Portrait de Hervé PLESSIX (86)

Hervé Plessix (86), Un homme de l’offensive

Dossier : TrajectoiresMagazine N°703 Mars 2015
Par Pierre LASZLO

Il vous met tout de suite à l’aise. La parole claire, il s’exprime admi­ra­ble­ment et com­mu­nique de façon fluide, mais avec des mots choi­sis. C’est un éducateur-né.

Il a choi­si cepen­dant une car­rière hors ensei­gne­ment, dans la recherche indus­trielle. Il dirige à pré­sent le Centre de recherche de Danone, situé juste à côté du cam­pus de l’École.

Her­vé Ples­six a un évident talent d’expression à l’oral. « J’ai tou­jours aimé racon­ter. J’aime expli­quer, faire com­prendre. » Les colles, en pré­pa, l’obligèrent à culti­ver ce talent. Pro­fi­tant de sa faci­li­té d’expression, je lui don­ne­rai sou­vent la parole ici.

Je le laisse ain­si se défi­nir : « Je me conçois comme un orga­ni­sa­teur, ayant l’efficacité comme res­sort ; comme un fédé­ra­teur aus­si, autour d’un pro­jet com­mun, ser­vant à moti­ver et à ras­sem­bler toute une équipe. Je suis into­lé­rant de toute mes­qui­ne­rie. J’aime avan­cer : homme de l’offensive, pas de la défensive. »

Traduire une idée dans la réalité

Ples­six est un nom bre­ton, son père vient de Bre­tagne, sa mère d’Orléans. Il est issu d’une famille de mili­taires, ayant eu des métiers tech­niques. Il a un frère, qui fit du droit, et une sœur, dans la finance.

“ Je me conçois comme un organisateur, ayant l’efficacité comme ressort ”

Enfant, il rêvait deve­nir archi­tecte : par affec­tion pour le des­sin, mais aus­si par besoin d’édifier, de tra­duire une idée dans la réalité.

Après le secon­daire dans un lycée de Sceaux, où un pro­fes­seur de phy­sique l’y inci­ta, il sui­vit les classes pré­pa­ra­toires à Sainte-Gene­viève, à Ver­sailles. Il y eut de grands ensei­gnants, M. Bey­nier, chan­teur d’opéra ama­teur, et M. Heerdt, qui, l’un et l’autre, lui trans­mirent leur pas­sion de la chimie.

Son sou­ve­nir de pré­pa ne se res­treint pas à la for­ma­tion scien­ti­fique : « Je retiens une leçon majeure de mes années de Ginette : ne jamais avoir de res­sen­ti­ment. » Il fit aus­si un peu de théâtre à Ginette.

Responsablité et liberté

Ayant inté­gré l’X, Ples­six fit son ser­vice mili­taire en Alle­magne : « Dans mon régi­ment me fut confiée la for­ma­tion d’une tren­taine de jeunes recrues. C’est un sou­ve­nir extrê­me­ment moti­vant, on vous fait confiance, on vous donne de vraies responsabilités. »

Ce qu’il retient de son pas­sage à l’École poly­tech­nique ? « Le sen­ti­ment de liber­té : la richesse des pro­po­si­tions scien­ti­fiques, leur haut niveau, cou­plé à la diver­si­té de l’offre, avec tous les liens entre les disciplines. »

Un grain de folie dans la chimie

Il conti­nua sur le cam­pus de Palai­seau, s’y don­nant une for­ma­tion par la recherche, via un doc­to­rat en chi­mie. Mais où conti­nuer dans cette voie ? « J’avais vrai­ment envie de faire de la chi­mie, dans le domaine de la san­té. Je fus dis­sua­dé de l’industrie phar­ma­ceu­tique, du fait de l’industrialisation de sa recherche.

L’ère d’un cher­cheur inven­tant un nou­veau médi­ca­ment était révo­lue. « Chez L’Oréal par contre, en cos­mé­to­lo­gie, autre indus­trie de ser­vice, sub­sis­tait un petit grain de folie. Or, je tenais à entrer dans l’industrie. » Il entra donc chez L’Oréal, dans son centre de recherche à Aulnay-sous-Bois.

Le direc­teur de la R & D chez L’Oréal était alors l’ingénieur- chi­miste Jean-Fran­çois Grol­lier : « Comme lors de mon com­man­de­ment en Alle­magne, j’ai renoué avec ce sen­ti­ment chez L’Oréal : à 30 ans, Jean-Fran­çois Grol­lier me mit à la tête du dépar­te­ment de chi­mie, qui comp­tait une cin­quan­taine de personnes. »

« Faut que tu bouges »

« Quit­ter L’Oréal me fut très dif­fi­cile. J’étais l’équivalent d’un direc­teur de cabi­net pour Jean-Fran­çois Grol­lier. Je trai­tais des dos­siers stra­té­giques. Ma posi­tion était à la fois confor­table et pas­sion­nante. Je me disais, cepen­dant, “faut que tu bouges, faut que tu changes”.

On n’imagine pas à quel point un tel chan­ge­ment, après quinze ans chez le même employeur, est une remise en cause pro­fonde. C’est un tra­vail sur soi important. »

Il lui fal­lait cepen­dant quit­ter L’Oréal, il ne par­ve­nait pas à y don­ner toute sa mesure : ain­si, au départ, éner­gi­que­ment pous­sé vers les som­mets, il eut par après le sen­ti­ment d’une rela­tive stag­na­tion. Il ne regrette aucu­ne­ment d’être par­ti, en dépit de l’extrême dif­fi­cul­té qu’il eut à prendre cette décision.

« Un chas­seur de têtes m’a aidé à pas­ser de L’Oréal chez Danone, lorsque je suis deve­nu réso­lu à quit­ter L’Oréal. »

Une stratégie claire

Chez Danone, lui fut d’abord confié la R & D d’une par­tie du sec­teur des eaux miné­rales, alors en difficulté.

“ L’innovation est sa marotte, il renoue de la sorte avec son rêve d’enfance ”

Il fit par­tie de l’équipe qui pré­pa­ra son redres­se­ment en trois-quatre ans, « par un tra­vail d’équipe, avec un triple objec­tif : pre­miè­re­ment, refo­ca­li­ser les équipes de R & D en cla­ri­fiant les mis­sions ; deuxiè­me­ment, valo­ri­ser la qua­li­té, mettre en avant les dif­fé­rences, essen­tielles, entre une eau miné­rale et l’eau du robi­net ; troi­siè­me­ment, tabler sur des bois­sons frui­tées (exemple de Vol­vic), qui sont des com­pro­mis bois­son-san­té, entre l’agrément d’une bois­son et le bien­fait d’une eau minérale.

De la sorte, nous avons pu méta­mor­pho­ser la divi­sion du groupe en dif­fi­cul­té en une divi­sion performante.

Com­ment ? Par une stra­té­gie simple et claire. »

À pré­sent qu’il dirige le Centre Daniel- Caras­so, où s’effectue le gros de la recherche du groupe (500 cher­cheurs), il conçoit son rôle comme celui d’un ani­ma­teur, venant ins­til­ler le grain de folie indis­pen­sable à des cher­cheurs, afin qu’ils innovent.

L’innovation est sa marotte, il renoue de la sorte avec son rêve d’enfance.

Au demeu­rant, il a conser­vé ce pré­cieux esprit d’enfance, que Georges Ber­na­nos pla­çait très haut. L’y aident les acti­vi­tés asso­cia­tives, au rôle énorme dans son exis­tence, qui viennent faire contre­poids à sa vie professionnelle.

Ples­six s’occupe du groupe scout de Bourg-la- Reine, où il habite avec les siens. C’est un homme impres­sion­nant de droi­ture, de sang-froid et d’autorité naturelle.


RETOUCHE

article mis à jour le 7 avril 2020

Après 10 ans chez Danone comme direc­teur de la recherche du Centre Daniel Caras­so mitoyen du cam­pus de l’École, il retrou­va le sec­teur de la chi­mie et des cos­mé­tiques – sa car­rière avait com­men­cé chez L’Oréal. Il dirige à pré­sent la Stéa­ri­ne­rie Dubois.

Cette socié­té créée en 1820 a ini­tia­le­ment fabri­qué de la stéa­rine et des bou­gies. Elle a ses bureaux à Bou­logne-Billan­court. La pro­duc­tion vient de l’usine de Ciron, dans l’Indre, où tra­vaillent une cen­taine de sala­riés. Le groupe exporte 60 % de sa pro­duc­tion, prin­ci­pa­le­ment des esters et des sucroes­ters pour la cos­mé­tique, l’alimentaire, la san­té et l’in­dus­trie. Ces pro­duits relèvent d’une chi­mie verte, res­pec­tueuse de l’environnement. Ils visent à rem­pla­cer des ingré­dients de cos­mé­tiques, pou­vant être nocifs et moins aisé­ment biodégradables.

C’est pour lui une grande moti­va­tion et une grande fier­té de démon­trer chaque jour qu’une socié­té fami­liale indé­pen­dante fran­çaise a sa place dans un sec­teur indus­triel très concur­ren­tiel et peut créer des emplois et de l’ac­ti­vi­té éco­no­mique, par l’in­no­va­tion et la qualité.

Il trouve aus­si extrê­me­ment moti­vant de diri­ger une entre­prise et des équipes à taille humaine et où les cir­cuits de déci­sions sont courts. Ici le résul­tat des déci­sions prises est immé­diat et direct !

Poster un commentaire