Tourmente et Passion

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°562 Février 2001Par : Gilles Cosson (57)Rédacteur : M. D. INDJOUDJIAN (41)

Les deux pre­mières par­ties de Tour­mente et Pas­sion ont été publiées en 1997 et en 1999 sous une forme légè­re­ment moins ramas­sée. De la pre­mière, j’ai eu l’occasion dans ces colonnes de dire tout le bien que je pensais.

Le pré­sent ouvrage offre au lec­teur une ample tri­lo­gie, dont le troi­sième volet, inti­tu­lé Une pas­sion alle­mande, est entiè­re­ment nou­veau et par­achève la belle archi­tec­ture de l’ensemble. Archi­tec­ture ter­naire, en effet, et même tri­ple­ment ternaire.

  • Trois natio­na­li­tés dans la famille aris­to­cra­tique du héros (russe, fran­çaise et allemande).
  • Trois tri­bu­la­tions dramatiques :
    – 1916–1920, de Saint-Péters­bourg à Ere­van ; la révo­lu­tion russe, la guerre civile et ses pro­lon­ge­ments jusqu’à l’Arménie et à l’agonie de celle-ci ;
    – 1924–1925, de Paris au Maroc de Lyau­tey et à la Tur­quie de Kemal Atatürk ;
    – 1933–1934, de Ber­lin à Rome, à Mos­cou et à la Poméranie.
  • Trois visions de la socié­té, celle du com­mu­nisme sovié­tique, celle du natio­nal-socia­lisme et celle, tra­di­tion­nelle, d’un héros de plus en plus épris de liberté.

Le lec­teur est empor­té et ému par la saga pas­sion­nante de Nico­las Bal­ken­berg, le héros, deve­nu dans la troi­sième par­tie du pré­sent livre baron von Ernim.

Empor­té et ému, parce que le récit est simple et sans arti­fice. Parce que, pour diverses que soient les aven­tures du héros, elles gardent l’unité pro­fonde que leur confèrent convic­tions spi­ri­tuelles et rejet de tout fana­tisme poli­tique ou religieux.

Parce que, enfin, Gilles Cos­son réus­sit de main de maître à ancrer la vie de ses per­son­nages dans une réa­li­té his­to­rique qu’il connaît parfaitement.

L’ouvrage n’est pas pour autant ce que j’appelle un roman his­to­rique, car presque rien n’est ajou­té aux actes et aux dires des per­son­nages réels. L’auteur, avec habi­le­té – une habi­le­té si grande qu’elle passe inaper­çue –, met ses per­son­nages fic­tifs au contact des per­son­nages réels… sans coups de canif à l’Histoire.

Ain­si, dans Une pas­sion alle­mande, n’interviennent pas seule­ment des per­son­nages connus (Léon Trots­ki, le géné­ral Wran­gel, le maré­chal Lyau­tey, Abd El-Krim, Mus­ta­fa Kemal, l’ambassadeur André Fran­çois-Pon­cet, etc.), mais le colo­nel Hen­ning von Trests­kov ou Josef Mül­ler que, dans une lec­ture rapide, vous pour­riez croire ima­gi­naires, alors qu’ils ont existé.

Le pre­mier a par­ti­ci­pé à plu­sieurs conju­ra­tions anti-hit­lé­riennes et s’est sui­ci­dé dix ans après la fin du roman, le 21 juillet 1944, déses­pé­ré de l’échec, la veille, de la ten­ta­tive d’assassinat de Hit­ler. Le second a joué effec­ti­ve­ment un rôle impor­tant par­mi les diri­geants de l’Abwehr qui ont ten­té d’arrêter la folie hit­lé­rienne. Il sera plus tard arrê­té par la Gestapo.

L’harmonie est par­faite entre la force roma­nesque et une réa­li­té his­to­rique que ce beau roman vous fera mieux comprendre.

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