Un coentrepreneur providentiel

Dossier : XMP-Business Angels : Des actionnaires pas comme les autresMagazine N°629 Novembre 2007
Par François CHERRUAU (61)

De l’enthousiasme et des sous

De l’enthousiasme et des sous
De déno­mi­na­tion typi­que­ment anglo-saxonne, le « busi­ness angel » est une per­sonne phy­sique inves­tis­sant une par­tie de son patri­moine dans une socié­té inno­vante à poten­tiel. Il apporte en outre béné­vo­le­ment, à l’entrepreneur qui fait appel à lui, une par­tie de son temps, ses com­pé­tences, ses réseaux de rela­tions et son enthou­siasme. Éma­na­tion de l’association XMP-Entre­pre­neur, qui aide d’anciens élèves des dif­fé­rentes écoles à créer ou à reprendre des entre­prises, l’association XMP-Busi­ness Angels a vu le jour fin 2004. 

Libre et responsable

De sa longue car­rière dans les filiales du CEA, de Fra­ma­tome ou à la tête d’en­ti­tés per­son­nelles, Fran­çois Cher­ruau a gar­dé son enthou­siasme pour l’in­no­va­tion et un ennui cer­tain pour les compte-ren­dus plé­tho­riques exi­gés par les lourdes organisations.

« Le rôle d’in­ves­tis­seur volon­taire et par­te­naire per­met de retrou­ver les sen­sa­tions d’un patron libre et res­pon­sable, de par­ti­ci­per à une aven­ture inno­vante, tout en res­pec­tant le libre-arbitre de l’en­tre­pre­neur qui est venu faire appel à nous. »

« Après un appel dans les bul­le­tins de dif­fé­rentes écoles, nous avons pu réunir une qua­ran­taine de per­sonnes inté­res­sées, rap­pelle Fran­çois Cher­ruau. Il s’a­gis­sait de gens de même culture, prêts à inves­tir et à s’investir.
Un pre­mier groupe de tra­vail s’est pen­ché sur le concept de « busi­ness angels », typi­que­ment anglo-saxon et déjà mis en œuvre en France par quelques asso­cia­tions, fédé­rées par France Angels. »

« Cette der­nière asso­cia­tion, dont nous fai­sons natu­rel­le­ment par­tie, nous a aidés à éla­bo­rer nos sta­tuts et mettre au point nos moda­li­tés d’intervention. »

Entre « love money » et « capital risque »

Pour créer une entre­prise, il suf­fit sou­vent d’un peu de love money, recueillie auprès de sa famille ou de ses amis (de l’ordre de 100 000 euros). Le « capi­tal-risque » n’in­ter­vient que bien plus tard, à par­tir de quelques mil­lions d’eu­ros, pour le déve­lop­pe­ment ambi­tieux d’en­tre­prises déjà bien établies.

Entre les deux, il n’est guère que le busi­ness angel pour s’a­vé­rer capable de finan­cer la phase de décol­lage et, de plus, d’ai­der l’en­tre­pre­neur. Véri­table coen­tre­pre­neur, le busi­ness angel, aux dires mêmes des entre­pre­neurs aidés, sait « com­prendre le busi­ness et non seule­ment l’as­pect finan­cier ; appré­cier humai­ne­ment l’en­tre­pre­neur ; aider à prendre des déci­sions per­ti­nentes, voire non conformes aux pro­cé­dures dites cor­rectes ; aider à recru­ter ; trou­ver les par­te­naires néces­saires pour accom­pa­gner la crois­sance de l’en­tre­prise ; en bref jouer le rôle de coach, parce qu’il est « pas­sé par là ».

« Aux trois écoles de départ (X, Mines et Ponts) sont rapi­de­ment venues se joindre les Télé­coms, Sup-aéro, Sup-élec et quelques autres. Nous comp­tons même, à titre indi­vi­duel, un énarque et deux anciens d’é­coles de com­merce, sur un total « d’anges » qui dépasse aujourd’­hui la centaine. »

XMP – Business angels

12, rue de Poi­tiers, 75007 Paris
Tél. : 01 42 22 86 49

Bureau

Pré­sident : Fran­çois Cherruau
Vice-pré­sident : Jacques-Charles Flandin
Secré­taire géné­ral : Claude Picot
Tré­so­rier : Jacques Allemand
Secré­taire : Pas­cale Bart

Fran­çois Cher­ruau, X 61, quatre fois grand-père, gol­feur, mar­cheur et nageur émé­rite, est un expert du nucléaire. Ancien secré­taire du Comi­té de Direc­tion du Groupe CEA Indus­tries, puis direc­teur de la Mis­sion Inno­va­tion, il a pré­si­dé par la suite aux des­ti­nées d’Intercontrôle et d’ITAC Ins­pec­tion, socié­tés spé­cia­li­sées dans le contrôle non des­truc­tif. Il pré­side depuis trois ans l’association XMP­Bu­si­ness Angels (X‑Mines-Ponts-Busi­ness Angels), éma­na­tion de l’association XMP-Entrepreneur.

Une procédure en deux étapes

« La pro­cé­dure de base actuelle est très simple et repose essen­tiel­le­ment sur des liai­sons par Inter­net, explique Fran­çois Cher­ruau. Quelques cama­rades ont accep­té de jouer le rôle d’a­ni­ma­teur et sont infor­més en temps réel des demandes for­mu­lées par des entrepreneurs.

Si l’un d’eux juge le sujet digne d’in­té­rêt, il prend contact avec l’en­tre­pre­neur et lui fait rem­plir une fiche résu­mée en deux pages et un busi­ness plan qui en compte une dizaine. La fiche résu­mée est adres­sée pour infor­ma­tion à tous les membres et le dos­sier com­plet aux quelques uns qui mani­festent leur inté­rêt. Si l’in­té­rêt se confirme, une réunion est alors orga­ni­sée avec le deman­deur et un adhé­rent volon­taire prend la direc­tion de l’o­pé­ra­tion. Ce der­nier se charge de rédi­ger les docu­ments contrac­tuels néces­saires, dont le « pacte d’ac­tion­naire » qui lie­ra l’en­tre­pre­neur et les investisseurs. »

Un investissement personnel et personnalisé

L’as­so­cia­tion XMP-Busi­ness-Angels s’a­dresse aux ingé­nieurs diplô­més de l’É­cole poly­tech­nique, de l’É­cole des ponts, des Écoles des mines et d’autres grandes écoles qui dis­posent de res­sources qu’ils sont prêts à faire fruc­ti­fier en inves­tis­sant dans l’é­co­no­mie. Ils sou­haitent que cet inves­tis­se­ment puisse être boni­fié au sein d’une entre­prise qu’ils connaî­tront et qui béné­fi­cie­ra de leur expé­rience. Il s’a­git d’un inves­tis­se­ment per­son­nel direct, réa­li­sé éven­tuel­le­ment en com­pa­gnie de co-inves­tis­seurs qui par­tagent leurs valeurs.

L’armée des anges

Ils en ont, en Angleterre
On compte en France dix fois moins de « busi­ness angels » qu’en Grande-Bre­tagne… et l’on y crée dix fois moins d’emplois dans les entre­prises inno­vantes. Pour­tant, « nous créons autant d’entreprises qu’eux, les Fran­çais sont inno­vants et le capi­tal-risque dis­pose d’autant d’argent. Mais, il ne sait pas s’investir dans le déve­lop­pe­ment des jeunes entreprises. »

Le nombre de busi­ness angels de l’as­so­cia­tion XMP-BA est rapi­de­ment pas­sé d’une tren­taine au départ à plus de cent l’é­té der­nier, dont une quin­zaine d’a­ni­ma­teurs, « ce qui en fait vrai­sem­bla­ble­ment à ce jour la plus impor­tante orga­ni­sa­tion fran­çaise du genre », s’e­nor­gueillit Fran­çois Cherruau.

Une qua­ran­taine d’entre eux ont inves­ti dans une ving­taine d’en­tre­prises (sur deux cent cin­quante pro­jets pré­sen­tés), pour des sommes rela­ti­ve­ment modiques (22 000 euros par ange, en moyenne, avec un mini­mum de 3 000 euros), « ce qui montre bien que l’in­ves­tis­se­ment en argent compte moins que l’in­ves­tis­se­ment per­son­nel en temps et en conseil. »

Pour tis­ser des liens plus concrets que ceux d’In­ter­net, Fran­çois Cher­ruau orga­nise des réunions bimen­suelles de pré­sen­ta­tion, par les entre­pre­neurs eux-mêmes, de cer­tains pro­jets jugés par­ti­cu­liè­re­ment attrac­tifs dans un des grands amphi­théâtres de nos Écoles : ces réunions sont ouvertes aux adhé­rents mais aus­si, par voie de publi­ci­té dans les bul­le­tins d’an­ciens, aux non-adhé­rents qui le sou­haitent. Elles sont géné­ra­le­ment pré­cé­dées de confé­rences sur des thèmes inté­res­sant les busi­ness angels.

« Appor­ter sa com­pé­tence, vivre la vie de l’en­tre­pre­neur sans en connaître les nuits agi­tées, voi­là de quoi satis­faire ceux qui ont vécu la vie de l’en­tre­prise et se sentent quelque peu en manque. Mais les jeunes sont aus­si for­te­ment inté­res­sés et le quart des adhé­rents est âgé de moins de trente-cinq ans. »

Fier du che­min par­cou­ru et admi­rant depuis sa fenêtre l’en­fi­lade spec­ta­cu­laire de la rue de Ver­neuil, Fran­çois Cher­ruau est aux anges.

Propos recueillis par
Jean-Marc Chabanas

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