten­tive tant de la pros­pec­tive 2050
que des pro­jec­tions éco­no­mé­triques 2025 montre que l’ob­jec­tif d’un fac­teur 4 en 2050 pour les
émis­sions de gaz à effet de serre dues au sec­teur des trans­ports ain­si que l’ob­jec­tif d’une réduc­tion de ces émis­sions en 2025 par rap­port à 1990 sont très ambi­tieux. Les mesures de très loin les plus effi­caces concernent les pro­grès tech­no­lo­giques sur les véhi­cules et les car­bu­rants, qui doivent conduire à un renou­vel­le­ment du parc et à de nou­veaux carburants.

De l’accord volontaire à la contrainte

Aider les utilisateurs
Il faut s’assurer que les citoyens euro­péens achètent bien les voi­tures les moins émet­trices. Pour cela, une vignette annuelle d’un mon­tant suf­fi­sam­ment impor­tant et pro­por­tion­nel aux émis­sions de CO2 du véhi­cule paraît indis­pen­sable, son pro­duit per­met­tant d’aider les ménages les plus modestes à chan­ger de véhi­cule. Une mesure du même ordre devrait être mise en oeuvre pour les poids lourds avec un objec­tif de réduc­tion des émis­sions de CO2 par les véhi­cules neufs d’au moins 20 % d’ici 2012.

En ce qui concerne les voi­tures par­ti­cu­lières, « l’ac­cord volon­taire des construc­teurs auto­mo­biles euro­péens », par lequel ils s’en­ga­geaient sur un taux d’é­mis­sion de 140 g CO2/km en moyenne sur l’en­semble des voi­tures ven­dues en 2008 ne sera pas respecté.

Il faut donc, comme le pro­pose la Com­mis­sion euro­péenne, pas­ser à une étape plus contrai­gnante au moyen d’une direc­tive impo­sant – sous peine de très fortes amendes – une moyenne d’é­mis­sion de 130 g CO2/km à l’ho­ri­zon 2012 sur la moyenne des voi­tures vendues.

De plus, l’in­dus­trie auto­mo­bile va mettre sur le mar­ché, dans un délai de cinq ans envi­ron, des voi­tures hybrides rechar­geables par­ti­cu­liè­re­ment adap­tées aux dépla­ce­ments de proxi­mi­té dans les zones urbaines et péri­ur­baines, mais aus­si en milieu rural.

Utiliser les biocarburants

L’ob­jec­tif pour les voi­tures par­ti­cu­lières d’u­ti­li­ser une pro­por­tion d’au moins 10 % de bio­car­bu­rants d’i­ci 2020 est cré­dible. Comme les bio­car­bu­rants coûtent plus cher que les car­bu­rants clas­siques issus du pétrole fos­sile, il faut encou­ra­ger cette évo­lu­tion par la mise en œuvre d’une taxe car­bone. Cette taxe ne doit d’ailleurs pas concer­ner uni­que­ment les trans­ports mais toutes les acti­vi­tés éco­no­miques. Une telle taxe devrait, pour des rai­sons évi­dentes de saine concur­rence et d’ef­fi­ca­ci­té, être éta­blie au niveau mon­dial. À défaut, elle pour­rait l’être au niveau euro­péen et s’ap­pli­quer aus­si aux biens impor­tés. Pour ne pas alour­dir la pres­sion fis­cale géné­rale, elle pour­rait se sub­sti­tuer à d’autres taxes.

Les moteurs des poids lourds sont en mesure d’ad­mettre dès main­te­nant une pro­por­tion impor­tante de bio­car­bu­rants. Des mesures fis­cales d’in­ci­ta­tion à adop­ter au niveau euro­péen devraient être mises en œuvre. Il devrait être aus­si pos­sible dans des délais rap­pro­chés d’im­po­ser aux flottes urbaines de véhi­cules d’être non émet­trices de gaz à effet de serre.

L’aviation aussi

L’a­via­tion ne peut évi­dem­ment pas res­ter en dehors des efforts d’é­co­no­mie d’é­mis­sions de gaz à effet de serre. La Com­mis­sion euro­péenne a pro­po­sé l’in­tro­duc­tion de l’a­via­tion dans le sys­tème euro­péen de quo­tas d’é­mis­sion. C’est une bonne étape, mais qui devrait être sui­vie d’un accord mon­dial sur ce sujet.

Enfin, il va de soi que pour pré­pa­rer l’a­ve­nir ulté­rieur, un impor­tant effort de recherche sur les moteurs, sur les car­bu­rants et plus géné­ra­le­ment sur l’éner­gie « propre » doit être entrepris.

Optimiser la logistique

Un impor­tant effort de recherche doit être entrepris

Des éco­no­mies impor­tantes d’é­mis­sions de gaz à effet de serre devraient être obte­nues à tra­vers une opti­mi­sa­tion de la logis­tique des grands char­geurs et dis­tri­bu­teurs en dimi­nuant leurs besoins de trans­ports et en leur per­met­tant d’u­ti­li­ser des modes de trans­port alter­na­tifs à la route.
Ils pour­raient être inci­tés à cette opti­mi­sa­tion de la logis­tique, soit en les fai­sant entrer dans le sys­tème euro­péen de quo­tas d’é­mis­sion, soit en aug­men­tant le coût des trans­ports émet­teurs de gaz à effet de serre par une taxe carbone.

Mais il convient aus­si d’en­vi­sa­ger : l’a­mé­lio­ra­tion de la qua­li­té et de la pro­duc­ti­vi­té du fret fer­ro­viaire en France et en Europe, ce qui néces­site de gros efforts de la part de la SNCF et de RFF ; le déve­lop­pe­ment d’au­to­routes fer­ro­viaires dans les cor­ri­dors satu­rés ou fra­giles ; la pour­suite du pro­gramme de lignes fer­ro­viaires à grande vitesse en France et en Europe ; le déve­lop­pe­ment des auto­routes de la mer ; le finan­ce­ment de ces infra­struc­tures fer­ro­viaires notam­ment à tra­vers une taxe sur les poids lourds sur le réseau majeur non concé­dé ; le déve­lop­pe­ment des trans­ports col­lec­tifs dans les zones les plus denses des agglo­mé­ra­tions ; la mise en œuvre dans les grandes agglo­mé­ra­tions d’un péage sur les auto­routes radiales ou d’un péage pour entrer dans les zones les plus denses ; l’or­ga­ni­sa­tion plus ration­nelle des trans­ports de mar­chan­dises en ville.

Faire évo­luer les comportements
D’autres éco­no­mies consi­dé­rables d’émissions de CO2 sont pos­sibles, mais elles sont liées à des chan­ge­ments de comportement.
Pour­quoi ne pas adop­ter dès main­te­nant un style de conduite « apai­sée » qui per­met de faire des éco­no­mies notables de carburants ?
Pour­quoi ne pas uti­li­ser sys­té­ma­ti­que­ment des modes « doux » (vélos, marche à pied) pour les dépla­ce­ments de proximité ?
Pour­quoi ne pas uti­li­ser pour les dépla­ce­ments domi­cile-tra­vail le covoi­tu­rage qui pour­rait d’ailleurs être for­te­ment inci­té par les entre­prises d’une cer­taine taille et par les auto­ri­tés d’agglomération ?
Pour­quoi ne pas accep­ter un urba­nisme plus dense au lieu d’étendre sans cesse les zones à urbaniser ?
Les citoyens pour­raient être inci­tés à de telles éco­no­mies d’émissions de CO2 par l’introduction d’un sys­tème de per­mis d’émission per­son­nel ou par une aug­men­ta­tion modé­rée mais régu­lière des taxes sur le car­bu­rant fossile.

Une forte volonté européenne s’impose

De nom­breuses mesures tech­no­lo­giques et fis­cales sont donc envi­sa­geables. Il est évident que des mesures d’ordre tech­no­lo­gique ne peuvent être prises qu’à un niveau au moins euro­péen et il en est de même pour l’ins­tau­ra­tion d’une taxe car­bone non sym­bo­lique. Une forte volon­té euro­péenne est donc indis­pen­sable. Les États peuvent déci­der des prio­ri­tés d’in­ves­tis­se­ments d’in­fra­struc­tures et des mesures fis­cales. Aux agglo­mé­ra­tions d’a­gir en matière d’ur­ba­nisme, de trans­ports urbains ou de sta­tion­ne­ment. C’est, enfin, un enjeu pour tous les citoyens qui, à tra­vers des chan­ge­ments de com­por­te­ment mineurs mais constants, peuvent contri­buer effi­ca­ce­ment à l’objectif.

Commentaire

Ajouter un commentaire

phi­lippe marlyrépondre
3 février 2009 à 0 h 10 min

moins pol­luer
bon­jour
je fais un pro­duit qui fait éco­no­mi­ser du car­bu­rant et non pol­luant pour notre planète
essence die­sel bio-car­bu­rant et ethanol

http://www.worldfuelpm1.myffi.biz/
cordialement

Phi­lippe

Répondre