Un grand vin de Madiran : Château Montus

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°545 Mai 1999Rédacteur : Laurens DELPECH

Les vins du Sud-Ouest demeurent encore mal connus du public qui les consi­dère sou­vent comme des rivaux bon mar­ché des petits bor­deaux. Il faut recon­naître que la région est une véri­table mosaïque de sols, de cépages et d’appellations : Ber­ge­rac, Gaillac, Cahors, Irou­lé­guy, Côtes de Duras, Buzet, Madi­ran… On trouve pour­tant beau­coup de bons vins qui portent ces noms, notam­ment à Madiran…

Bien que Madi­ran ait été (en 1948) la pre­mière appel­la­tion contrô­lée du Sud-Ouest, ce vignoble de vins rouges puis­sants, tan­niques et épi­cés, consi­dé­rés il y a un siècle comme des vins de haute gas­tro­no­mie, revient de loin.

En 1950 il n’y avait plus que 60 hec­tares en pro­duc­tion, contre 1400 hec­tares au XIXe siècle avant le phyl­loxé­ra… Il y en a main­te­nant 1500. La renais­sance a com­men­cé au début des années 80 quand quelques jeunes viti­cul­teurs ont com­pris que, pour faire du bon vin, la vigne ne devait pas se trai­ter comme le maïs à coup d’engrais et de tech­no­lo­gie, avec pour seul objec­tif le rendement.

Le cépage du madi­ran, le tan­nat, est très sen­sible au ren­de­ment : au-delà de 45 hec­to­litres par hec­tare il donne des vins durs et tan­niques, dif­fi­ciles à boire. En deçà, il pro­duit des vins fins et racés. La mau­vaise solu­tion des années 60 et 70 a été de sur­pro­duire tout en ten­tant d’assouplir le tan­nat en l’assemblant avec une forte pro­por­tion de caber­net franc, au risque de faire du madi­ran un vin banal et sans typicité.

Au début des années 80, un des jeunes pro­duc­teurs, Alain Bru­mont, a retrou­vé le che­min de la tra­di­tion en fai­sant des madi­ran à par­tir de vieilles vignes de tan­nat pro­dui­sant peu, avec des macé­ra­tions longues et un éle­vage en fûts de chêne. Il n’est pas exa­gé­ré de dire qu’il a sau­vé l’appellation de la médio­cri­té dans laquelle elle ris­quait de s’enfoncer. On fait main­te­nant de très bons vins à Madi­ran, des vins qui se trouvent sur les tables des res­tau­rants à étoiles et que l’étranger achète de plus en plus ; les prix sont cepen­dant res­tés rai­son­nables, ce qui est un des attraits sup­plé­men­taires de cette belle appellation.

La réus­site de Bru­mont est impres­sion­nante : par­ti de rien, il pro­duit un mil­lion et demi de bou­teilles par an, pos­sède trois châ­teaux et plus de cent hec­tares de vignes. C’est incon­tes­ta­ble­ment un des plus grands vini­fi­ca­teurs fran­çais. Il a été recon­nu comme tel à plu­sieurs reprises lors de divers concours inter­na­tio­naux où le Mon­tus Pres­tige a fait jeu égal avec des pre­miers crus clas­sés de Bordeaux…

Son vin emblé­ma­tique, celui qui l’a pro­pul­sé sur le devant de la scène, est en effet le châ­teau Mon­tus Cuvée Pres­tige. C’est un vin 100 % tan­nat, qui subit une macé­ra­tion de quatre semaines en cuve avant d’être éle­vé pen­dant plus d’un an dans des fûts de chêne neuf. Les tan­nins sont ronds, sans aspé­ri­té, c’est un vin à la robe noir fon­cé, presque opaque, qui a beau­coup d’ampleur, une très agréable fraî­cheur frui­tée et une superbe finale épicée.

Le “ simple ” châ­teau Mon­tus contient du tan­nat (70%) et du caber­net sau­vi­gnon. Il est légè­re­ment moins com­plexe que la Cuvée Pres­tige mais c’est déjà un très grand vin. Les Mon­tus sont ven­dus au domaine entre 70 et 80 francs. La Cuvée Pres­tige vaut 120 francs, mais on n’en trouve plus : elle est tel­le­ment deman­dée qu’on ne peut l’acheter qu’en pri­meur. Alain Bru­mont vient de mettre sur le mar­ché une cuvée encore plus excep­tion­nelle, le Mon­tus XL, dont le prix peut se com­pa­rer à celui d’un cru clas­sé de Bordeaux…

Le châ­teau Bous­cas­sé, autre fief de Bru­mont, pro­duit aus­si deux vins : le Bous­cas­sé Vieilles Vignes (100 % tan­nat) et le Bous­cas­sé (60 % tan­nat). Ces vins à la robe sombre et au nez de fruits noirs sont peut-être plus proches de ce qu’on attend d’un madi­ran que les Mon­tus. Les Bous­cas­sé sont ven­dus au domaine aux alen­tours de 50 francs. Bru­mont pro­duit aus­si des madi­ran (Mein­jarre), de bons vins à moins de 40 francs et une série de vins de pays des Côtes de Gas­cogne ven­dus moins de 25 francs.

Par­mi les vins de pays, je recom­mande par­ti­cu­liè­re­ment en rouge le mer­lot, déli­cieux, char­nu et frui­té, et en blanc le colom­bard et sur­tout le gros man­seng, à la fois sec et aro­ma­tique, qui est un vrai délice ; d’après la revue Har­pers, ce vin fait un mal­heur dans les res­tau­rants à Londres. Les ama­teurs de vins très secs trou­ve­ront leur bon­heur avec les “Pache­renc sec ” pro­duits par le domaine. À noter aus­si des blancs doux (“Ven­dé­miaire”, “Bru­maire”) qui ne manquent pas d’intérêt. Il est vrai que nous ne sommes qu’à deux pas de Jurançon…

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Alain Bru­mont, tél. : 05.62.69.74.67.
Autres bons pro­duc­teurs de Madi­ran : Domaine Laf­fitte-Tes­ton, tél. : 05.62.69.74.58 ;
Domaine Cap­mar­tin, tél. : 05.62.69.87.88 ;
Châ­teau Bar­ré­jat, tél. : 05.62.69.74.92 ;
Châ­teau d’Aydie, tél. : 05.59.04.01.07.

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