TREIZE ANNÉES DE CHRONIQUES THÉÂTRALES

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°649 Novembre 2009Par : Philippe OBLIN (46)

AUTRES ARTICLES DE PHILIPPE OBLIN PARUS DANS LA JAUNE ET LA ROUGE

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• L’Éducation natio­nale en ques­tion (10÷92).
• Archi­tec­ture ver­bale (3÷93).
• Menues aber­ra­tions 893).
• Bou­ti­quiers et belles âmes (3÷94).
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• Auguste Detœuf (3÷95).
• Dia­logue socra­tique (8÷96).
• Du bon usage des mots en poli­tique (3÷98).
• Les Salles de Molière. Où jouait-il ? (1÷02)

Tout com­men­ça en 1995. J’avais alors publié quelques articles dans La Jaune et la Rouge et j’entretenais d’amicaux rap­ports avec Gérard Pilé, rédac­teur en chef à l’époque. Il me télé­phone un jour pour me dire qu’il sou­hai­tait me pré­sen­ter à Jean Duquesne, son suc­ces­seur. Me voi­là donc dans son bureau de la Boîte à Claque, le mar­di 21 novembre 1995 si j’en crois ma col­lec­tion d’agendas. Nous bavar­dons à trois et, tout sou­dain, Pilé me dit que je devais bien aller de temps en temps au théâtre, et qu’ayant la plume agréable, je pour­rais essayer de tenir une chro­nique théâ­trale dans la revue. Il ajou­ta que, pour une fois, cela ferait quelque chose à y lire par les épouses des camarades.

Libé­rer un week-end par mois
L’idée m’amusa. J’acceptai, un peu impru­dem­ment car, si j’aimais bien le théâtre – mais qui ne l’aime pas ? – je ne me sen­tais aucune com­pé­tence par­ti­cu­lière dans ce domaine. Dans le train de ban­lieue de retour, j’imaginai un titre, Allons au théâtre, et, deux mois après, j’envoyai un pre­mier texte. Il concer­nait un spec­tacle de la Comé­die ita­lienne du cher Atti­lio Mag­guilli. Peu atti­ré par la glo­riole et sur­tout sou­cieux de pré­ser­ver ma tran­quilli­té, je le signai Sga­na­relle. « Sans inté­rêt » me répon­dit la nou­velle rédaction.

Après quelques petites péri­pé­ties la pompe fut tou­te­fois amor­cée et le débit devint régu­lier, mais sous mon nom. Je décou­vris assez vite que l’affaire n’était pas de tout repos. Habi­tant en ban­lieue pari­sienne, j’excluais de venir au théâtre en soi­rée, c’est-àdire avec une voi­ture à garer. Les mati­nées n’existant que le same­di ou le dimanche, il fal­lait libé­rer un week-end.

Une dure soirée
Il m’est pour­tant bien arri­vé une fois d’assister à une soi­rée. Mal m’en prit. Un auteur, après m’avoir écrit pour me dire com­bien il avait appré­cié l’analyse d’une de ses pièces, m’avait fait envoyer deux places pour son nou­veau spec­tacle, en soi­rée bien évidemment.

Nous voi­là donc en voi­ture, ma femme et moi. Nous pen­sions avoir pris assez lar­ge­ment de mou pour pou­voir dîner vite fait. C’était sans comp­ter sur les consé­quences de la poli­tique urbaine du moment en matière de cir­cu­la­tion. Il a fal­lu trou­ver un par­king et sau­ter dans le métro, tout cela pour arri­ver, tout essouf­flés, juste dans le temps que reten­tis­sait la son­ne­rie. La pièce était très bonne mais, ventre vide et ves­sie pleine, ce fut quand même dur. Que ne sup­por­te­rait- on pour la Patrie, les Sciences et la Gloire !

Sept cents fidèles
Quelque sept ans après le démar­rage de la rubrique fut orga­ni­sée une enquête auprès des lec­teurs de la revue. Ma chro­nique obtint de curieuses appré­cia­tions : 14% des lec­teurs en igno­raient jusqu’à l’existence, 42% ne la lisaient jamais et 6 % seule­ment, tou­jours. La Jaune et la Rouge comp­tant dix à douze mille lec­teurs, j’avais à peu près sept cents fidèles. C’était déjà quelque chose et il ne conve­nait pas de les déce­voir. Ce d’autant que l’on ne doit jamais déce­voir une femme, alors que lettres reçues et conver­sa­tions diverses me mon­traient que j’étais lu par bien des épouses.

Il y avait pour­tant un hic. Les chro­niques ren­daient le plus sou­vent compte de spec­tacles pari­siens et, lorsqu’elles parais­saient, il était fré­quent que la pièce eût quit­té l’affiche, soit pour dis­pa­raître, soit pour par­tir en tour­née. C’était fâcheux mais inévi­table. Non-pro­fes­sion­nel, je n’assistais que rare­ment aux pre­mières, d’autant que, sou­cieux de ma propre satis­fac­tion, je ten­dais à me limi­ter à des pièces dont j’avais enten­du dire du bien.

Me res­tait à ten­ter de com­pen­ser cette com­bi­nai­son d’embarras en don­nant à mes papiers un carac­tère quelque peu intem­po­rel, par évo­ca­tion de l’histoire, l’évolution des arts du théâtre, leur ensei­gne­ment, et autres. Il fal­lait essayer d’intéresser, à défaut de bien informer.

Le poids de la régularité
À la longue pour­tant, le Comi­té édi­to­rial s’inquiéta de la chose et je crus com­prendre qu’il sou­hai­tait plus « d’actualité ». Un de ses membres, ren­con­tré par hasard en jan­vier der­nier, pro­fi­ta de la cir­cons­tance pour m’expliquer ce que devrait être une chro­nique théâ­trale. Il fut péremp­toire, et je lui en suis fort recon­nais­sant : il leva mes hési­ta­tions. Le poids de la contrainte de régu­la­ri­té com­men­çait en effet de l’emporter de loin dans mon esprit sur le plai­sir du bien dire.

Je ne vou­drais cepen­dant pas ter­mi­ner sans remer­cier les lec­trices et les lec­teurs qui m’ont trop aima­ble­ment expri­mé le regret que leur ins­pi­rait ma déci­sion, sans oublier non plus tous ceux qui, au long de ces treize années, m’auront écrit pour me dire l’agrément qu’ils trou­vaient à mes papiers.

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